BiBi s’était rendu en mai 2001 à Auschwitz via le train des Justes. Il se souvint qu’il avait été éprouvé par cette magnifique journée ensoleillée, par la propreté des lieux et par le vert d’un gazon rutilant. Il avait eu cette intention primaire et sauvage de salir ce lieu, d’y jeter ses papiers sales, de rendre cette terre maudite inhospitalière.
Ce dimanche 20 juillet 2008, il y avait le même soleil dans la Clairière des Justes au Mémorial de Thonon-les-Bains. S’y était rassemblée une centaine de personnes afin de célébrer les Justes qui aidèrent des juifs, parents et enfants, à échapper à la Déportation et à l’Extermination. BiBi aima la simplicité de la Cérémonie et admira les arbres tout autour. Plantés chacun voilà dix ans par un Juste de France et les mains d’un enfant juif, il eut une tendresse particulière pour cet olivier un peu incongru dans ce lieu mais bien vigoureux. Le recueillement se fit dans la Sagesse végétale et dans le Souffle d’une brise amie. BiBi se souvint du mot de Cioran : « J’abjurerais toutes mes terreurs pour le sourire d’un arbre ».
C’est un morceau d’Ernest Bloch (« Schlelomo ») qui ouvrit cette Commémoration.Il fut suivi du discours de Jean Denais, Maire de Thonon, qui rappela que nous étions ici au Mémorial National des Justes de France inauguré le dimanche 2 novembre 1997. Cette inauguration se fit en présence de plus de 2000 personnes venus de partout pour découvrir cette belle Clairière des Justes. Il fit aussi l’annonce que le 3 mai 2009, la ville de Thonon-les-Bains recevra officiellement le Livre des Justes et des Gardiens de la Vie.
A sa suite, le Docteur Jean-Bernard Lemel, Président de l’Association en Hommage aux Gardiens de la Vie, prit la parole avec émotion : « Au sens étymologique, expliqua t-il, commémorer, c’est se remémorer ensemble. La Communauté juive est très soucieuse de partager ce moment de recueillement avec l’ensemble des habitants de la région et de la ville car cette journée nous concerne tous, quelles que soient notre origine et notre histoire personnelle ». Il donna ce seul chiffre de 84 %, pourcentage des enfants juifs français sauvés par les gestes de la population française. Voilà qui tempère l’idée défendue trop longtemps d’une France délatrice et toute entière pétainiste. BiBi aurait aimé qu’on soulignât qu’aucun des partis politiques au plus haut sommet eut comme mot d’ordre d’alors de « sauver les enfants », partis qui restèrent prisonniers et crispés sur leurs aveuglements idéologiques respectifs. Le Docteur Lemel insista sur la validité et l’authenticité des témoignages, saluant Jeanne Brousse d’Annecy et Ruth Fayon qui connut, elle, cinq camps de concentration.
Après le morceau musical « Prière de la Vie juive » de Chagall, le Sous-Prefet s’essaya à une lecture historique, mettant l’accent sur la rafle honteuse du Vel’d’Hiv commandée par les politiciens pétainistes et exécutée par la Police française (oubli malheureux du qualificatif de « française« ). Il évoqua les différents statuts des juifs qui furent autant de persécutions. « N’acceptons pas d’être les témoins passifs et les complices de l’Inacceptable. Luttons ».
BiBi fut alors pris d’un léger vertige lorsque s’imposèrent à lui les réminiscences des applaudissements très contemporains d’un certain Ministre célébrant les chiffres des expulsés ramenés par ses préfets, indifférent devant les cris des travailleurs africains expulsés des Foyers au petit matin. Attention, BiBi se garde bien de faire l’amalgame a-historique et de rabattre les oppressions du moment sur l’Extermination. Mais il retiendra ce mot d’ordre : « Luttons » pendant que la Sonnerie aux Morts et la Marseillaise retentiront dans le calme de la Clairière.