Les réflexions de Paul Fustier, psychologue à l’Université Lyon 2, ont beaucoup influencé BiBi dans son métier d’éducateur spécialisé. BiBi se souvient de ses interventions en école de formation et de ses exposés en Conférence (sur le travail avec les familles par exemple). Humour et pensées en mouvement y faisaient bon ménage.
Paul Fustier s’est associé à Jean Cartry, éducateur spécialisé, collaborateur de la revue « Lien Social », pour écrire à deux voix un livre paru récemment aux Éditions Erès : «L’éduc et le Psy » (Lettre sur la clinique du soin éducatif). Jean Cartry a été au cœur de la création d’une famille thérapeutique qu’il a fondée avec son épouse il y a plus de trente ans.
Échanges et croisements d’hypothèses, relevés de détails (savoureux passage sur le «robinet de Paul »), inventaire de rituels socialisants dans les prises en charge d’enfants et d’ados au quotidien, éclairages sur les affects en jeu (ainsi celui qui met en jeu les mécanismes d’identification projective), réflexions sur le départ des jeunes protégés de la structure éducative etc. Tous ces chapitres sont construits autour d’une correspondance épistolaire entre les deux hommes dans une « conversation » sans concessions mais toujours amicale, avec un va-et-vient entre riches considérations générales et attention soutenue aux « petits riens » et à leur signification.
Dans l’interview que Jean Cartry a accordé à la revue « Lien Social », l’éducateur donne une part déterminante à l’engagement : « Engagement dans une relation éducative certes mais qui nous surprend, dépasse le champ strictement professionnel (payé) et déborde sur le privé (gratuit) dès lors que cette relation se développe dans un espace d’altérité véritable : qui est cet enfant pour moi ? Qui suis-je pour lui ? Nous sommes menés plus loin que prévu compte tenu de ce que l’autre (l’enfant ou l’ado) dépose en nous dès lors qu’il se sent important pour nous ».
Jean Cartry et Paul Fustier insisteront sur les paradoxes de nos positions éducatives (travailler la séparation sans la rupture ou la disparition par exemple). Paradoxes qu’il ne suffit pas d’énoncer de façon juste car la nécessité commande non seulement de tenter d’en comprendre le sens, de «mettre au travail psychique les incompatibilités apparentes qui les constituent », mais aussi de partager ces paradoxes et de les éprouver (ainsi celui autour des chaussons).
BiBi ne peut que rejoindre Jean Cartry lorsqu’il avance sa conclusion ouverte à propos de l’Autre, de cet Autrui difficile à saisir : « En fin de compte – et quoiqu’il arrive, reste l’Enigme d’Autrui qui appelle notre humilité et notre prudence».
Un livre à mettre entre toutes les mains, de celles qui tendent la main.