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Roms : une chronique rageuse d’Etienne Liebig.

Etienne Liebig est un nouveau « chroniqueur » dans « Lien Social », la revue des éducateurs spécialisés. Dans le numéro du 2 septembre, cet éducateur, qui accompagne les Tsiganes depuis plus de 20 ans, a publié cette petite chose qui en dit long sur la rage et la colère qui soulèvent quelques-uns d’entre nous.

Le billet s’intitule : COURAGE POLITIQUE.

BiBi espère qu’Etienne Liebig ne lui en voudra pas de présenter ses très riches pensées à propos desquelles il n’y a rien à jeter.

«Cet été, les politiques ne nous ont pas déçus. Nous qui trouvions qu’ils manquaient de courage, là, j’en suis resté baba ! Ils ont osé enfin dire tout haut ce que le pilier de bar pense tout bas : «Les Tsiganes sont des voleurs qui roulent avec de grosses voitures que même moi, je peux pas me payer, c’est normal, ça ?». C’est beau, c’est grand de parler d’une ethnie spécifique en termes génériques.

Pourquoi n’ont-ils pas rajouté, puisqu’ils sont sur la bonne pente, que l’Antillais est nonchalant, l’Auvergnat près de ses sous, le Chinois cruel et les Portugais âpre au gain ? Peut-être parce que les Antillais-Auvergnats-Chinois-Portugais ont des représentants au sein de la Nation, au sein des instances européennes ou internationales et qu’un propos ethnicisant et raciste à leur encontre vaudrait une condamnation définitive tandis que les Roms et les Manouches n’ont aucun poids politique (…)

Les Tsiganes n’ont pas de députés, pas de grosses entreprises, pas de consulat, pas d’armée et pas de fric. On peut y aller franchement et laisser libre cours à la petite vengeance sociale dont rêvent tous les frustrés et les nazillons. Et bien, je vais les rassurer, c’est réussi. Je suis passé voir des Roms roumains expulsés de baraques construites sur le bord d’une bretelle d’autoroute à Bobigny où les familles dorment à même le sol d’un parking, sous la flotte et où les femmes pleurent car leurs bébés manquent de lait (…)

J’ai été surpris toutefois : je n’ai vu personne danser et chanter… Il me semblait pourtant que les Tsiganes aimaient se réunir autour du feu, le soir, que les hommes jouaient de la guitare pendant que les femmes agitaient leurs robes. On m’aurait menti ?»

L’Enigme d’Autrui.

Les réflexions de Paul Fustier, psychologue à l’Université Lyon 2, ont beaucoup influencé BiBi dans son métier d’éducateur spécialisé. BiBi se souvient de ses interventions en école de formation et de ses exposés en Conférence (sur le travail avec les familles par exemple). Humour et pensées en mouvement y faisaient bon ménage.

Paul Fustier s’est associé à Jean Cartry, éducateur spécialisé, collaborateur de la revue « Lien Social », pour écrire à deux voix un livre paru récemment aux Éditions Erès : «L’éduc et le Psy » (Lettre sur la clinique du soin éducatif). Jean Cartry a été au cœur de la création d’une famille thérapeutique qu’il a fondée avec son épouse il y a plus de trente ans.

Échanges et croisements d’hypothèses, relevés de détails (savoureux passage sur le «robinet de Paul »), inventaire de rituels socialisants dans les prises en charge d’enfants et d’ados au quotidien, éclairages sur les affects en jeu (ainsi celui qui met en jeu les mécanismes d’identification projective), réflexions sur le départ des jeunes protégés de la structure éducative etc. Tous ces chapitres sont construits autour d’une correspondance épistolaire entre les deux hommes dans une « conversation » sans concessions mais toujours amicale, avec un va-et-vient entre riches considérations générales et attention soutenue aux « petits riens » et à leur signification.

Dans l’interview que Jean Cartry a accordé à la revue « Lien Social », l’éducateur donne une part déterminante à l’engagement : « Engagement dans une relation éducative certes mais qui nous surprend, dépasse le champ strictement professionnel (payé) et déborde sur le privé (gratuit) dès lors que cette relation se développe dans un espace d’altérité véritable : qui est cet enfant pour moi ? Qui suis-je pour lui ? Nous sommes menés plus loin que prévu compte tenu de ce que l’autre (l’enfant ou l’ado) dépose en nous dès lors qu’il se sent important pour nous ».

Jean Cartry et Paul Fustier insisteront sur les paradoxes de nos positions éducatives (travailler la séparation sans la rupture ou la disparition par exemple). Paradoxes qu’il ne suffit pas d’énoncer de façon juste car la nécessité commande non seulement de tenter d’en comprendre le sens, de «mettre au travail psychique les incompatibilités apparentes qui les constituent », mais aussi de partager ces paradoxes et de les éprouver (ainsi celui autour des chaussons).

BiBi ne peut que rejoindre Jean Cartry lorsqu’il avance sa conclusion ouverte à propos de l’Autre, de cet Autrui difficile à saisir : «  En fin de compte – et quoiqu’il arrive, reste l’Enigme d’Autrui qui appelle notre humilité et notre prudence».

Un livre à mettre entre toutes les mains, de celles qui tendent la main.

« Lien Social », la revue incontournable des éducateurs.

C’est toujours une joie de voir arriver sur le bureau des éducateurs le numéro du « Lien Social ». Lecteur depuis très longtemps de l’hebdomadaire basé à Toulouse (où, jadis, il participa à la première Rencontre Nationale des Éducateurs), BiBi a toujours trouvé une diversité bienvenue dans les approches théoriques du Journal et a très souvent apprécié les multiples points de vue sur le Travail Social.

Des noms accompagnent la lecture de BiBi :  Jean Cartry, le partant Lucien Bargane (dont les écrits lui furent très proches), Etienne Liebig, le nouveau venu qui tient une rubrique régulière dans Siné hebdo, le stakhanoviste Jacques Trémintin, Joël Plantet etc.

Bel équilibre que celui du Lien Social : il centre chaque numéro sur un grand thème. Pour exemples : « L’enfant placé chez lui/ La mixité à l’épreuve des Quartiers/ La pédagogie sociale aujourd’hui/Accompagner les femmes enceintes à l’hôpital » etc. Les premières pages (Social Actualités) fourmillent de précisions et chaque article tiendrait lieu d’un article-BiBi. Dans le numéro du 7 janvier, on revient sur l’article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui prévoit jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende pour quiconque vient en aide à une personne en situation irrégulière. Christian Deltombe, président d’Emmaüs-France, ajoute : «En raison de l’existence de ce texte, nous sommes l’objet d’un harcèlement de terrain quasi-permanent».

Le numéro du 21 janvier, un entrefilet précise le nombre de personnes sous écrous au premier janvier 2010 (66089). Dans ce chiffre : 15395 prévenus, 45583 condamnés, 4489 placés sous surveillance électronique et 622 condamnés en placement à l’extérieur sans hébergement pénitentiaire (chiffres de Pierre V. Tournier, chercheur).

Ailleurs, on trouve la rubrique livres (deux compte-rendus très appréciés des dernières parutions), les incontournables offres d’emploi et le courrier des lecteurs ( les deux pages préférées de BiBi, pages qui montrent que, partout en France, il y a des éducs qui ont la pêche). Et si nombre d’éducateurs tiennent le coup et sont loin d’être moribonds aujourd’hui – malgré les réformes dramatiques annoncées-, on le doit certainement au soutien et à la présence hebdomadaire du « Lien Social » dans nos pratiques.