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Lanceurs d’alerte à Montreuil : choses vues et entendues.

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Deux noms à l’arrivée : Julian Assange et Armand Gatti. Leurs patronymes se télescopent en arrivant dans les locaux de la Parole Errante à Montreuil. Le Salon des Lanceurs d’Alerte s’y est tenu du vendredi 22 novembre 18h00 au dimanche 24 novembre. En entrant, on se remémore les paroles d’Assange :

« Je suis en train de mourir. Lentement mais surement. Tout ça parce que j’ai rendu publics les crimes de guerre. Pour éveiller la société et montrer ce que les gouvernements cachent. Je suis en train de mourir. Et la liberté de la Presse et la démocratie avec moi ».

Ce lieu a été initié par le poète et dramaturge Armand Gatti.

Dès l’ouverture, on est plongé, éberlué et rageur, dans la projection du film sur Chelsea Manning et son courage à toute épreuve (« XY Chelsea« ), salle Gradin.

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On va écouter d’une oreille attentive Denis Robert et Maxime Renahy (qui a enquêté sur Drahi et ses filières de Jersey et des Pays-Bas). On rebondit sur le débat «Gilets Jaunes : Alerte pour la République», en regrettant qu’une question n’ait pas été posée sur les propos d’antan d’un des participants souhaitant… un rassemblement qui prône le dépassement du clivage gauche-droite. 🙁

On s’arrête sur les tables remplies de livres (C’est un Salon du Livre) et on discute avec ceux et celles qui dédicacent. De Philippe Pascot à Florence Merreo. De Raphaël Kempf à David Dufresne.

On se rend Salle Librairie pour suivre le débat avec les «résistantes» (lanceuses d’alerte) sur «Médicaments et principe de précaution, le rôle des Citoyens» où, hélas, les grands groupes pharmaceutiques ne sont pas assez montrés du doigt. L’intervention d’un pharmacien dans le public dénonçant la mafia autour des vaccins aurait mérité un peu plus de temps de parole.

Ailleurs, le débat est aussi animé où sont réunis des lanceurs/euses d’alerte (Plateau sur les « Paroles de lanceurs d’alerte« ). Le tour de table donnera la parole à Mauricio Garcia Peirrera au parcours infernal, lui qui dénoncera l’abattage aux Abattoirs de Limoges, lui qui s’est battu pour recevoir ses indemnités de licenciement et qui rêve aujourd’hui à un projet de restauration vegan. Emotion et solidarité.

La parole circulera ensuite de Denis Breteau (SNCF) (« Il existe un système mafieux servi par le silence d’une oligarchie au pouvoir, 300 millions d’euros de trucage d’appel d’offres au sein de la SNCF et pas d’enquête, c’est consternant ») à Françoise Nicolas qui dira, avec trop peu de temps, les difficultés de ceux qui n’écrivent pas de livres sur leur itinéraire. A son image, tous sont occupés à chercher impérativement et quasi-exclusivement du travail pour survivre, à faire des petits boulots pour tenter de payer des frais d’avocats astronomiques. En effet, les procédures sont longues : 16 fois au tribunal, 1700 euros à devoir pour les mois prochains. Faites le compte.

« Je n’ai fait que mon travail. J’ai été une employée intègre. J’en suis à 16 procédures judiciaires en 10 ans, à 100.000 euros d’acomptes d’avocats. On a attenté à ma vie et on m’oppose la Raison d’Etat. Quel est ce pays ? ».

Pour plus de renseignements sur cet itinéraire de courage et de souffrances, voir mon billet ici.

On aurait aimé que ces lanceurs d’alerte – qui n’ont pas eu un livre dans leurs bagages – soient encore plus mis en avant. J’y ajoute la courageuse marseillaise Hellia Kherief et le nordiste Karim Ben Ali dont l’histoire est ici, à l’interview dans le Media TV. Pourquoi ne bénéficient-ils pas d’une table sur les deux jours pour une discussion citoyenne permanente ? (L’an prochain ?). Voilà qui donnera sens à leurs signaux d’alarme qui bouleversent instantanément leurs vies.

J’ai en tête une intervention rapportée par un article de L’Humanité de Céline Boussié sur les conditions de lanceurs d’alerte. Ces dernier(e)s sont le plus souvent placardisé(e)s, muté(e)s de force ou licencié(e)s, laissé(e)s sans ressources autres que les minima sociaux.

« J’ai eu de la chance d’être la première relaxée depuis la loi Sapin II. Mais, même lorsque la justice reconnaît que nous avons eu raison, on est placés sur une liste noire. Les employeurs vont sur Google et ils se disent, celle-là, c’est une casse-pieds, on ne va pas l’embaucher ».

Bien sur, on assistera au débat attendu mais au très curieux titre (« Forces de l’Ordre ou gardiens de la Paix »). Curieux titre car n’y a t-il pas illusion à attendre qu’un jour l’Appareil répressif de l’Etat devienne gardien de la paix (sociale) ? On peut certes s’attarder sur les contradictions internes de la Police, sur les humeurs contradictoires à l’œuvre dans ce Corps, humeurs rapportées par Alexandre Langlois du syndicat ViGi, mais on aurait aimé qu’à ces souffrances policières, on mette en sérieux contrepoint des témoignages sur les violences exercées par cette même police. A cet effet, on regrettera l’abscence sur le plateau de Vanessa Langard, gilet jaune mutilée même si David Dufresne y fut présent pour insister sur ces incroyables statistiques qu’il a recensées (morts, blessures et mutilations à vie) depuis novembre 2018.

Au total, on eut droit à deux jours très riches.

On espère bien entendu revenir en 2020. Si Dieu et les luttes nous donnent vie.

Pour l’heure, chacun, chacune sait, doit savoir, que c’est le 5 décembre qui nous attend.

Théâtre : Armand Gatti, Valère Novarina.

En juillet 1991, Armand Gatti présentait Ces Empereurs aux ombrelles trouées, au Festival d’Avignon. La création du spectacle se fit avec des habitants des quartiers périphériques, particulièrement avec des jeunes en réinsertion. Armand Gatti en parla dans cet entretien qu’il fit au Magazine Littéraire. Deux ans auparavant, paraissait La Lettre aux Acteurs de Valère Novarina que chacun trouvera en entier dans le volume Le Théâtre des Paroles