Tag Archives: Fabienne Pascaud

Ils ont choisi la défaite 2022.

Ils ? Qui ça, « ils » ? Pas de tergiversations : il s’agit du Bon Bourgeois du Bloc Bourgeois, (B.B.B.B) de ce «socialiste moderne» comme l’écrit ironiquement Frédéric Lordon, dans son dernier billet.

Comment reconnaître un B.B.B.B.?

«Depuis quarante ans, on lui a répété, envers et contre toute évidence, que le parti socialiste était «de gauche». C’est en ce point qu’on mesure la difficulté de défaire les investissements imaginaires dans une identité politique. Une fois qu’on s’est dit de gauche à la manière PS, et qu’on y a été confirmé répétitivement par France Inter, ni les traités européens successifs, ni les privatisations, ni le CICE, ni les démolitions du code du travail, ni finalement aucun des alignements sur les desiderata du capital ne peuvent conduire à quelque reprise de soi politique : on est de gauche, c’est évident».  Frédéric Lordon.

Il est des nôtres ? Repérages.

Ce Bourgeois, nous le connaissons tous, mais trop souvent, nous faisons comme s’il n’avait guère d’importance et de responsabilité dans le désastre présent. Nous haussons les épaules, nous laissons courir, nous le laissons discourir. Il est une de nos bonnes connaissances, un type bien qui est régulièrement présent aux réunions des Parents d’élèves, un type honorable qui dit que Blanquer est insupportable mais qu’il verrait bien Luc Ferry à sa place «à tout prendre, hein ?», il fait ses courses à la supérette, sa femme est au Club de Marche, ils ont la soixantaine approchante. Lui, il avoue que Michel Onfray a dit de jolies choses dont «la Gauche devrait s’inspirer», il dit encore qu’au réveillon du Jour de l’An, il espère manger au restaurant car l’histoire du Covid («tous vaccinés, on y arrivera») sera bientôt du passé. («Tous comptes faits, Macron a bien mené son affaire»)

Quand on lui demande si le confinement a eu des effets négatifs. « Non financièrement nos fins de mois ont été assurées. C’est surprenant mais rien de changé. Pour nous, c’est comme avant».

Ne pas effacer l’historique (de son habitus politique).

En 1981, notre B.B.B.B sautait dans la fontaine des Cordeliers à Lyon pour fêter l’ère Mitterrand. Il a conservé la Une du Libération tout rose d’alors. Qu’en 1983, Mitterrand ait finalement mis à jour ce qu’il avait caché en manoeuvrant habilement. «Je clame Vive le Programme Commun» mais je  fonce dans le libéralisme-façon-Bernard-Tapie » ne lui a jamais posé problème. Nous étions en pleine fascination des Nineties. Les entreprises étaient au Top, le miel de l’argent coulait à flots, le CAC 40 montait, les petites économies placées en bourse lui avaient fait gagner 2%. Même Chirac et ses pommes, Bernadette et ses pièces jaunes, c’était sympa. Sa conscience politique aiguë lui disait que la Cohabitation (on ne disait pas «Collaboration») c’était finalement une bascule nécessaire dans «L’Epoque Moderne». Il était toujours de Gauche bien sûr car cette dernière s’était modernisée, il continuait à soutenir le combat avec les Valls, Elkhomry, le futur Macron, Montebourg, Batho et Taubira. Plus de danger avec les Communistes car le Parti de Robert Hue et de Pierre Laurent s’était modernisé, lui aussi, dans le bon sens. C’est sûr : on allait rester la 5ème puissance mondiale comme tous les économistes l’écrivaient. Là-dessus, aucun doute puisque Terra Nova lui envoyait régulièrement ses analyses impeccables. Et il rajoutait : « A l’Institut Montaigne aussi, les études sont vraiment très sérieuses« .

Et puis, reste le souvenir d’avril 2002.

Un Jospin à la dérive et un Le Pen au second tour. « Hein ? Quoi ? Catastrophe ! Les gueux sont entrés dans la Ville. Dieu du Ciel, des français manipulés, inconscients, enfoirés sont venus foutre la merde ! Ah l’esprit français, parlez moi z-en ! On a le pire de l’Esprit français, jamais content, rouspéteur. L’esprit de 1940. Populo avachi ». La forme contestataire – via les taux d’abstention majoritaire qui vont suivre – sont ignorés. Et le Non au Référendum 2005 sera, lui aussi, vite dénié, vite refoulé, vite contourné politiquement.

