En regardant Lyon-Bordeaux sur TF1, BiBi s’est demandé pourquoi les retransmissions sportives avaient besoin d’un commentaire pour accompagner son regard sur l’écran.
Souvenirs de radio.
Ses souvenirs d’enfant sont rattachés à une position couchée, oreilles sur les haut-parleurs du Normende, un des premiers couplés Radio/UKW/électrophone. Les commentaires d’alors étaient sans image. Les propos assénés étaient éclairants, pertinents et savants. Ils transmettaient une Culture loin de l’Analphabétisme des Supporters de la Tribune Boulogne, ils transmettaient un Savoir sans le Voir, ils remplissaient notre Imaginaire en dessinant un Réel presque aussi vrai que celui du Spectateur du Stade.
Téléspectateur enchaîné.
Avec le(s) Commentaire(s) d’aujourd’hui, il s’agit, pour les Direction des Chaines, de justifier auprès du client l’achat coûteux du Spectacle proposé. Ces Porteurs de Paroles tentent de nous convaincre que ce qui est présenté est unique, exceptionnel. Pression des Patrons oblige.
Tout à fait, Thierry.
Longtemps, l’hégémonie fut totale avec Thierry Roland. Devant les matches pas toujours sublimes, on lui fabriqua une légende avec son compère « Jean Mimi », on se gaussa de leurs Blagues de maternelle, on s’amusa à leurs chansonnettes ringardes vendues en produits dérivés etc. Le duo permettait d’éluder l’ennui de matches soporifiques. A défaut de belles actions, on avait droit à des dialogues historiques et à une déperdition simultanée dans la Connaissance du Jeu. Les publicitaires le savent bien : il n’y a pas que l’image qui compte pour le téléspectateur lambda. Il y faut une Légende.
Grandes et petites coupures.
Imaginons une coupure du son du Poste TV. Nous voilà trépignant, maudissant à qui mieux-mieux cette Technicité et cette Perte (alors que l’image, elle, n’a pas disparu). Comment expliquer cette grogne brutale si ce n’est que la rupture du Son serait – hypothèse – une équivalence de l’arrêt brutal de la Complainte maternelle, de l’Histoire racontée au Petit Enfant Merveilleux que nous ne cessons jamais d’être. Mmmhhh : ça vous berce, ça vous materne, c’est chaud, c’est bon ce Ronron.
Et quand ça manque, il y a comme la réminiscence et le retour de nos trépignements et colères (enfantines).
Comment se taire ?
Les Commentaires s’uniformisent : ton éructant sur de soi-disant « belles » phases de jeu, montée en octave et en décibels pour trois fois rien, assommants « Oh », « Ah », les « formidable, prodigieux, magique etc », superlatifs servis pour les ignares que nous persisterions à être. Sur Canal Plus, franche Rigolade toutes les cinq secondes agrémentée d’une pseudo-réflexion soporifique et peu critique sur le Jeu etc.
Faire autrement ?
Parler autrement ? Sortir de la Voix Unique, du Sens obligatoire de l’Uniformité ? N’y aurait-il rien à entendre, à attendre d’autre ? Car c’est toujours ça qui manque dans ce Poste où l’on nous cause : le choix, le multiple, la démocratie.
Bon c’est vrai : ce sont des rêves.Parce que la Télé, elle, s’en contrebalance de chercher, d’innover, d’inventer.
L’ami de Sarko, ce cher Patron Martin Bouygues, il s’en fout de la Poésie sonore, de la Petite Musique de Nuit et de Mozart, il n’entend que les cris de la Bourse et les bruits des petites bulles de Coca-Cola.
La Mort.
Dire que BiBi va mourir dans trente ou quarante ans et qu’en fond et tréfonds sonore, il y aura toujours un ersatz de Thierry, un Jean Michel, un Jean-Pierre ou encore une blague de Paga. Oui, au final, c’est ça le plus triste, le plus atterrant, le plus terrible.