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Les gilets jaunes et le rire de Pantagruel.

Ce que les Chiens de garde médiatiques ne peuvent pas faire, c’est prévoir l’avenir. Désorientés, ils ne peuvent pas imaginer ce qui se passera désormais les samedis qui viennent. Ils ne sont plus maitres des jours et des nuits, abasourdis par la tenacité et le courage de ces gilets jaunes. Ces derniers les dépossèdent de la maîtrise du Calendrier. Ces derniers ne les écoutent pas, ils construisent leurs combats de fins de semaine sans prêter l’oreille aux pilonnages de LCI -Pujadas, sans demander l’avis de Ruth Elkrief BFMTV, de Delahousse de France2 ou d’Yves Calvi. Ils se gaussent – suprême outrage – de l’ami Aphatie écumant sa haine sur Radio-Lagardère.

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Il faut mesurer ce que veut dire cette phrase : les Dominants ne sont plus maîtres du Temps, ce Temps qui, habituellement pour eux, est de l’Argent. Essayez de vous asseoir quotidiennement devant les écrans TV. Ils pensent que, passé le week-end, les gilets jaunes vont se rhabiller, qu’ils vont remettre leurs bleus de travail, que le lundi, le mardi, le mercredi, tout va rentrer dans l’Ordre (du libéralisme).

Ces Chiens de garde pensent qu’ils vont pouvoir souffler, retrouver leurs baballes, sortir dans le jardin, recommencer leurs petites conversations habituelles. Mais, malgré leurs efforts habituellement couronnés de succès, leur espace de vision reste surchargé de couleur jaune. Aux carrefours, sur les routes, jusqu’au cœur de l’Entreprise Drahi-Bouygues-Bolloré, ils sont cernés. Ô stupeur ! Les gilets jaunes frappent à leur porte et s’installent sur leurs plateaux jusqu’à lâcher à l’une d’entre eux «Vous êtes méprisante, vous êtes méprisable».

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Les Chiens de garde ont perdu momentanément l’initiative, les voila obligés de bousculer leurs programmes financés par l’argent des publicitaires, renonçant aux invitations de longue date d’autres Chiens de garde. Prisonniers de l’audimat, en fureur ravalée, ils annulent leurs rendez-vous et ne peuvent faire autrement que de faire place aux manifestants sur les plateaux (sinon, adieu l’audience !). On voit leur gêne, leurs visages décomposés, leur effroi. On lit leur stupeur devant ces extra-terrestres qui, il y a deux mois, leur étaient invisibles, inconnus. Et pour cause, vissés sur leurs fauteuils d’éditocrates, comment pourraient-ils avoir la plus petite idée de ceux qui, habituellement, les regardent ?

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Un mot ici, sur les analyses de journalistes à propos des audiences TV. Il y en a, dans les chaînes (principalement en continu) qui exhibent fièrement leurs chiffres d’audience, insistant sur la place redevenue centrale de la Télévision. Ils ne se doutent pas que ces millions de télespectateurs (21) qui ont regardé par exemple l’intervention de 13 minutes de Macron, qui ont allumé leur poste pour Xavier Mathieu et pour Emmanuel Todd, pour cette femme-là qui crache sa souffrance d’humiliée, pour cet homme qui serre les poings devant les caméras, cette journaille ne veut pas entendre cette hypothèse confirmée : les gilets jaunes et ceux qui les soutiennent regardent leur télévision parce qu’ils la haïssent et parce que – secondairement mais non sans importance – parce que ça fait du lien social. Quand tu traînes dans les carrefours, tu entends cettejoie : «T’as vu ce que Xavier Mathieu leur a mis hier !» etc.

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Bien entendu, les pseudo-sociologues, ces experts à la con traduiront cette colère en haine -mauvaise-conseillère bien malvenue dans le «débat démocratique» et qu’il faut «raison garder». Mais, ce faisant, c’est la grande frousse des Dominants qui se montre malgré leurs dénis, malgré leurs tentatives de conrôler le débit de leurs voix, malgré la distribution de la parole qu’ils ne peuvent plus organiser ni maîtriser.