Va t-il « se défaire de ses investissements imaginaires ? » (Lordon)

Si l’on était en cours avec Bourdieu, on dirait : «habitus incorporé». Si l’on a souvenance de certains écrits d’Althusser, on retiendra ceci :

« Pour passer sur les positions de classe prolétarienne, l’instinct de classe a seulement besoin d’être éduqué. En revanche, l’instinct de classe des petits bourgeois et donc des intellectuels doit être révolutionné ». Pas pour demain cette Révolution.

Pour notre B.B.B.B et les Droites, le Mal, c’est le même.

Les déclassés, les antivax, les dans-la-rue-chaque-semaine, les islamo-gauchistes, les gilets-jaunes-trop-jaunes, voilà le Mal. Oh, le B.B.B.B garde encore un restant d’humanisme («Il faut les aider et rester quand-même bienveillant. C’est qu’on est quand-même en République ») mais c’est pour rajouter «Mais hélas, il faut bien le dire, ils sont «bêtes», « abrutis », «irrécupérables» ou encore «Oui, il faut travailler plus, que voulez-vous, c’est la mondialisation. Le monde a changé». Pire encore : «Filous et profiteurs, oui quand-même, c’est un peu vrai et, avouons-le, ils sont quelque peu antisémites. J’ai vu une pancarte à la télé (il hausse le ton) « c’est in-to-lé-ra-ble »).

Chaque matin, le B.B.B.B écoute «France Inter».

Mais pas uniquement. Il sait d’avance qu’il partage les opinions inamovibles de L’Obs, de Liberation (qu’il achète assez régulièrement), du Monde (A son travail, le boss laisse traîner des numéros), de Marianne le Mag (« Super leurs Unes ! »). Madame, elle, s’est réabonnée à Télérama. Hier elle s’est ralliée à l’avis de Fabienne Pascaud, l’éditorialiste qui garde de l’espoir pour la Culture avec la nomination de Roselyne Bachelot.

Le B.B.B.B est un inconditionnel de France Inter. Certes, il n’était pas toujours d’accord avec Bernard Guetta mais «Thomas Legrand et Dominique Seux qui l’ont remplacé disent de belles choses». Il ignore évidemment ce qu’avait relevé Fakir dans un ancien numéro…

Liberation et Politiquemedia.

Et, hier, il est tombé sur cet article de Liberation qui a commandé et approuvé le travail de cet Officine (PolitiqueMedia probablement très influente) sur lequel il faut s’arrêter. Un article qui dit tout du Choix de la Défaite sous des dehors neutres, objectifs.

Un de mes tweets a suffi à repérer l’esbrouffe, c’est-à-dire les catégorisations acceptées et imposées par le quotidien favori de «gauche» de notre B.B.B.B. Des catégorisations d’évidence of course.

Notre Bourgeois gentilhomme se dit toujours de gauche.

Il est persuadé que sa version Droite-Gauche existe toujours. «En 2017, c’est vrai, il fallait bien s’y résoudre : entre le totalitarisme et Macron, y avait pas à hésiter». Et notre B.B.B.B n’a pas hésité. D’ailleurs, il n’hésite jamais. Il n’hésite pas car – contrairement aux gens de l’Ultra-Extrême-Gauche (un concept trouvé à Liberation et psalmodié par les Fabienne Sintès, Demorand, Salame, Duvic, Dely, Achilli and Co) – ,lui il a réfléchi, il a pris en compte les bouleversements mondiaux, les Chinois, les pays émergents, les Talibans, Bachar, Bolsonaro, Poutine et ses pipe-lines mais aussi les scandaleux paradis fiscaux et les méfaits du «Grand Capital» (il rit en disant ces deux mots façon Georges Marchais). Et donc, y a pas à hésiter. Il sait que la Droite (LR, RN) continue à être très vilaine. Ses opinions se fondent exclusivement dans son horreur du populisme. Horreur de la droite dure. De l’extrême-droite, de tous ces abrutis qu’on manipule. Mais, point nodal tout aussi incontournable : pour lui, Macron, ce n’est ni la Droite, ni des relents d’extrême-droite. «Faudrait pas exagérer, hein ?»

