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Quatre contributions à la vie politique de notre pays.

Paysans

En vrac : un souvenir de l’époque Jospin, le vieux camarade socialiste, qui conduisit la politique du PS droit dans le mur un certain 21 avril 2002 (onze années où l’on vit disparaître l’ex-militant trotskyste avant que Manuel et François ne mènent la Vallse), un bel uppercut de Sébastien Fontenelle et une réflexion philosophique sur les illusions des Elites. Avant que l’ami Jean-Bertrand Pontalis, hélas disparu, ne vienne clore le débat de belle façon.

21 ans déjà : le N°1 de L’Autre Journal.

L’Autre Journal : mai 1990.

On ouvrait avec une joie à peine contenue la page 1 sur l’éditorial de lancement du Mensuel. Michel Butel y écrivait : «Avec peu de tremblements, une voix dit la nouvelle phrase générale et la nouvelle phrase intime. Et elle écrit ce journal. Mais qui parle ? Et que dit cette voix ? Et ici, qu’est-ce qui est écrit ?»

*

On était quelques-uns à se réjouir de cette voix nouvelle, multiple, aux écrivants de qualité. Il faut croire que dans la Jungle du Marché, cela ne fut pas suffisant. Le Numéro Un comptait 355 pages. Peu de pub. Des billets très denses, très informés. Des Contes. Des chroniques. Une page débat. Celle, 110, où on peut lire les réflexions lucides ô combien de Gilles Deleuze sur 4 pages : Les Sociétés de Contrôle.

«On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est bien la la nouvelle la plus terrifiante du monde. Le marketing est l’instrument du nouveau contrôle social et forme la nouvelle race impudente de nos maîtres. Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et illimité, tandis que la discipline était de longue durée, infinie, discontinue. L’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté. Il est vrai que le capitalisme a gardé pour constante l’extrême misère des trois-quarts de l’humanité, trop pauvres pour la dette, trop nombreux pour l’enfermement : le contrôle n’aura pas seulement à affronter les dissipations de frontières, mais les explosions de bidonvilles et de ghettos».

Rien que par cet extrait, on était heureux de débourser 30 francs par mois.

Innombrables étaient les rubriques : Enquête/Dossier/Entretien/Vies (à Tchernobyl)/Affiche/Mémoire/Destin/Voix/Œuvres (avec des dessins et une longue conversation avec Fellini, un article sur le premier amour de Van Gogh)/Almanach/Lieux (sur l’OM)/Lecteurs/Pêle-Mêle/Epilogue.

Et aussi cette phrase terrible de Lioubov Kovalevskaïa, journaliste soviétique, irradiée à Tchernobyl, témoin condamnée qui avait prédit, un mois avant, la Catastrophe nucléaire. Lioubov, privée de tout moment amical et convivial… Elle parlait de sa vie d’autrefois mais tout avait changé, tout avait basculé après le désastre nucléaire de mai 1986  (Article de Basile Karlinski ici).  :

«Où aller ? Tous mes amis en ville avaient des enfants pour qui la poussière radioactive dont j’étais couverte était dangereuse».

Une fois la relecture du Mensuel achevée, on se surprend à fredonner, un peu désabusé : «Que sont mes Journaux devenus /Ceux que j’avais de si près tenus ?»

Aujourd’hui, on a Politis, mince comme une feuille de papier à cigarettes, on parcourt les Inrocks avec indifférence, on lit La Décroissance, le Sarkophage en une heure, on cherche des pépites dans un  Zélium bien lourd.

Et on reste sur sa faim – attendant sans trop y croire – un Autre Journal.

 

22, v’la Claude Guéant !

Du côté de BiBi, on aimerait bien entrer dans une Maison de la Presse et trouver les hebdos ou revues sans avoir à les chercher. Si on veut trouver «Le Sarkophage», il faut faire le tour des allées et des présentoirs, jeter un œil derrière, écarter des tonnes de revues, d’hebdos. Puis on dégote enfin le sésame, le numéro 25 : on ouvre à la page 6 et nous voilà direct sur le billet de Laurent Paillard.

Sa rubrique habituelle s’appelle : «Le Coin des Sophistes». Le journaliste politologue y a décidé de prendre son temps pour réfléchir aux propos tenus très récemment par un «gredin» :

«Je peux vous assurer qu’entre la justice et la police, nous allons vraiment unir nos efforts pour que les voyous payent. La place des voyous, elle est en prison».

L’auteur ? Claude Guéant, notre actuel Ministre de l’Intérieur. Tout ça rappelle à BiBi la réponse du cinéaste Jean-Luc Godard. A la question «A quoi reconnaît-on un régime politique ?», l’homme de cinéma répondit : «A son Ministre de l’Intérieur».

Pas surprenant : Claude Guéant nie toute approche éducative vis-à-vis de ces adolescents en rupture de ban. Ce n’est pas nouveau : nous sommes dans une logique ultra-sécuritaire (demandez à l’UMPFN Eric Ciotti qui veut faire appel aux Militaires-Mercenaires pour les «dresser»). C’est vrai ça : à quoi bon la Justice ? Hiérarchiser les infractions en lien avec la gravité des faits ? Pffftt, que de temps de perdu !

Les propos de Claude Guéant rapportés ici concernaient l’Affaire de Sevran où l’on avait affaire à un règlement de comptes.

«Notre Ministre, rapporte Laurent Paillard, adopte exactement la posture des criminels. Il ne dit pas ici que l’Etat doit restaurer la paix en jugeant les auteurs des faits, mais il dit qu’ils doivent «payer». Ainsi, il ne fait pas de différence entre le travail de la police et de la Justice et celui des hommes de main de n’importe quelle mafia. Il place l’Etat dans la logique de la vengeance, celle-là même des auteurs des coups de feu à Sevran. Or, c’est précisément cette logique qui nourrit la violence, contrairement à celle de la Justice qui est censée y mettre un terme en arbitrant de façon impartiale les conflits. En effet, il promet une nouvelle agression, pour faire «payer» et non un acte de justice qui doit se conformer à la loi pour être légitime».

Prêter attention minutieuse aux mots, voilà peut-être le premier des combats. Le magistrat Serge Portelli en a fait une magistrale démonstration sur son blog. Les mots ? «Première dérive, premier combat», écrit-il justement. Et Laurent Paillard de lui emboiter le pas :

«Dans les propos de Guéant, nous avons à faire à une négation du principe de la séparation des pouvoirs puisque, d’une part, c’est le Ministre de l’Intérieur qui dit ce que doit faire la Justice et, d’autre part, il gomme la différence entre le travail de la Police et celui de la Justice, différence permettant justement à ces deux institutions de ne pas sombrer dans la violence en empêchant leurs agents de ses comporter comme des justiciers».

Voilà, c’était le coup-de-pouce-BiBi du jeudi au Sarkophage, un bi-mensuel qui fait honneur au journalisme. Pour le prochain numéro, il nous donne RDV le 18 septembre prochain.