Quand on est petit, on demande souvent « Pourquoi y a des étoiles?»«Pourquoi y a des animaux ? ». Puis, plus tard, on se demande « Pourquoi il y a la guerre ? Pourquoi il y a des injustices ? » Peut-être s’est-on entendu répondre « C’est comme ça ! ».
Aujourd’hui, dans ce premier mois de 2020, ce « pourquoi ? » est revenu. A la différence de mes premières années, je n’attends pas de réponses. C’est que je crois savoir aujourd’hui pourquoi…. ces pourquoi sans réponse perdurent.Cette nuit, en bordure des rêves, en ces moments où parfois quelque chose s’écrit en déferlante, ce n’était pas de la prose qui s’installa mais un amoncellement de « POURQUOI?». Et ce matin, j’ai eu la chance de pouvoir les retrouver. Ils ne m’échapperont pas. Les voici donc en vrac :
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Pourquoi ne retrouve t-on pas le coffre-fort de Benalla ?
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Pourquoi la CFDT de Laurent Berger capitule, signe l’armistice puis s’engage dans la voie de la Collaboration ?
PourquoiFrançoise Nicolas, la courageuse lanceuse d’alerte, ne retrouve pas de travail ?
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PourquoiFillon ne rend pas le Million volé ? Pourquoi n’est-il pas en prison ? Pourquoi est-il l’invité de Lea Salame et Thomas Sotto ?
Pourquoi pardonnons-nous tout à Jacques Chirac ?
Pourquoi Frédéric Haziza reste toujours à LCP alors qu’il a eu un rappel à loi pour harcèlement sur une journaliste qui, elle, a été priée de s’en aller ?
Pourquoi les éditocrates continuent chaque matin de poser leur cul sur leur fauteuil et ne sortent jamais dans la rue le jour des manifs ?
Pourquoi les Medias ne parlent pas tous les jours de la mort de Zineb Redouane, de Steve Maia Caniço et de Cédric Chouviat ?
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Pourquoi Christophe Schmidt, directeur du Service Politique de l’AFP, a ôté de son avatar Twitter 2017 l’image d’un Macron triomphant pour le remplacer par une vue neutre des bâtiments de son siège ? Honte ?
Pourquoi tout le monde rit quand le macroniste Gabriel Attal – qui n’a jamais bossé – veut « émanciper la jeunesse » (à Verrières et ailleurs) ?
Pourquoi les radios de RadioFrance – si bavardes pour parler d’essoufflement des grévistes – ne parlent jamais de la grève qui se produit dans leurs batiments ?
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PourquoiLa Montagne et son journaliste de Vichy tressent sans arrêt des louanges dignes de la Pravda au candidat LR Frédéric Aguilera à la Mairie de la ville ?
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Pourquoi de Mediapart au Figaro, de France Inter à Europe1, on a choisi et signé un contrat avec l’officine de comptage des manifestants parisiens En l’Occurrence sachant que son Directeur (son tweet ici à Aurore Bergé) est un macroniste forcené ?
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Pourquoi les Decodeurs du Monde ne divulguent pas le montant en dollars que FaceBook leur donne chaque année en gage – paraît-il – de leur indépendance ?
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PourquoiChecknewsfr ne répond pas à la question posée le… 6 mai 2019 portant sur Edouard Philippe, le Havre, sa femme et Science-Po Paris ?
Pourquoi l’émission des Grandes Gueules de RMC n’a pas encore programmé une de leurs émissions sur l’évasion fiscale ? En prenant comme exemple exemplaire leur Boss Drahi qui continue de les payer.
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Pourquoi dans leur article du Monde, Ariane Chemin et Raphaëlle de Bacqué n’ont pas un mot sur Josyane Savigneau, fervente admiratrice de Matzneff qui a régné sur… le Monde des Livres pendant plus de 15 ans dans leur propre journal ?