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Cela écrit, le Pouvoir n’est pas vacant. Et je pense qu’on se trompe à croire qu’en trois semaines, la position des Dominants est désormais «fragile» (oui, en partie) , qu’elle vacille (oui, en partie). J’ai trop connu d’espoirs avortés, trop de désillusions pour envisager l’avenir de façon complètement sereine. Ici, pas de Merlin l’Enchanteur qui lit l’Avenir dans sa boule de cristal, ce n’est pas en mon pouvoir de savoir ce qui va se passer.

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A la différence des Chiens de Garde que cette imprévisibilité effraie au plus haut point, je me suis senti joyeux, empli d’une joie qui dépasse le contentement narcissique et la pulsion quelque peu sadique de voir la débandade de ces Roitelets de l’Information (d’Alain Duhamel à Ruth Elkrief, d’Aphatie à Eric Brunet). Nul ne m’enlèvera cette joie qui monte des entrailles de la Terre, ces secousses qui, à l’air libre, m’ont fait danser, rire, hurler « Macron, démission » à gorge déployée.

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Une joie qui, surtout, fait parler. Il n’est que de participer aux Manifestations, de se tenir aux Carrefours en jaune pour écouter la… circulation de ces paroles, le croisement, le chevauchement joyeux des échanges. Une extraordinaire joie qui traverse vos fibres, qui ramène de la lumière, instants d’échanges et de partage, si, si… quasi-christiques. La joie des Dominés, c’est quand-même quelque chose : ça ne parle pas pour soi (on n’est pas dans le misérabilisme mis en scène par les montages audio-visuels de TF1). On est dans une autre dimension parce que ça parle pour UN et ça parle pour TOUS.

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Cette parole, chacun, chacune s’en empare, chacun, chacune sent qu’elle vibre intensément ici et ailleurs, dans une joie collective, marmite nationale toute jaune. Une joie qui traverse une infinité de corps fourbus, marqués, fatigués mais soudainement métamorphosés. Et dans cet incroyable charivari, naissent des propositions admirables (mi-spontanées mi-superbement pensées) de lutte.  Qu’on s’arrête un instant sur la trouvaille de s’être parés de gilets jaunes, gilets rendus obligatoires par les Forces de Sécurité (routière, gouvernementale) et détournés de leur sens imposé. Qu’on s’arrête aussi à ces Carrefours et à leur symbolique.

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Elles : il faut le dire, le répéter : les femmes tiennent le haut du pavé dans cette lutte. Elles qui ont été si longtemps étouffées, honnies, ignorées.

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Et côté faiseurs d’opinion, rédacteurs, journalistes de pointe, éditocrates, experts, sondeurs-politologues, politiques (pas tous), ils continuent de nous exposer leurs visions abracadabrantesques. Souvenons-nous de la façon dont ils nous ont seriné depuis des siècles les pourcentages de Fillon, de Marine Le Pen, de Macron, de Mélenchon (ils plaçaient Marine Le Pen à 30%) avec ce point continu de leur aveuglement de Dominants : ignorer les 70 à 80% d’abstentionnistes qui, aujourd’hui, occupent majoritairement routes et carrefours. Aujourd’hui encore, ces Chiens de garde ne comprennent toujours pas les raisons de la colère. A l’Assemblée, Edouard Philippe tressait des lauriers au nouveau député élu LREM à Evry, il le faisait applaudir pour sa victoire alors que plus de 80% d’inscrits avaient opté pour… l’abstention.

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Paroles : celle du Président avant-hier. Ce n’est pas l’esbrouffe de ses annonces qui m’a frappé. En effet, qu’attendre comme mesures positives d’un banquier Président, lorsqu’on le sait suppôt du MEDEF, en plein accord avec l’Europe libérale qui délègue des policiers belges aux frontières pour les Casseurs, qu’il est aux ordres de Juncker et de ses lois d’airain, que c’est un poltron qui poste des avions pour préparer sa fuite ? Non seulement il n’y a rien pour le populo mais il y a encore beaucoup pour les Employeurs et le Grand Patronat.

