Dans le petit éditorial du JDD de ce premier dimanche 2010, Christian de Villeneuve nous promet que « le JDD continuera d’analyser sereinement cette réalité bouillonnante », qu’il le « fera – à tête reposée – afin de faire de chaque week-end un moment de réflexion, de culture et pourquoi pas… de bonheur ! » Le vrai défi dominical de ces donneurs de leçons est donc magnifiquement lancé avec ce projet, avec cette promesse de « rendre foi et enthousiasme aux Français ». Cela n’empêche pas d’y retrouver une pointe de mépris envers un Populo ingrat : «Les Français [seraient] trop facilement résignés alors qu’ils ont été pourtant moins atteints par la crise que leurs voisins»).
Dans le sillage du JDD, BiBi, lui aussi, «analysera sereinement la réalité bouillonnante », celle plus terre-à-terre du tentaculaire Frère Lagardère. Un rappel à tout berzingue : le Monsieur tient l’Edition (Hachette Livres, Grasset, Stock, Lattes, Fayard, le livre de jeunesse, le tourisme, l’éducation et les dictionnaires Larousse) ; il est le N°1 de presse magazine grand public dans le monde (260 titres, dont 200 à l’international, 41 pays touchés) ; son groupe possède des journaux (Elle, La Provence, Le Journal du dimanche), des magazines (Télé 7 Jours, Paris Match, diffusé chaque semaine à 700.000 exemplaires), il détient une participation de 25 % dans le Groupe Amaury (Le Parisien et L’Equipe), il contrôle 20 % de Canal + France et 16 sociétés de production (GMT Productions, DEMD Productions, Angel Productions), il possède les radios Europe 1, Europe 2, RFM, 17 radios à l’étranger et 11 chaînes thématiques (dont MCM), il tient la Distribution via Hachette Distribution Services (Librairies Payot, les Magasins Virgin, les Relay) etc, etc. Voilà pour la Scène et les Coulisses.
Pour le JDD, ce qui compte – au-delà de l’appui à Chouchou – c’est de consolider son lectorat bobo et populaire en n’escamotant rien du Réel, c’est de rentabiliser l’aventure des numéros du Samedi/Dimanche et de leurs suppléments. Au nom de la proximité avec ceux qui le lisent, il lui est donc vital de ne pas nier le Réel du Désastre (Chômage, réduction du Pouvoir d’achat, Taxes etc) qui frappe à notre porte. Mais la subtilité de sa Propagande n’est pas dans cette présentation, elle réside plutôt dans la façon dont ce Journal envisage «la France». Ce sont Claude Askolovitch, Marie-Christine Tabet qui s’y collent (avec Jacques Marseille, expert libéral). En gros et en détails, leur vision du Pays, c’est : «Sarkozy et/contre les Autres».
Les « Autres » ? Mot passe-partout, Concept-maitre de la Manipulation.
La Gauche n’est jamais nommée sauf par ces deux minuscules détours «La gauche va manger son pain blanc avec les régionales puis découvrira les ambitions contradictoires et les divisions» (page 2) et «opposition inconséquente, Verts radicaux» (Claude Askolovitch, page 3). De la méchante gauche, circulez, il n’y a rien à en attendre. Habile et jolie censure non ?
La gauche (petit G) évacuée, déconsidérée, que reste t-il face à celui que le Journal appelait il y a peu «le Maitre du Monde» ? Eh bien, en face de Sarkozy, il y a «la France » et «les Français». Tellement commode, ces deux entités ! On peut tout y fourrer : d’abord les grands Contestataires… de droite bien sur ! (On reste en famille). Enumérons-les : le Conseil Constitutionnel, les ambitieux (Copé, Juppé, De Villepin, Baroin), certains membres du Clan (Guaino, Soubie). En point d’appui, on a droit à l’avis de l’expert en économie libérale, Jacques Marseille. Lui aussi analyse cette « réalité bouillonnante », lui aussi nous sert de « la France » et des « Français » en veux-tu, en voilà, avant de délivrer son verdict, merveilleux résumé de ces trois pages de Propagande : «Je ne pense pas que le quinquennat soit « perdu ». Au fond d’eux-mêmes, les Français, même ceux qui sont déçus, se disent : « Mieux valait quand même Nicolas Sarkozy que sa rivale aux élections présidentielles».
Merci Monsieur De Villeneuve. Merci cher Claude. Du Bonheur ! Rien que du bonheur !