C’est la venue en grande pompe de notre Président qui remet la ville de Vichy à l’honneur. Un Président qui déclare qu’il ne faut pas « manipuler, agiter, revoir » l’Histoire… Or que fait-il d’autre lorsqu’il présente un Maréchal Pétain reconstruit par l’extrême-droite en seul vainqueur de Verdun, lorsqu’il se tait – comme Zemmour et ses nervis – sur les fusillés des mutineries 1917 sur ordre de Pétain ? Bê oui, il manipule, il agite, il revoit et fabrique un récit national qui sent très mauvais. Demandons-nous ici au nom de quoi un chef d’Etat décrète et veut imposer à la recherche historique de ne pas être « revue » (poursuivie) ?
On rappellera ici plusieurs choses :
1. La première des choses – et pas des moindres – c’est que Macron voulait légitimer Pétain (et commémorer le fasciste Maurras). Ici l’info et le titre du Figaro.
Un Pétain dont justement l’Histoire revoit son héroïsme de la première guerre mondiale…
2. La seconde chose concerne cette idée que seuls 80 parlementaires s’opposèrent à Pétain ce 10 juillet 1940. Un professeur d’Histoire (un certain Ianis Roder) déclare même sur France Info que ce jour-là, Pétain avait « réuni TOUS les Parlementaires pour demander le vote des pleins pouvoirs ». Non, ils n’y étaient pas TOUS. Dans le salut de Macron d’hier, il y a une demi-vérité mais surtout un complet mensonge. Cette cérémonie d’hommage se fonde sur des omissions importantes – et pour cause.
- 1. Beaucoup de députés ne furent pas là en raison de la désorganisation de la France occupée.
- 2. Ces louanges sur les 80 parlementaires permettent de taire les causes de l’absence des députés communistes. Ces derniers furent interdits par décret-lois de début janvier 1940 du « socialiste » Daladier, celui-là même qui partit à Munich pour soi-disant défendre la Paix avec Hitler ! Ces communistes furent assignés à domicile. Ils ont été forcés à la clandestinité, ils ont été pourchassés, emprisonnés ou déportés – ce qu’on ignore hélas – dans les bagnes d’Algérie.
- Silence aussi sur les 27 passagers qui embarquèrent sur le Massilia pour Alger car refusant l’emprise nazie.
Enfin, il faut rappeler que Laval (et derrière lui ses sbires, ses hommes de main) usa d’intimidations ce 10 juillet afin qu’une majorité approuve sa place de grand Chef. Un « 10 juillet » qui n’eut rien d’une surprise puisque préparé de longue date par les industriels, les banques, les synarques, les ligues et toute la presse antisémite et anticommuniste (principalement depuis Madrid, chez Franco où Pétain, ambassadeur dès 1939, recevait ses hommes et préparait en toute tranquillité son putsch).
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VENI VIDI VICHY
Certains (à Vichy et ailleurs) en ont marre qu’on associe Vichy à l’époque de la Honte. Aucun complexe à avoir. Et pour cette simple raison que la Collaboration n’est pas une question historique locale mais indéfectiblement nationale. Il n’y a en effet pas de rapports directs entre les Vichystes (les 40.000 fonctionnaires et auxiliaires de la Collaboration venus s’installer dans la ville après la capitulation) et les Vichyssois (même si certaines familles suivirent le Maréchal). Redisons-le fermement : il n’y a aucune mesure entre les uns et les autres.
Et si les historiens parlent de « France de Vichy » il n’y a pas lieu de pleurnicher inutilement – comme le fait régulièrement le Maire de la ville. A Nuremberg, on n’a pas sorti les mouchoirs pour regretter que l’on parle des funestes « Lois de Nuremberg » de septembre 1935. Le Maire s’honorerait plutôt à défendre l’idée d’un vrai et grand Musée national pour l’époque 1940-44 (voir mon billet d’alors ici).
UN PEU D’HISTOIRE.
Et au lieu de faussement s’indigner comme lui, faisons un peu d’Histoire.
Ici un témoignage (1) d’après-guerre d’un maquisard de la montagne bourbonnaise toute proche de Vichy. Il revient sur l’année 1943. Lisez bien les dernières lignes. Elles introduisent des nuances sur la population rurale ( ici des environs de Vichy) et démontent quelques clichés sur la France qui aurait été truffée de délateurs ou encore sur la supposée léthargie des Français(es) d’alors.
PRESSE D’HIER (ET D’AUJOURD’HUI (2) ?)
Ce groupe de maquisards de Châtel-Montagne, hélas pas assez vigilant, fut trahi par un milicien malheureusement introduit dans ce groupe. La plupart des maquisards capturés furent envoyés en camps et n’en revinrent pas. Regardez comment le Progrès de l’Allier d’alors parlait de cette arrestation dans ses obscènes feuilles de chou.
Voilà qui nous mène directement à aujourd’hui, au meeting de Villepinte, aux médias de la honte. Mêmes mots, mêmes insultes sous couvert d’ »amour de la France ». Mêmes grands patrons de presse (De Wendel, Bolloré, Bernard Arnault, Pinault, Lagardère, Bouygues etc).
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Rien d’obsessionnel à continuer de revisiter, à continuer de parler de cette période brune – n’en déplaise au Président.
CONCLUSION PROVISOIRE
Si vous comprenez comment « l’Etat français », valet de l’Occupation allemande, a été construit et préparé bien avant ce 10 juillet 40 par le grand patronat (qui possédait et finançait les journaux), les banques, les ligues fascistes (issues de l’Action Française, matrice de ce fascisme),
Si vous comprenez le rôle très important de De Gaulle à Alger bataillant contre les hommes des Américains (Giraud, Weygand, Darlan, Pucheu) et l’apport décisif des gaullistes et des communistes dans la Libération,
Si vous écartez cette « vichysto-résistance » introuvable (parlons plutôt de vichysto-américains, de ceux qui voulaient se vendre à Roosevelt et Murphy), si vous comprenez la non-épuration dans la Police et la Magistrature dans l’après-guerre (Papon et Bousquet furent la règle non des exceptions)…
alors NOUS comprendrons ensemble et de façon majoritaire ce qui se cache derrière le laisser-faire de Macron et de Darmanin à propos de ces facheux fachos qui hurlent et qui s’arment.
Et…. VOUS comprendrez qu’il ne faudra pas se tromper au moment du vote 2022.
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(1) Témoignage tiré de ce livre hélas non réédité d’André Sérézat. Ce livre restitue les combats dans l’Allier. On regrettera que le livre d’Audrey Mallet se soit limité à la ville de Vichy (ce qui laisse entendre qu’il n’y eut pas de résistance FTPF dans la ville – et pour cause !) alors que les combats faisaient rage tout autour dans le département (Montluçon, Moulins, Saint-Germain des Fossés, Lapalisse, Montagne bourbonnaise, Forêt de Tronçais).On incitera le lectorat-bibi à se reporter aussi à la fiction de M.Alioua sortie récemment sur le Vichy de 1940-41.
(2) Pourquoi associer la presse d’hier à celle d’aujourd’hui ? Bah, pour trois fois rien. J’ai juste constaté que la Montagne Vichy m’avait bloqué sur son compte Twitter. Petit scandale de rien du tout de voir que, dans notre France pluraliste, un quotidien interdit à un citoyen d’accéder à ses tweets.