Non, ce qui m’a frappé une fois encore chez lui, c’est le grain inhumain de sa voix lorsque, cravate de travers, il parle des Gueux et choisit ses exemples. Ce que j’ai retenu de lui une fois encore, c’est le timbre blafard, couleur de mort, de sa voix lorsqu’il dit ressentir «cette colère juste à bien des égards». Parole non habitée sur cette scène télévisuelle, parole avec laquelle il massacrait probablement les textes shakespeariens sur la scène de son Collège privé d’Amiens.

Ecoutez le réciter son texte écrit par ses Agents de Com. Là, il se penche sur ce «couple de salariés qui ne finit pas ses fins de mois et qui se lève chaque jour tôt et se lève tard pour aller travailler loin »(ouf !), là il pleure sur cette «mère de famille célibataire, veuve ou divorcée qui ne vit mêmeplus, qui n’a pas les moyens de garder ses enfants et d’améliorer ses fins de mois et n’a plus d’espoir». Ouf ! Ouf ! Comique. Du plus haut comique.

Et c’est à cet instant-là que je me souvins de cette Lettre aux Acteurs de Valère Novarina.

«Faut des acteurs d’intensité, pas des acteurs d’intention. Mettre son corps au travail. Et d’abord, matérialistement, renifler, mâcher, respirer le texte. C’est en partant des lettres, en butantsur les consonnes, en soufflant les voyelles, en mâchant, en mâchant ça fort, qu’on trouve comment ça se respire et comment c’est rythmé ». Avec Macron, on en est loin. On est dans l’étouffement, dans l’apnée, dans la cadence d’En Marche militaire.

Tu vois, ami(e) lecteur, à l’écouter, tu sens tout de suite qu’il y a un autre monde, que ça ne boxe pas dans la même catégorie.

Et dans ce choc des contraires qui me gagne instantanément, dans l’étincelle de cet antagonisme de classe, je suis parti d’un rire, d’un rire inconnu, des pieds à la tête, du bas-ventre au plus haut de mes pensées.

Un rire pantagruelesque, un rire tout habillé d’un magnifique gilet jaune.

Le Tour de ma Méditerranée.

 ulysse

Lors de mes derniers jours, de mes dernières nuits, je n’ai guère eu envie de suivre les péroraisons des Artistes suivistes qui ont donné leurs bénédictions à Bernard Arnault et à sa Fondation Vuitton. Guère envie non plus de convaincre quelques Blogueurs de Gauche s’extasiant devant la multitude des Opérations politiques de Com. Mes oreilles n’en peuvent plus.

Il y a crise. Crise de notre Monde ? Pas forcément. Plutôt crise dans la représentation que nous nous en faisons (moi compris). Crise qui fait fêlure dans nos habitus et face à l’Inconnu (demain nous mourrirons) ; nous qui avons été élevés dans le Progrès glorifié, dans le Savoir tout-terrain, dans la Réponse à Tout.

Ces derniers jours, ces dernières nuits, j’ai donc décidé de me changer les idées en faisant le Tour de ma Méditerranée.

Pourquoi l’Acteur ne doit pas découper son texte en tranches de salami…

Salami_aka

L’ami Bernard Kreiss m’a souvent répété qu’en traduisant Thomas Bernhard l’écrivain autrichien («Des Arbres à Abattre» / «Le Naufragé» en Folio), il entendait dans le mouvement de ses phrases le souffle court de l’asthmatique (que Bernhard avait réellement été). 

Comptes rendus.

Voilà bien longtemps que je n’avais jeté un regard précis sur mon lectorat. J’ai donc analysé mon audience via le thermomètre Google Analytics,  curieux de savoir d’où on me lit, qui me lit, comment les internautes arrivent sur mon blog, qu’est-ce qu’ils lisent et, surtout, combien de temps dure leur lecture.

Lire, relire, lier, se relier : des verbes contre les Pouvoirs.

Lire, relire. Lier, se relier. BiBi a slalomé entre les livres de Valère Novarina, de Primo Lévi, d’Arlette Farge et a écouté les chants déterminés (et parfois désespérés) des ouvriers de l’usine Doux à Graincourt.

Lire, relire. Lier, se relier : tout ce que les Pouvoirs détestent.