Tag Archives: Pierre Bourdieu

Les Phrases oubliées (à propos de la Tunisie, de l’Euro, de P.Bourdieu)

BiBi est allé repêcher des phrases oubliées. Celles de Frédéric Mitterrand, de Michèle Alliot-Marie (en janvier 2011, sur la Tunisie), celles d’Alain Minc et de Sollers (sur Pierre Bourdieu décédé il y a 10 ans). Il a retrouvé aussi quelques  florilèges sur la Beauté de la naissance de l’Euro.

Figaro-ci, Figaro-là.

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Pour bien cerner ses adversaires de classe, BiBi est allé les lire (1). Il y a toujours à apprendre d’eux, de leurs stratégies de défense, de leurs attaques ciblées. BiBi s’est rendu la semaine dernière dans le dédale des pages du Figaro. Journal à prendre dassault et à jeter à la Corbeil-Essones, selon le vieux dicton-BiBi.

Dans la Famille Besson : Luc-le-«Cinéaste ».

1. Dans le Figaro du 1er décembre, Luc Besson vante son prochain film mais en profite pour nous distiller ses pleurnicheries politico-populistes. «Nous avons perdu beaucoup de nos valeurs (Liberté, Egalité, Fraternité). Maintenant, l’argent est premier. Le monde ne peut survivre avec 800 personnes fortunées contre 800 millions de pauvres». Bien vu, Luc sauf qu’il faut quand même rappeler que tu embauchas dans ta Société de Cinéma (Europa Corp), Emmanuelle Mignon, celle-là même qui écrivit les discours de Sarkozy en 2007-2008-2009. Tu sais, Sarkozy… le Président des Riches, le Président qui défend les intérêts de ces 800 fortunes du monde.

L’ «Amie » de Nicolas.

Charles Jaigu, journaleux du Figaro, est un grand timide. Il sait que crier trop fort son amitié pour Angela Merkel serait plutôt mal vue. Alors il a trouvé une petite astuce : il parle d’Angela en mettant des guillemets au mot « amie » lorsqu’il parle d’Angela/Nicolas.  Allez un peu de courage, Charles ! Ôte les guillemets ! Est-ce que BiBi met des guillemets lorsqu’il parle du Chien de Garde de la Niche  Dassault ?

Le long des golfs pas très clairs.

Le Figaro du 25 novembre présente sur une page entière les Golfs de Marrakech, la ville de nos célébrités artistico-philosophico-médiatiques et de nos hommes politiques. Analysant les qualités des golfs, le Figaro écrit : «Le Maroc est réputé pour ses armées de «porteurs de sacs». BiBi se demande si Robert Bourgi n’y aurait pas déposé ses valises. C’est que du Gabon, le voyage est bien plus court et plus économique qu’un rendez-vous à l’Elysée.

Karl-Theodor, le guerrier.

Karl-Theodor Zu Guttenberg, l’ex-Ministre de la Défense allemand, préféré de Madame Merkel, s’était vu congédié de son poste car il avait éhontément plagié la thèse d’un étudiant pour se faire mousser. Ce Ministre qui qualifia l’aventure afghane de son armée de «Guerre» (jamais souligné par la Presse française d’alors) revient aux Affaires d’après le Figaro. Le cher Karl-Theodor n’a pas désarmé : le revoilà relooké et vierge. Il a du prendre conseil en France : à Bordeaux chez Juppé, à la Défense chez Longuet ou en Savoie chez Gaymard. C’est l’humour-BiBi pas l’Humour-Figaro.

Entre les mailles de l’Entrefilet.

Alors qu’on en fait des tartines sur les rencontres au sommet Angela/Nicolas, on a peu disserté sur la rencontre du Président des Riches avec le patron de la Banque Goldman Sachs, Lloyd Craig Blankfrein. C’était le 21 novembre dernier. Le Figaro en parle dans un entrefilet en nous faisant croire que Chouchou a engueulé Lloyd sur les manigances de la Banque.

Annie Ernaux : une conscience de… classe.

Le Figaro du jeudi 1er décembre a fait l’éloge de l’écrivaine Annie Ernaux. «Etincelant» écrit Thierry Clermont avec cette phrase : «Oui, il y a toujours eu chez Annie Ernaux cette conscience de classe, cette fierté que d’autres ont perdu». C’est vrai que «question Conscience de Classe», au Figaro, on ne l’a jamais perdue. Signalons à ce critique littéraire de lire le vibrant hommage que la magnifique Annie Ernaux rendit à Pierre Bourdieu. Euh… le lire ? La conscience de classe de ce journaleux n’ira certainement pas jusque-là.

