Les images nous regardent. Elles sont faites pour ça : pour nous fasciner, pour nous envoûter. Les principales lignes de force de l’Opération Brigitte Macron sont idéologiques avec ce but essentiel : nous imposer Brigitte où que tu sois. Que tu le veuilles ou non. Du Brigitte. Du Brigitte Macron.
Remarquons que derrière l’objectif, le Photographe a disparu. Il est sans nom (innomable). Pas question de vision personnelle, de regard singulier. C’est une Machine qu’il y a derrière l’appareil-photo. Cette Machine a un nom : appelons-la « Machine Mimi Marchand ».
LE PAPARAZZI DE MIMI MARCHAND.
Le Paparazzi de l’Equipe de Mimi est là pour disparaître comme Sujet. Il est là pour effacer toute distance entre Brigitte et ses futurs lecteurs-voyeurs. Il ne se risque pas à se mettre en jeu dans son acte photographique. Pour lui, pas d’émotions, pas d’expérience intérieure. Tout est fait pour nier le travail, les conditions de vues, le lieu où il aurait planqué (mais la planque n’a plus lieu d’être puisque toutes ces photos sont choisies, sélectionnées en accord avec la première dame).
Les photos commandées que le paparazzi de Mimi Marchand prend de Brigitte ne sont pas faites pour durer dans le temps, pour s’afficher en Musée. Le paparazzi doit rester ce petit régulateur anonyme de l’énorme Machine Mimi, il doit produire de belles images éphémères, envahissantes, en faire des totalités harmonieuses, en faire des modèles réduits d’un Monde sans fissures, sans lézardes. Il fait très attention à ce que ne surgissent pas en arrière-fond ces sortes de Citoyens curieux qui pourraient demander « Qui vous emploie ? Qui vous paye ? Est-ce bien Mimi Marchand ? etc ». Sur le terrain, il faut donc écarter cet Autre qui entrerait dans un dialogue. L’Autre doit rester absent de la photo. Sa seule place est celle de futur lecteur-voyeur, d’acheteur muet, de spectateur soumis, figé, sous contrôle.
NE PAS OUBLIER LA FEMME.
Qui se souvient d’une seule photo de Carla Bruni (mannequin ou femme de Sarkozy pourtant mitraillée) ? Personne. Grand Parc d’Attraction, numéros fabuleux dans le Cirque Mediatique, elles sont là les photos innombrables de LA figure de proue : ici Brigitte Macron en Madame Loyale, là, Brigitte Macron en Femme de Président certes (ça, tout le monde le sait) mais surtout en Femme (ça tout le monde doit le savoir et ce, sur tous les fronts) etc.
SUR TOUS LES FRONTS.
Madame Macron est donc chez les handicapés, pas seulement présente auprès de trisomiques mais aussi chez tous les autres (sourds, muets, déficients visuels entourés d’accompagnateurs et responsables comblés). Elle est invitée partout, elle se rend chez tous sans exclusivité.
Pourtant pré(c)vision d’importance : pas vraiment invitée chez tous. On évitera stratégiquement les aides-soignantes en grève, les hospitaliers en Urgence. Là, il y aurait du flou sur la photo, des déclics imprévus et non-souhaités.
BRUTALITE
Cette brutalité ne naît pas du motif, du personnage central qu’est Brigitte Macron. Avant de tenter de savoir d’où vient cette brutalité, il nous faut constater – même si on est Macroniste – qu’UNE photo-Brigitte devrait arriver à nous combler, à nous satisfaire ABSOLUMENT mais ça ne se fait pas. Brigitte Macron n’est pas une icône, une Vierge Marie trônant dans toutes les Eglises de France. L’Equipe Mimi Marchand le sait : une image ne peut être hors-temps. C’est qu’il y a du soupçon derrière toute image. Toute image – y compris celle de Brigitte Macron – est elle aussi dans le temps, dans le temps du Réel, dans le temps du Contradictoire, dans le temps du Politique. Aussi perdure cet éternel doute que l’image est fabriquée et que, derrière tout ça, il est fort possible que des Services de Propagande pourraient manipuler le Citoyen. Pour gommer ce grave inconvénient, il faut donc saturer l’espace visuel, il faut nous en mettre plein la vue afin que nous devenions aveugles devant ce qui s’impose malgré et contre tout : le hors-champ de la photo.
LA SERIE. LA RAFALE. LA MITRAILLE.
Une photo de Brigitte Macron ne suffit donc pas. Ses paparazzi travaillent donc dans la Série. Une photo chasse l’autre, une photo égale toutes les autres. Il y faut la série, il y faut la Rafale, il y faut des séries sans discontinuité jusqu’en 2022. Donc mitrailler à qui mieux-mieux. But de l’Opération centrale, décisive : que les photos-Brigitte ne nous quittent jamais… Pour, évidemment, qu’on n’aille pas regarder ailleurs…
… dans le Politique.
Tout le monde est sur le pont. Cette dernière semaine, la Machine Photo Mimi Marchand a fonctionné à plein régime avec, pour soutenir la photo, une prolifération de légendes, un Storytelling sur mesure (Unes de quotidiens-Drahi, hebdos-Lagardère JDD, Paris Match, Gala / Gloser, les Echos et le Parisien-Arnault. J’ai trouvé cette merveille de légende, une Brigitte Macron qualifiée de « flamboyante ». Qui le dit, qui l’écrit ? Télé-Loisirs !
Brigitte Macron est en voyage à Espelette. Brigitte est sur la plage biarrote. Brigitte est avec ses amies femmes (la femme de Trump). Mais attention, elle n’est pas du tout Yvonne De Gaulle. Elle est même beaucoup mieux que Carla Bruni ou Valérie Trierweiler qui, elle, tente d’exister en remerciement (ici son tweet du Secours Populaire pour qu’on ne l’oublie pas).
Brigitte est bien plus que toutes celles-là. Elle est d’une dimension que nulle autre n’a atteint. Voyez la légende de cette Une de Closer.
Alors on a cerné d’où vient cette BRUTALITE. Elle réside dans cette prolifération d’images, elle vient de cette surface brillante des images. Il n’est jamais de photos ratées dans l’Exposition-Brigitte. Jamais de bougé, de mouvement perdu et signifiant. Jamais de rides dans les portraits photoshopés, jamais de perte, jamais d’épuisement, de fatigue.
Cette BRUTALITE nait de tous ces rendez-vous unanimement réussis avec le Réel. Ce forçage photographique continu de paraître naturelle, bien mise, bien habillée, bien coiffée, bien chaussée est la brutalité même. Jamais de lever du matin à sept heures. Jamais de reprise du souffle. Jamais d’efforts mais toujours en « travail », en travail de représentation.
LA LUXATION (luxure) DU BRAS.
Et quand, hasard, Brigitte Macron glisse sur le pont d’un yacht et se fait une luxation du bras, la BRUTALITE est encore décuplée. Sa luxation est présentée dans un écrin soigné, dans une gouttière à la couleur étudiée. BRUTALITE qui renvoie à ces blessures irréparables que son homme de Président a niées le soir même sur France 2. Blessures de ces Citoyen(ne)s paré(e)s de jaune qui ne guériront jamais au contraire du bras de Brigitte Macron qui, lui, redeviendra vite, très vite, très très vite fonctionnel. Avec clichés et radiographies à l’appui ?