Pour comprendre comment a pu exister un Gabriel Matzneff, il faudrait sortir de son cas individuel et aller regarder ce champ editorial qui a permis son accession, aller voir ce qui détermine ce champ-là et en analyser la structure. Bien entendu, il faut circonscrire toute cette réflexion à l’époque (1980-2015) où non seulement les instances de consécration honorent le pédophile Matzneff mais consacrent aussi un Richard Millet, auteur encensé par le top des blogueurs littéraires (Pierre Assouline), par Pierre Nora, Pierre Jourde, Denis Tillinac, par Le Point, 20 minutes, honoré par une interview dans L’Express, applaudi par l’Obs, Le Monde, La Tribune de Genève, les télés (à ITelé, il disposera de 11 minutes).
Comme pour Matzneff, les salutations littéraires et médiatiques sont parisiennes (1) et démultipliées. Dans le cas de Richard Millet, il s’agit de louanges portant sur un ouvrage où il dit toute son admiration pour ce gentil garçon blanc norvégien Anders Anton Breivik qui assassina 77 personnes.
Matzneff (ici lire le billet de Juan Asensio de 2013) Richard Millet : un parcours similaire dans la Jungle de la Reconnaissance.
Je ne ferai pas ici l’analyse du champ de l’édition de l’époque. Je renvoie simplement aux précieux articles de Pierre Bourdieu et aux deux numéros des Actes de la Recherche en Sciences Sociales publiées en mars et décembre 1999.
Tout ce petit monde, grenouillat de célébrités et de seconds couteaux, d’écrivains installés et de jeunes loups frappant à la porte, se meut dans un espace social relativement autonome, oriente les acceptations ou les refus de publications. Il entretient les illusions propres à ce milieu que sont l’« art pur et désinteressé ». Illusion qui lui permet de dire haut et fort que la logique marchande n’est pas toute puissante dans l’édition. Dans ce panorama succinct, il faut aussi prendre en compte les agents des grandes maisons et de leurs filiales : éditeurs, critiques influents d’alors, personnalités médiatiques et journalistiques très souvent attachées à des maisons d’edition (avec direction de Collection, présence aux Comités de lecture) etc.
Ben oui, on y trouve Bernard Pivot(1), Guillaume Durand, Franz-Olivier Giesbert. Ceux-là même qui défendent/défendaient aprement ou sur un ton léger Gabriel Matzneff et sa stature « littéraire » de pédo-criminel sans sourciller. Derrière ces liens cachés de cette époque, on pouvait classifier les Maisons (les 7 grandes) : Le Seuil, Gallimard, Flammarion, Grasset, Minuit, Albin Michel et Michel Laffont. Les petites maisons démunies d’alors, souvent provinciales, souvent dirigées par des femmes, novatrices, s’appuyant sur les petits libraires, seront obligées de se rallier à la « vertu » du marché. C’est l’époque où l’instance de consécration tourne autour d’Apostrophes, du Monde des Livres de Josyane Savigneau (féroce groupie de Philippe Sollers et de Matzneff, dominatrice pendant 15 années au Monde des Livres ), du Figaro Littéraire (où trônent les idoles les plus invitées de Pivot : Jean d’Ormesson, Max Gallo, Philippe Labro) et du dossier Livres hebdomadaire de Libération. Y inclure, bien sur, les émissions de France Culture ou les passages dans Le Magazine Littéraire (Grasset) où l’on allait glaner des miettes précieuses de notoriété.
Hier, Matzneff était célébré par le Figaro Littéraire, Liberation, le Monde des Livres et nombre d’autres instances critiques. Aujourd’hui, il suffit de publier son autocritique (Laurent Joffrin dans Liberation), il suffit de faire une double page dans Le Monde (Ariane Chemin, Raphaëlle de Bacqué), il suffit de dire que Pierre Bergé (directeur du Monde) abritait alors Matzneff (sans écrire un mot sur Savigneau) pour être éxonéré et être blanchi.
