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Michel Butor, Garcia Lorca, Imre Kertész et quelques autres.

 Lectrice

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Tout m’est venu lorsque j’ai trouvé cette magnifique phrase de Michel Butor en dialogue avec  Madeleine Santschi :« Travailler sur le langage change la réalité par le seul fait que cela change la façon dont nous voyons la réalité ». La maxime de Butor fut aussitôt mise en tweet. Je fus heureux de voir qu’elle rencontra et toucha nombre de mes followers (et même au-delà). J’ai alors repris mes livres de Butor et quelques autres livres – lus autrefois – quelques auteurs jamais quittés. J’ai retrouvé quelques passages soulignés au stabylo, des textes en morceaux, des phrases éparses toujours aussi fortes, aussi intenses, aussi vibrantes. Phrases ensoleillées en ce début d’été pluvieux.

Quelques longues années après le 8 mai 1945.

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BiBi a bien connu Lucien, son voisin du rez-de-chaussée. Ce Jeudi 8 mai, on commémore la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans certaines familles, on garde le souvenir terrible et douloureux des restrictions, des arrestations, des secousses et des tremblements de terre occasionnés par le passage de la Peste brune. Ils étaient trois amis déportés au Stalag 16.

Adrien, toujours vivant, parle ici de Lucien, son camarade de déportation décédé l’hiver dernier. Voilà le mail qu’il envoya à Bernard en cette veille de la Commémoration du 8 mai 1945.

Les Sixties avec Imre Kertész et Witold Gombrowicz.

Comment se dépêtrer de ces langages mortifères qui nous envahissent et qui, trop souvent, nous assujettissent ? Il est impossible de viser à l’époussetage complet de notre for intérieur. Impossible d’avoir des pensées nickel-chrome. Impossible car toujours s’accrochent à nous scories, lignes ou blocs de langage insupportables, lambeaux et confusions, mots s’entrechoquant, phrases infinies ou écourtées, sitôt lues, sitôt avalées et/ou rejetées.
Parfois pourtant, pour notre plus grande joie, sous les tonnes de déchets, brillent des petites perles, pierres précieuses, diamants bruts qui donnent toute leur ampleur au pouvoir d’évocation du mot.

Ainsi dans ce «Journal de Galère» d’Imre Kertész, ces extraits recopiés qui nourrissent le Feu de nos intérieurs :
«L’artiste doit entamer son œuvre dans le même état d’esprit qu’un criminel qui commet son forfait».
«Ce n’est peut-être pas le talent qui fait l’écrivain mais le refus d’accepter la langue et les idées toutes faites».
Et encore plus loin, plus brûlant encore :
«Il y a dans la vie d’un homme un moment où il prend conscience de lui-même et où ses forces se libèrent ; c’est à partir de cet instant que nous pouvons considérer être nous-mêmes, c’est à cet instant que nous naissons. Le génie est en germe chez chacun. Mais tout homme n’est pas capable de faire de sa vie sa propre vie».
Nous sommes en 1964.

De cette lignée d’Est, le Voyage-BiBi a commencé à Budapest (Imre Kertész, exilé, vit aujourd’hui en Allemagne) puis s’est achevé (provisoirement) avec Witold Gombrowicz et son Testament (Entretiens avec Dominique de Roux chez Folio).
Lichen tenace dans les pensées-BiBi que ce passage :

« Si Freud et Marx ont démasqué beaucoup de choses, ne serait-il pas utile aujourd’hui de regarder derrière cette façade qu’on appelle «la gauche» ? Moi, ça me gêne que la gauche devienne trop souvent le paravent d’intérêts personnels, avouons-le, parfaitement égoïsto-impérialistes. Un politicien ambitieux, un écrivain soucieux de donner de l’écho à ses paroles, une équipe de journalistes consciente de ce que l’opposition accroît les tirages, un jeune homme désireux de trouver une issue à sa turbulence naturelle… est-ce que tous ces gens-là ne vont pas d’instinct se tourner vers la gauche ? Le socialisme devient un instrument entre les mains du libéralisme, qui se dissimule derrière lui. Le libéralisme, en tant que tel, ne m’effraie pas, mais la mystification sur une trop grande échelle, oui…
Voilà pourquoi je pense que les hommes honnêtes qui appartiennent à la gauche devraient la contrôler, cette gauche, sur ce plan-là. Il est temps d’étudier le conditionnement de la conscience non seulement chez les requins du capitalisme, mais encore chez l’étudiant qui profère des injures dans un meeting…
Mais ce ne sera certainement pas moi qui me chargerai de ce rôle. Je suis un adversaire déclaré de tous les rôles, et encore plus du rôle d’écrivain engagé. Je suis désolé, là, vraiment, je ne puis être d’aucune utilité ».
Nous sommes en 1967.

Quarante-quatre ans plus tard, nous avons encore beaucoup beaucoup beaucoup à apprendre de ces Voix antérieures.

Une petite histoire dans la Grande (Histoire).

Feuille gelée

BiBi a bien connu Lucien, son voisin du rez-de-chaussée. Il y eut des journées très froides lors de ce dernier hiver. Jeudi 8 mai, on commémore la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est peu de familles où ne perdure pas le souvenir terrible et douloureux des restrictions, des arrestations, des secousses et des tremblements de terre occasionnés par le passage de la Peste brune.

BiBi a recueilli ces échos avant que les brumes de l’Oubli ne les ensevelissent.

Le cortège de hérons blancs.

Le Héron blanc

 Il y a quelques années, je ne me souviens plus, j’étais tombé sur « Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas » et j’avais poursuivi avec « Etre sans destin« , deux livres qui m’avaient bouleversé. A cette époque, je cherchais – sans trouver – d’autres choses de l’écrivain hongrois, Imre Kertész. Aujourd’hui, je viens de finir «  Dossier K. » (chez Actes-Sud),  un livre d’entretiens avec un de ses amis. Imre Kertesz, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald, rapporte ce mot allemand «  Weltvertrauen » qu’il a emprunté à Jean Améry, autre survivant. Ce mot, on pourrait le traduire par « la confiance accordée au monde », confiance basique, indestructible.

Malheur à qui la perd : il est perdu.