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(1) Le blogueur Corto74 demande à Bembelly ce qui l’oblige à lire Le Figaro : «M’enfin, qu’est-ce qui t’oblige à le lire ? Rien si ce n’est le truc a la mode que l on appelle le Figaro bashing. Et ne me dis pas que tu es sensible au phénomène de mode , si ? C’est leur ligne éditoriale point barre». Mais cher Corto, comment parler du Figaro sans le lire ? On ne peut parler (et combattre ce torchon) qu’en le lisant assidument. C’est ça l’éthique du blogueur : parler de ce qu’on connait très précisément. Il faut lire le Figaro car en ne le lisant pas, on déserte le combat politique et on donne des armes à ses adversaires. Ce que, bien entendu, certains blogueurs de Droite – comme toi ? – aimeraient tant.

(2) Bembelly, Bah ! By CC et la Plume d’Aliocha ont fait aussi un billet là-dessus :

A table avec le JDD, savoureux canard-laquais.

BiBi a bu à la source du JDD. Le Canard laquais de Lagardère (version dominicale) tente de se refaire une santé en se rapprochant de son lectorat mi-intello mi-populo. A la bonne heure ! Mais qu’Olivier (Jay) et Claude (Askolovitch) fassent bien attention, il se pourrait que

Dominique Wolton ou les Cancans d’un Communicant.

Visage poupon, main au menton en penseur de Rodin, Dominique Wolton a les honneurs du Canard-Laquais en page 22 (JDD du 17 octobre). Ce grand Penseur de la Com’ nous y distille son habituelle rhétorique en prenant fait et cause pour TF1, pauvre victime attaquée de toutes parts, blessée par les propos de… seulement deux hommes politiques (Montebourg, Mélenchon) sur un total de… ?

Contre-vérité.

Les Patrons de TF1 et celui de France Télévisions (nommé par Chouchou) «ne sont pas là pour faire seulement de l’audience». On appréciera l’avis avisé du Directeur de l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS, probablement fan de « Secret Story« , de la redif des « Feux de l’Amour » ou du retour de Lagaffe (pas Gaston) dans le fantastique « Juste Prix« .

Amalgame.

Critiquer TF1, écrit-il, c’est critiquer «le public qui le regarde» et «les acteurs qui y travaillent». On appréciera (bis) l’avis très avisé du Directeur de l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS.

Charge contre Internet.

«Le journaliste Internet a pour lui et contre lui la vitesse avec le risque d’être manipulé par l’évènement et par lui-même». Idiotie de cette dichotomie ( journaliste/journaliste du Net) mais il s’agit là d’un avis très très avisé d’un Directeur (ter)…. etc, etc.

Censure.

Dominique Wolton construit son raisonnement à partir de trois «dimensions» de bon-sens (le bon-sens se révélant être le sens du néo-conservatisme, le sens du «il y a pire ailleurs, donc chez nous, c’est finalement pas si mal»), trois entités donc que sont «l’opinion publique, les médias, les acteurs».

La vision idéologique du Directeur en poste au CNRS ne se résume pas dans ces trois mots mais plutôt dans cet emploi de déterminants («l’», «les») qui les globalisent.

Cette vision écarte toutes les contradictions qui travaillent «l’opinion publique, les médias, les acteurs».

Pierre Bourdieu, honni du vénérable Directeur, appelait ça des «champs», les «contradictions du champ», avec «les luttes internes qui y sont à l’œuvre» (1). Cette bagarre dans le champ a pour seul but : s’emparer du Maillot Jaune de la Légitimité et le garder à n’importe quel prix.

C’est alors que, derrière BiBi, une bien mauvaise langue – atteinte de mélenchonite aigüe – vient répéter un vieux slogan inventé par un grand ami de TF1 : «Allez, casse-toi, pauv’ Com’».

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(1) Deux exemples :

1. En nov 2008, un certain nombre de journalistes du JDD ont remis une lettre à Arnaud Lagardère pour protester contre l’orientation pro-sarkozyste du journal. Pour connaître les résultats, les demander à Claude Askolovitch, Olivier Jay ou Nicolas Prissette (au choix).

2. Au Figaro, très récemment, des journalistes ont dénoncé la censure sur leurs articles parlant en mal des Pays africains très amis avec Serge Dassault, proprio du canard-laquais. Dans ces pays, Dassault y vendait sa quincaillerie militaire. Pas un mot évidemment dans les éditoriaux de nos grands penseurs et ardents défenseurs de la liberté de la Presse : Olivier Jay et Claude Askolovitch. BiBi attendra avec intérêt la protestation de Wolton dans le prochain JDD.

