BiBi s’est replongé dans ses vieux numéros de Rock et Folk et pour ce premier article Interviews, il s’est arrêté sur Alain Bashung (les extraits d’interview datent de mars 1981) et sur Serge Gainsbourg (janvier 1980).
_________________________________________________ ALAIN BASHUNG.
En mars 81, Bashung a trente trois ans. Il sort de son grand succès « Gaby » (Un million de disques vendus).
« Je ne sais pas si c’est une question de philosophie mais moi j’ai toujours besoin de laisser des petites portes ouvertes ».
Sur le fait de rester en studio.
«J’ai besoin de surprises. Des fois, on me dit que des mecs comme Eagles restent des mois et des mois en studio. Je me demande comment ils font ! Au bout d’un moment, tu « n’entends » plus rien. Ou alors il faut LE producteur qui voit ça de loin, qui garde ses distances mais pour moi ce n’est pas le cas. Je m’occupe tout seul du truc».
De travailler sans producteur :
« J’ai l’idée d’un certain son et aussi l’idée que je veux raconter. Tout. Alors, si je dois passer cinquante pour cent de mon temps à l’expliquer à quelqu’un… pfff…le temps de l’expliquer, j’ai déjà changé d’avis. Je pense déjà à autre chose : ça ne m’avance à rien».
Avec Boris Bergman :
« On ne peut pas dire que l’un ou l’autre fait la musique, les paroles. En fait, « on » fabrique des chansons. Ensemble. On ne sait pas d’où ça vient. On passe des journées entières à ça. C’est à la virgule près ! Six heures pour trouver un mot. Remarque, des fois, on fait la chanson en… je ne dis pas dix minutes, mais une heure. Il y a même des morceaux qu’on fabriquait carrément en studio ».
Sur le son mélancolique, triste :
« Pour moi, si on est parfois triste, ça ne veut pas dire qu’on est malheureux ! Et par ailleurs, raconter un truc gai, tra la la, ça ne m’a jamais fait rire vraiment. A part les tartes à la crème dans les vieux Laurel et Hardy. Là c’était génial. Mais faire de la tarte à la crème pendant cent ans… c’est pas très drôle ».
_____________________________________________________ SERGE GAINSBOURG.
Gainsbourg est interviewé par Thierry Ardisson et Jean-Luc Maître. La rubrique s’appelle «Descente de Police». Nous sommes en janvier 1980 et «L’Homme à la Tête de chou» a 52 ans. Il lui reste encore 11 ans à vivre.
Le prénom Lucien. « Lucien… Maintenant, ça passe mais il y a trente ans, c’était un prénom de garçon-coiffeur. Je voulais m’appeler Julien à cause de Julien Sorel le héros de Stendhal. Après je suis tombé sur Lucien Leuwen, autre héros du même : ça m’a réconcilié un temps avec mon vrai prénom puis j’ai choisi Serge. C’est important le prénom, c’est la pulsation sonore que l’on entend le plus souvent. Par exemple, ma fille s’appelle Charlotte, c’est un prénom rigolo, eh bien, c’est une rigolote ! »
Au hasard. « J’ai habité Rue Chaptal. Face à la SACEM : c’est un signe, non ? »
« Une sœur. Jumelle : Liliane ! »
« J’ai eu une éducation athée. Très hâtée aussi ». «Les gens ont fini par admettre ma gueule mais pas moi. Je voulais ressembler à Montgomery Clift»
Avec les filles :
«ça allait, je me faisais jeter par les putes parce que j’étais trop jeune. C’était le seul problème».
Le mariage : « J’ai été marié. Je crache ma pension tous les mois, personne ne la connaît. Je ne dirai pas qui c’est : ça je ne peux pas».
Les disques : « J’écoute Cochran, Parker, Otis Redding : j’écoute les morts ».
Travail : « Il faut penser au peintre japonais qui regarde une fleur pendant trois mois et qui la croque en trois secondes. Et puis, après vingt ans de métier, j’ai assez de technique pour cracher mes chansons dans les trois heures qui précèdent la séance (…) De toute façon, je travaille vite, c’est pas un mythe ! Sauf pour mon bouquin : sept ans!»
La cigarette. « Je fume parce que je ne sais pas quoi faire de mes dix doigts ».
Les Copains. «J’en ai très peu, à part Jacques Dutronc et Wolfsohn. Le reste, ce sont des rencontres de boîtes. J’ai toujours été déçu par les amitiés… Je compte mes amis sur les doigts de la main gauche de Django Reinhardt. Quand j’avais 15 ans, je voyais des gens de trente ans, quand j’avais 30 ans, je voyais des gens de cinquante ans; alors maintenant que j’en ai cinquante…».