Parfois – mais il évacue vite – il se dit que certains, à droite, n’ont pas tout à fait tort. Il y trouve des gens intelligents qui disent des choses sensées sur l’islamo-gauchisme, sur le migrant, sur les frontières insuffisamment protégées, sur l’Europe (qui s’affaiblit à cause des râleurs), sur les banlieuesAh oui, les banlieues») et les jeunes qui traînent dans les rues à point d’heure. Mais de la violence symbolique et réelle de la police castanerienne et darminesque, il ne voit rien. Il anônne toujours «je suis de gauche». Des preuves ? Il est révulsé par les millions que va gagner Messi, par les viols, par Darmanin et les femmes («Je verrais bien un retour de Cazeneuve, il était bien»), il maudit le Texas qui a interdit d’avorter, il se désole du Climat et de la dégradation de notre environnement («Perso, j’ai appris à fermer les robinets »). Il est plus-que-jamais pour la solidarité («j’amène mes vieux habits à Emmaüs»).

L’Esprit de Communauté comme pilier.

Mais ces positions-là (acceptons-les) ne le feraient pas tenir debout longtemps si elles n’étaient que personnelles. Si son for intérieur reste indestructible et inébranlable dans ses fondations imaginaires, c’est qu’il peut compter à tout moment sur l’Esprit de Communauté. Une Communauté qui existe car elle écoute – comme lui – France Inter et France Info, elle lit Le Monde, L’Obs, Marianne etc. Il s’offusquerait si on lui disait que sa Communauté n’est Une et n’existe que parce qu’elle pointe les boucs emissaires, qu’elle ne tient debout que grace à ces rejets, qu’elle applaudit fièrement Lallement etc. Un Esprit de Communauté dont les piliers inavoués, refoulés, non-dits sont : la Peur animale de Vivre tous ensemble, l’horreur du Conflit, la Haine de Ceux-Qui-Résistent. Et ceux qui résistent et dont notre B.B.B.B ne veut pas appartiennent à l’extrême. Enfin à «l’extrême-gauche» catégorisé ainsi par Liberation.

Cette Propagande-Médias rassure notre BBBB. Elle lui dit : «En bon Français qui votera en mai 2022, la bonne Communauté nationale que tu souhaites ne peut pas se soumettre à un extrême, être dirigé par lui, hein ?» Comment s’étonner dès lors que notre B.B.B.B reste indécrottablement accroché à sa propre vision du Monde : «Oui, oui, oui : je suis toujours à gauche».

Ils ont choisi la défaite 2022.

De cette gauche présente à 4% dans les micros des radios publiques, nos BBBB n’en veulent pas. Mélenchon est leur homme à abattre. Je les vois tous fiers de l’avoir écarté en mai prochain. Ce qui change chez nos B.B.B.B, pour aujourd’hui et pour demain, c’est qu’ils disent désormais ouvertement vers qui, vers quoi, prioritairement, ils écument de rage.

Et pendant tout ce temps, l’ouragan version MEDEF continuera de tout détruire. Et foin de «défaite», nos B.B.B.B se consoleront avec une promotion ministérielle post-2022 (un Enthoven, un Finkielkraut, un Ferry, une Pécresse, un Barnier augmentés de quelques crétins de la Société Civile). Soupçon de culpabilité vite réprimé, j’entends déjà le B.B.B.B d’â côté me dire : «Bah ! Il fallait bien en passer par là». Et puis, dans une accolade : «Dis-moi, tu as écouté la Matinale de France Inter sans Léa Salame? Quand-même bien… non ? »

La nouvelle jeunesse de Roselyne Bachelot.

Les Agences de Com macronistes nous prennent vraiment pour des imbéciles. Ces Agences pourtant bien rôdées et – comme toujours -payées à prix d’or, nous font passer une photo d’une Roselyne Bachelot en plein vol, en plein travail. Analyse-BiBi.

