1. Tamara, 27 ans, est une femme heureuse : elle a épousé tout récemment un ingénieur de 42 ans. Chrétiens tous les deux. Elle attend la fin de ses études de Droit pour être Juge et travailler auprès des enfants. Elle voudrait améliorer les lois qui protègent les mineurs contre l’arbitraire. Paradoxalement, elle trouve qu’à Damas, il y a trop de jeunes (irakiens réfugiés) : «Cette arrivée massive a perturbé notre pays». Ses parents habitent à 150 kilomètres de Damas, la Capitale. Malgré la voiture qu’elle peut conduire (40 centimes d’euro le litre d’essence), malgré le prix en car (1,5 euro le trajet), elle ne leur rend visite qu’une fois tous les deux mois. Comme beaucoup de syriens, elle ne connaît pas très bien la géographie intérieure de son pays et n’ose guère s’y aventurer. Sa maison est en construction, toute proche de celle de ses beaux-parents. Son visage est radieux et son thé délicieux.
2. B., 32 ans, est un homme célibataire, de confession chrétienne. Ce soir-là, il se laisse séduire par un groupe de jeunes musulmanes buvant un thé à la terrasse. Certaines sont coiffées d’un voile, d’autres ont leur chevelure qui vole au vent, d’autres fument le narguilé sans complexe, jouent au jacquet ou se remettent du fond de teint devant les miroirs des couloirs.
B. compte quelques amies musulmanes mais n’en épousera aucune. Les codes sont trop prégnants, la pression des familles souterraine est omniprésente, les habitus sont trop pesants. «Ils nous acceptent mais ils veulent que nous restions à notre place». Mais la réciproque est aussi vraie : les chrétiens – 13% de la population, couche sociale aisée – veulent coexister mais ont le même adage : «chacun chez soi». Pas de mélange ou de réciprocité via la mixité des mariages par exemple.
La Famille reste un point d’ancrage incontournable, décisif : « à mon âge », dit-il, « je dois accélérer le mouvement » (il se doit de trouver rapidement une femme jeune, en âge de procréer). S’il n’y arrive pas, il sera triste. Seule possible sortie d’impasse : rejoindre un oncle au Canada avec ce prix à payer : distendre les liens familiaux, s’éloigner de ses proches.
3. Pour comprendre ces mariages impossibles et inenvisageables, rappelons que 8 syriens sur 10 se réclament de l’Islam et du sunnisme (pour 80 % d’entre eux). Les minorités druzes, kurdes et celle des Alaouites (à laquelle appartient la famille du Président Bachir El Assad) se réclament elles aussi de l’Islam.
4. A l’opposé, les Chrétiens sont eux aussi disséminés, entre grecs orthodoxes, latins, arméniens. Enfin restent seulement 300… juifs, juifs qui constituaient avant 48, une des plus importantes communautés religieuses du Moyen-Orient.