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Le cliché du Point : Raphaël Glucksmann.

Ce qui frappe en premier, c’est la bibliothèque, ce sont les livres impeccablement rangés. (Mais comment atteindre ceux du haut ?) Pas de désordre : ni dans l’alignement des ouvrages ni dans les idées du Penseur. Et voyez toute cette blancheur, cette clarté dans l’image, sur les murs, sur la fenêtre du Salon, sur la porte entrouverte, sur le mur de droite, sur la seconde fenêtre à droite. Une blancheur rehaussée par des colorisations discrètes, celles présentes dans le Salon d’à côté (fauteuil 1960 rouge, plante verte, chaise jaune, tapis gris) et celle des tranches des livres sur les étagères. C’est qu’il faut des couleurs aseptisées pour offrir à la fois de la Douceur (ne pas effaroucher la gente de gauche et de droite, les réconcilier loin de la Barbarie radicale) et du Sérieux (rien ici n’est frivole, rien n’est superflu – absence totale de babioles). La couleur honnie est bien sûr le Rouge vif. Trop agressif ce Rouge aborrhé des Révolutions. Le Rouge c’est la couleur du Sang que font verser les Barbares, les Terroristes, les Extrêmes, la couleur des Têtes passées par la Guillotine, de la Révolution de 17.

Ah ce Salon ! Il nous appelle, nous incite à entrer par sa porte entrouverte : « Entrez ! Entrez, futurs électeurs ! Voyez mon invite au débat apaisé et tranquille, loin des vociférations de l’Assemblée ! » Une fois encore, revenons à tous ces livres qui fascinent et qui occupent la moitié du cliché. Toute une rangée homogène : c’est celle d’une Collection (cinquième étagère à droite). C’est que les Collections, ça en jette ! C’est d’un chic ! Remarquons quand-même une faute de goût : seulement trois volumes de La Pléiade (Trois pour cette collection de classe ? C’est mesquin). Les autres livres ? On voit leurs tranches si mignonnes, colorisées sans ostentation mais – seconde faute de l’Agence Com – on ne voit pas leurs titres. Quel dommage !

Restons encore sur cette blancheur et surtout sur son Sens : un Sens synonyme bien sûr de Renouveau, de Naissance, de Renaissance, de Vitalité. Le principal du Sens du cliché est là : tout est clair, tout va s’écrire, une nouvelle page va s’écrire (une écriture à l’ordinateur, voilà qui fait plus moderne, plus glamour, plus sérieux). On devine déjà quel sera cet Homme qui écrira la Nouvelle Philosophie Politique qui s’annonce. Une Philosophie qu’il n’a d’ailleurs pas tardé à annoncer. [« Il faut tourner la page Macron et Mélenchon !»] Par contraste, en effet, la philosophie mélenchonniste est devenue une vieillerie, un second Mur de Berlin qui va s’écrouler. Idem pour les discours usés sur les classes et les luttes de classes, pour ces bla bla bla relégués dans les Recycleries, chez Emmaüs ou dans les vide-greniers du dimanche.

Ici, on est ici dans l’Appartement de la Restauration, de la Rénovation. Voyez les murs d’hier remis à neuf, repeints en blanc. L’espace – c’est indiscutable – est impeccablement pensé. L’appartement standing est de belle tenue, probablement une niche au Centre de Paris. Propre. Vierge. Comme l’Homme au milieu de l’image, costume discret en bleu discret, avec, aussi, une chemise blanche à la BHL, son ami. L’homme est à table (entre table paysanne et table IKEA). On ne sait finalement pas dans quelle pièce nous sommes : salle à manger ? Bureau ? Cuisine ouverte ? Mais peu importe, ne nous laissons pas distraire : il est magnifique cet Homme au regard de playboy un peu perdu ! Mais on se trompe, il faut corriger : ce regard n’a rien d’un regard « perdu ». Non, c’est juste un moment de rêverie, une absence nécessaire dans un temps entier de période de travail acharné. L’Homme prend la pose… euh, non, la pause. Une petite pause. Le décorateur a rajouté sa touche personnelle dans son agencement : deux petits verres posés négligemment pour que l’Homme puisse se désaltérer. L’Homme (quel Homme !) regarde au loin. Il regarde aussi le proche avenir. On ne fait que se répéter : quel bel homme politique ! Comme Léa a de la chance !

Cet homme n’est pas seul. Il est avec nous, il est pour le partage. Sa Nouvelle Philosophie est celle du Partage. Son regard nous cherche. Ses pensées partagées ont enterré celles qui causaient du Grand Capital vs Travail. Notre Homme partagé est en avant, il est dans la Modernité, il est dans le Sérieux. Il est l’Homme que la France attend. Un Messie. Une idole. Il est incomparable.

Pas de doute : il est là, déjà dans nos coeurs. On la tient notre idole du XXIème siècle.

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Cet homme n’est pas le seul à s’afficher devant sa bibliothèque. Voyez tous ceux repérés dans le cliché de fin: voyez tous ces intellectuel(le)s de Droite. C’est que s’imposer sur la photographie avec des livres derrière, voilà qui fait sérieux, voilà qui vous classe derechef en Penseur émérite et bien Français (Nous sommes – n’est-ce pas – le peuple le plus cultivé). Ce genre de cliché dans les grands hebdos, c’est la recherche d’un profit de distinction. Il montre que vous êtes au-delà des humains ordinaires : vous travaillez au-delà de vos forces (Tant de livres lus, c’est monstrueux, n’est-ce pas ?). Oui, contrairement à ce qu’on pense habituellement, ces potiches (Une internaute méchante dit : « serpillères ») ne lézardent pas : elles pensent, elles font tourner leur langue mille fois par jour, elles font travailler leurs cerveaux. Ce ne sont pas du tout des feignasses. C’est qu’il leur faut tenir leur rang, leur image. Ces gens-là ne travaillent et ne vivent que pour ça : se lover dans leur classe (dominante) et y rester. Coûte que coûte.

Une vie sans livres ?

Photos

Tu tires des livres de tes étagères. Au hasard.

Tu ouvres les livres tirés de tes étagères. Au hasard.

Les livres défendent ta vie.

Tourner

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LE   LIVRE

Le Livre t’impose d’emblée le flou et le vague

Il n’est pas là pour t’aider à t’en sortir

Il ne te tend pas la main

De ta place tu n’as pas le choix

Ou tu suis ou tu fuis.

Parfois c’est le contraire

Le livre fait dans le précis et le concis

Il te tend la perche te passe le témoin

Tu as de la place tu as le choix

Ou tu suis ou tu fuis.

 

Tu aimes ainsi les Livres rares

Oui tu aimes tes chers Livres

Non parce qu’ils sont rares et chers

Mais parce qu’ils défendent ta vie.

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