Bien sûr, cela ne rajeunit pas BiBi. Il était encore un gosse des rues lorsque, oreilles collées au transistor, il écoutait les commentaires des grands matches sur le Normende, la radio familiale en ondes courtes. Déjà, en demi-finales de la Coupe des Clubs Champions 59/60, eut lieu cette première confrontation continentale entre le Real et le Barça. Vainqueur 3 à 1 au Stade Chamartin, les madrilènes confirmèrent au match retour sur le même score. Ils devaient remporter leur cinquième Coupe d’Europe en battant l’Eintracht de Francfort à Glasgow sur le score de 7 à 3 avec un Puskas (4 buts) et un Di Stefano (3 buts) au sommet de leur art. Des noms à faire rêver BiBi.
Evidemment tout le monde sportif s’interrogeait pour savoir qui allait battre cette équipe qui avait déjà marqué l’Histoire du Football. Cette même année, le Barça comptait dans ses rangs de très bons joueurs, Kubala, Suarez et Evaristo en tête. Le jeu du Barça était commandé par l’entraineur franco-argentin Helenio Herrera qui s’illustra plus tard avec l’Inter de Milan en prônant un jeu ultra-défensif dans la décennie qui suivit… au grand désespoir de BiBi. H.H., très discuté – malgré ses deux titres consécutifs de champions de la Liga et une victoire en Coupe – allait devoir céder sa place au discret croate Lujbisa Brocic.
Un an plus tard, le 23 septembre 1960, BiBi recollait ses oreilles au transistor… car le tirage au sort avait donné de sacrées têtes d’affiche dès les huitièmes de finale : Reims-Burnley et à nouveau… Real-Barcelone.
Après un premier match à Chamartin où Suarez marqua deux buts et permit au Barça d’espérer, la fièvre gagna les deux camps. On parla longtemps de l’arbitrage anglais de Monsieur Ellis au match aller et on allait parler autant de son presque homonyme Regg Leaf qui annula trois buts aux Madrilènes dans la rencontre au Nuevo Estadio (Camp Nou), nouvellement construit mais pas encore fini d’être payé ! Le « Miroir-Sprint » de l’époque avait titré « Il fallait que cela arrive mais… ce soir-là, le Real n’a pas mérité de succomber ».
Revenons donc à cette folle soirée catalane qui vit la première défaite historique du Grand Real. Le stratège Ladislas Kubala avait été longtemps discuté par Herrera mais il était resté le chouchou des supporters blaugranas. Merveilleux meneur de jeu, il était bien aidé par Evaristo le Brésilien, Kocsis, le gardien Ramallets et Vergès.
Le premier but refusé au Réal fut celui qui prêta à contestation et aurait permis au Real de concrétiser une domination incontestable. Il fut marqué par Del Sol qui, après un corner, reprit à 15 mètres un ballon repoussé par un défenseur barcelonais. Stupeur : l’arbitre anglais signala une faute imaginaire de l’avant madrilène Canario. Neuf minutes plus tard, Barcelone allait prendre l’avantage : Vergès tenta sa chance de loin et le défenseur Pachin, sur la trajectoire du ballon, le dévia dans son propre but au grand dam de Vicente, le gardien du Real. La deuxième mi-temps fut très spectaculaire et la tension monta encore d’un cran lorsque la défense madrilène dut se réorganiser en faisant passer le défenseur Pachin, blessé, à l’aile droite. A la 69 ième minute, ce fut le second but du Real annulé : une passe lobée de Puskas pour Di Stefano qui égalise. Non, décida Monsieur Leaf en sifflant un hors-jeu de l’avant-centre. Plus les minutes passaient et plus le Real, énervé, s’emmêla les pinceaux. Gento multipliait les tirs lointains et sans danger, Di stefano tentait de remettre l’équipe à flot mais ce qui devait arriver arriva. Un centre d’Olivella, après une passe très bien dosée de Kubala et une reprise, tête plongeante d’Evaristo. 2-0. Le Real ne baissa pas les bras malgré un troisième but refusé… le ballon avait-il seulement longé la ligne ou l’avait-il franchi entièrement ? L’équipe madrilène revint pourtant à 2 à 1 à quatre minutes de la fin par Canario qui battit de près Ramallets. L’ultime chance madrilène s’envola à la dernière minute du temps réglementaire. Un ciseau miraculeux de Vergès dans la surface éloigna définitivement le danger.
Le Gran Estadio pouvait faire la fête. Ramallets, le gardien du Barça, devait reconnaître que le Real restait quand-même la « meilleure équipe du Monde ».
Cette soirée historique du mercredi 23 septembre 1960 marqua l’histoire du Barça et celle de la Coupe d’Europe de football. Les deux clubs étaient déjà dans le rouge financier. Le Président Miro-Sanz déclarait même… après le match « que le capital engagé n’est pas amorti et une défaite aurait été très grave pour nos finances ». Pour le Real, une page se tournait. On parlait dans les coulisses du stade du renfort pour la saison suivante : l’allemand Uwe Seeler. Il fallut attendre la saison 65/66 pour revoir le Real au plus haut niveau (victoire contre le Partizan de Belgrade à Bruxelles).
Le Barça fut moins chanceux. Il battit certes Hambourg en demi-finales mais, à Berne, il ne sut par quel bout prendre l’équipe de Benfica (défaite par 3 à 2), Benfica qui corrigea l’année suivante le… Real avec un buteur nommé Eusebio.