Je suis donc tombé ce week-end sur une photo toute récente de Roselyne Bachelot, nouvelle Ministre de la Culture. La Star sarko-macroniste compatible, la Nunuche des Télés-réalités et des Télés de la Honte est dans l’avion qui la mène en Province, cette Province secouée par le Covid19 et les annulations de festivals culturels en tous genres. Madame Bachelot est en place assise près du hublot, sérieuse, épluchant un dossier de la plus haute importance. Vient à passer un photographe. On ne sait pourquoi, il est là. Oui, vraiment un hasard. On a déjà repéré le gros gros dossier qu’elle a refermé. Sérieuse, pensive, réfléchie, elle est sur son téléphone, nous faisant croire qu’elle est en conversation importante avec un important correspondant.

Une photo dont l’effet de Réel le plus notable est paradoxal : malgré sa position immobile, Roselyne Bachelot est dans le bougisme. Comme son Maitre Emmanuel.

Si elle est là c’est qu’elle n’est pas à son bureau ministériel : elle bouge, elle se remue le popotin (comme le Sarkozy de 2007-2012). Elle va là où la France de la Culture en difficulté l’appelle. Elle y va, elle va au charbon. Pas comme ces autres Ministres à la Cool. Elle se veut au centre de la Politique, elle s’offre comme Star du nouveau gouvernement sur un « nouveau chemin». Et ce chemin nouveau la mène au-dessus de la France. Ne nous étonnons donc pas de la voir dominer le paysage en contrebas : c’est la France profonde, cette France qui… bouge elle aussi et qu’il s’agit aussi de calmer.

Bah, me direz-vous ! c’est une photo somme toute banale. Pas vraiment besoin d’en faire un billet.

Pourtant.

Rappelons-nous d’où vient Roselyne Bachelot. Dans son parcours politique, elle a beaucoup à se faire pardonner pour sa participation active à la destruction des Services Publics hospitaliers. Bévues nombreuses dont celle sur les vaccins. Souvenons-nous aussi de ses images plus récentes : des présences sur tous les écrans qui nous ont fait croire à une supposée reconversion en (piètre) Clown. Jusqu’à récemment, Roselyne Bachelot était un bon plan pour les Medias. Invitée qu’elle était dans les émissions-dégueulis aux fortes audiences. Et je passe et repasse chez Hanouna. Et je m’éclate chez les grandes gueules des Grosses Têtes etc.

Impossible de comprendre l’une sans la mettre en rapport avec l’autre…

Alors on commence à percevoir la Manœuvre derrière la présence de cette photo dégotée sur les réseaux sociaux. Roselyne Bachelot est là, attentionnée, penchée sur ses dossiers, indifférente au (à la) photographe, pour gommer ses facéties honteuses antérieures. Elle est là pour faire oublier qu’une Ministre de la Culture (un Ministère-phare de la Société Française dans les couches sociales aisées) ne doit pas déconner : ça doit être du sérieux. Hé, c’est qu’avec Malraux, c’est qu’avec Jack Lang, ça vous classe ! Alors essayons de les égaler, un tantinet, hein ?

Alors, oui, les Agences de Com turbinent à plein : elles font tout pour balayer ces honteuses apparitions dans les Télés de la Honte, tout pour gommer son image de cul-cul la praline, de rigolote et de nunuche. Il faut vite vite vite les remplacer par d’autres… images. Une photo de Madame très posée dans l’avion, c’est parfait. Sérieuse qu’elle doit être dorénavant. Les Agences vont nous marteler : Madame Bachelot est réfléchie, elle bosse, elle va bosser pour le bien de la France, de notre Culture.

De plus, oh la la, ça tombe bien, dans cette même semaine, Fabienne Pascaud, directrice de rédaction du très culturel Télérama (l’alibi culculturel de Niel) sort un article dithyrambique sur Madame. D’une incroyable «vérité». Des éloges d’une rare hauteur. Quelle chance (provoquée, of course). Mais lisez plutôt : Madame veut… sauver ces pauvres artistes !

Super, non ? La propagande a magnifiquement débuté ! Merci les Agences ! Que tout ça continue encore un peu et, hop hop, en septembre, toutes les singeries de Madame seront oubliées. Finie cette image de Roselyne Bachelot baisant le Q d’une concurrente sur CNews. Finies les blagues de Q sur RMC.

73 ans ! Madame Bachelot va retrouver une nouvelle jeunesse. Parfaitement raccord avec Macron, son odieux Président qui lui aussi, se refait faire le portrait en clamant qu’il s’avance sur… un nouveau chemin.