Qu’il est beau ce grand Cirque qui bat sa coulpe et tente de sauver son honneur ! Voyez FOG, Frédéric Beigbeder qui se déclarent solidaires de Matzneff ET de Vanessa Springora. Voyez Pivot parlant de l’époque(2) pour se faire pardonner. Et remarquons au passage qu’on n’est pas allé demander à Philippe Sollers (grand prêtre via L’Infini – Le Seuil), à Julia Kristeva, à Le Clézio, Dominique Bona, Patrick Besson, Jérôme Garcin, tous jurés du Renaudot 2015, à Jean-Marie Le Pen passant ses vacances avec Matzneff, ce qu’ils pensent de tout ça. Dans un même oubli, on fait silence sur Roland Barthes et ses voyages marocains Bah, les petits marocains, les petits philippins on s’en fout, hein ?
Et on oublie aussi la parole du film de Visconti (« Il faut que tout change pour que rien ne change »), Ariane Chemin et Raphaëlle de Bacqué nous parlent d’un introuvable « Saint-Germain-des-Prés englouti », on fait mine qu’il y aura un grand chambardement après « trente ans d’impunité ». De quoi en rire ! Bernard-Henri Lévy ( via La Règle du Jeu) est toujours là, régnant en Maitre dans les réseaux littéraires, FOG continue d’écrire au Point, Angot publie, les circuits qui mènent à la publication perdurent, les armatures du Marché du Livre restent inchangés, plus forts que jamais. Laissons passer la parenthèse. Dans six mois, tout recommencera.
Tout redeviendra comme avant. Les écrivains pédophiles prendront des précautions supplémentaires, ils voyageront incognito, feront dans l’Humanitaire ou dans le Droit des Enfants pour être insoupçonnables. Pivot (3) sera remplacé par François Busnel et Augustin Trapenard. On nous abreuvera un peu plus de livres de nouveaux entrants, des Rebelles certainement, qui feront exploser les canons de la langue française, n’est-ce pas ?
Mesdames, Messieurs, le Cirque Barnum (4) est toujours en tournée avec ses têtes d’affiche, il est vivant, il continue. Sur vos écrans, vos tablettes, vos hebdos, vos écrans TV. Allez, bonnes lectures à tous. pour 2020 !
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(1) La centralisation parisienne accélère, amplifie le pouvoir des réseaux. On se connaît, se reconnaît, on ne cesse de se côtoyer, on s’invite, on s’insulte parfois, on dîne ensemble, on se rend des services (entre auteurs, journalistes, lecteurs de Maisons etc). Bien sûr, il y a des figures atypiques qui refusent d’être sur la piste avec ces Clowns. Henri Guillemin par exemple, écrivain et grand historien qui disait : « Paris : c’est une ville à laquelle je suis allergique. Et puis les gens s’y bousculent, se font des crocs-en-jambes, il y a une terrible bagarre littéraire à laquelle je ne veux pas prendre part, ça ne m’interesse pas ». (Mag Littéraire juin 1981)
(2) Ah c’est si pratique d’évoquer « l’époque » des Eighties pour nous faire avaler que tout le monde avait alors les idées « larges » ! Au moment où, perso, jeune éducateur spécialisé, j’avais affaire aux cas d’inceste et d’abus sexuels en pagaille dans mon travail auprès d’enfants et d’adolescents.
(3) Pour situer, les choix constants de Pivot en littérature, signalons qu’il était venu à la TV après avoir été avant 1975 un jeune transfuge du…. Figaro. Choix qui évidemment censuraient toute une frange minoritaire, provinciale de la « littérature », en particulier des revues de haute tenue, mortes depuis longtemps au champ d’honneur du Marché. Voir mon billet. Pourtant, en petits rongeurs dans la jungle littéraire, on pouvait trouver d’admirables figures anonymes criant, écrivant dans le désert. On faisait silence sur Christophe Tarkos, Pierre Rottenberg, Patrick Laupin, Roger Laporte, Eugène Durif, Joël Vernet ou encore Jean-Marie Geng et sur tant d’autres. Il est plus que temps d’aller les découvrir….
(4) Un petit extrait (1999) des Actes de la Recherche en Science Sociale pour information précieuse….