« Vive la Crise ! » (1984-2009)

Le JDD 2009 et Libération 1984

Le JDD de ce dimanche ne nous rajeunit pas. Ce «Vive la Crise » vient comme un écho du numéro spécial de Libération de février 1984, numéro qui faisait suite à une émission de TV diffusée alors sur Antenne 2.  BiBi se souvient de ce supplément hors série concocté par notre tandem toujours en poste dans les Sphères médiatiques : Serge July et Laurent Joffrin. Yves Montand, lui, envahissait alors nos écrans (télévisés). L’acteur y plaidait la cause de l’austérité, se proclamant «de gauche, tendance Reagan ». Son argumentation était simple : les Français refusent de se plier aux nouvelles contraintes économiques, obstinés qu’ils sont à réclamer «toujours plus». Dans son sillage, Pierre Rosanvallon, ex-théoricien de la CFDT, invitait les lecteurs à «apprendre l’austérité». Ah les Belles années des Eighties !

Libé d’hier, JDD d’aujourd’hui : pourquoi ce rapprochement entre ces journaux ? C’est que le Slogan «Vive la Crise » 1984-2009 est un doublon : il intervient dans la bataille idéologique. En février 84, la Propagande libérale glosait sur la  fin des idéologies, sur la futilité de l’Etat-Providence et célébrait le Culte de l’entreprise. Les Français étaient appelés à faire des sacrifices. L’Etat social et  les prétentions  syndicales devaient en rabattre sur l’autel de la rigueur. L’Europe unie applaudissait une Présidente nommée Margaret Thatcher. En janvier 2009, la Populace n’a toujours pas compris : elle défile en piaillant pendant que l’argent file, elle manifeste alors qu’elle devrait se mettre au travail. La Populace ne comprend pas que la Crise représente une «grande mutation», douloureuse, mais finalement profitable à long terme.

En 1984, l’émission d’Antenne 2 donnait la parole et l’image à un jeune énarque vendéen nommé Philippe de Villiers. Sous-préfet démissionnaire, il fut le Créateur de cet incroyable spectacle «libertaire et convivial » des Fêtes du Puy du Fou. En 2009, le JDD continue de nous faire saliver avec du pain et des jeux, du lard et de l’Art. Gloire aux Globes de Cristal avec Attali en vers ! Vive le Louvre et ses expos. Bravos aux braves nantais qui célèbrent leur Bach d’abord ! Grand soit Picasso au Grand-Palais ! Merci, merci, merci à Bernard Arnault en mécène et saluons Europe 1 du Frère Lagardère en fonds sonore qui chipote et chapeaute l’Expo du Gitan.

Doublon donc mais avec les réajustements d’aujourd’hui : la collusion de la Critique Artiste avec la Présence des Milliardaires y est portée à son point maximum (1). L’intertitre est d’ailleurs significatif : «Sans le Mécénat, adieu grandes expositions et festivals de qualité »(2). La Peinture, le Cinoche, la Chanson nous «jouent la mélodie du Bonheur». Dans le même tempo, il nous faut oublier «les lendemains qui déchantent ». Derrière ce Slogan de «Vive la Crise » revenu en première ligne dans la Boîte à Idées de nos Chiens de Garde, BiBi n’y voit aucune ironie, aucun humour distancié de Bobo. Pour lui, ce n’est pas un bon mot de potache, c’est plutôt l’Opération Idéologique du Nouveau Libéralisme : «Soyez fascinés par les traits, les couleurs, les Voix ». Comme nous le dit Jean-Jacques Annaud, il faut éteindre la Guerre du Feu, gommer le Conflit c’est-à-dire le Politique : «La Culture est notre chance, notre vocation, notre solidité et notre destin. Et notre horizon». L’Art – version Mécénat – est rassembleur, il efface les clivages. Enfin réconciliés devant l’énigme de l’Aventure humaine, nous voilà Un parmi d’autres. BiBi tient la main de Sophie Marceau et celle de Charlotte, 18 ans. Dans le Musée, BiBi déambule avec l’anonyme Emilie 24 ans, aux côtés de Bernard Arnault. Tous affluent, hors classes sociales : Mick Jagger comme les mulots, Nicole Kidman comme Eva Mendès et les 18.000 visiteurs derrière.

Le revers du Tableau est bien entendu mis sous silence. Les grondements du 29 janvier n’ont pas une ligne dans le JDD. Pour BiBi pourtant, deux millions d’anonymes ont montré ce jour-là qu’ils aimaient l’Art… l’Art de vivre.

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(1)   Voir Luc Boltanski et Eve Chiapello. «Le Nouvel Esprit du Capitalisme ». Gallimard 2000. (pages 500 – 576)

(2)  Voir Pierre Bourdieu et Hans Haacke. «Libre-échange » au Seuil.

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