Football, football, Coupe du Monde : on n’entend causer que de ça dans les postes de télé, de radio. Au-delà de l’Overdose, on n’entend aussi qu’un seul et même discours : celui du « Sport-Fraternité ». BiBi en sait long sur cette poudre aux yeux. Denis Robert est journaliste indépendant, spécialisé dans les enquêtes d’investigation («Clearstream I », c’est lui). Il est aussi l’auteur d’un ouvrage sur le football, sur ceux qui le mènent et le malmènent : «Le Milieu du Terrain » (Éditions Les Arènes). BiBi avait gardé le verbatim de son intervention dans un débat sur Arte (octobre 2007). On l’interrogeait alors sur la Corruption dans le football. Rien que de la lucidité que BiBi partage.
– Quels liens faites-vous entre le Sport, le football et la Grande Finance ?
Denis Robert : Je vois un parallèle entre le Sport (le football en particulier) et les financiers. Ce sont deux mondes qui se vivent comme hors-la-loi. Je reste persuadé qu’on est dans le football à l’aube d’un déferlement d’énormes affaires. Ce sport fonctionne sur du mensonge et ce mensonge a été entretenu par les journalistes et par les radios et surtout les télévisions. Évidemment, il y a beaucoup d’argent à se faire dans le football par le transfert des joueurs, par le Sponsoring. Tout ça fait fabriquer des équipes dopées, des joueurs chargés, des matches truqués. Oui tout ça fonctionne sur des Mythes. Là, on sort d’une Coupe du Monde où l’on a oublié un peu tout ça. Avec la victoire de l’Italie, on a oublié le scandale Moggi et le scandale encore plus grand des veuves du Calcio, ce scandale qui a vu les joueurs de foot italiens mourir du cancer beaucoup plus dans le milieu du foot qu’ailleurs. Les joueurs se shootent…même Zidane – que j’adore – l’a dit au procès de la Juve : « Moi, avant les matches de la Juve, on me faisait des piqûres et je ne savais pas ce qu’il y avait dedans. »
Ces financiers, ce Milieu du Terrain sont en train de tuer quelque chose de très précieux qui est l’esprit du jeu, l’esprit du Football et moi je leur en veux beaucoup…
– Mais sachant tout cela, vous pouvez toujours aller au Stade et apprécier un match de foot ?
Denis Robert : C’est un grand paradoxe. J’ai suivi les matches du Mondial quand la France jouait et j’étais complètement investi dans les matches. C’était comme ça et pourtant je sais tout ça : la corruption, le dopage, les trucages en tous genres. Je suis encore pris au piège mais un peu moins. C’est-à-dire que dans la ville où j’habite, je vais voir les matches, je vois les rencontres télévisées mais je sens que ces liens sont en train de se détendre. Et si cela arrive à moi, cela arrive à beaucoup de mes amis…En France, il y a tout un problème lié à Canal Plus qui a acheté très très cher les droits du football et on nous met dans la tête des tas de messages publicitaires dans la tête sur le Football que ça en devient insupportable. Donc, à un moment donné, on pressent que ce Sport va mourir de ça. Pour certains, il va mourir, pour d’autres, il doit être défendu…
– Et les joueurs, là-dedans ? [Interview à 01 Men].
Denis Robert : Dans leurs commentaires d’après match, certains joueurs sont devenus des répétiteurs de conneries. C’est le règne du capitalisme triomphant, de l’individualisme, et un monde où la meilleure façon de réussir c’est encore d’écraser les autres. Et ce discours véhiculé par les dirigeants de club, les entraîneurs et journalistes est devenu véritablement insupportable.
– Ces comportements posent la question de la présence des mafias dans le football, d’où le titre de votre livre Le Milieu du terrain…
Denis Robert : Il faut bien comprendre que la mafia, ce n’est plus seulement ce que c’était il y a dix ou quinze ans. Bien sûr, il y a toujours des personnages au profil criminel qui évoluent dans l’entourage de certains clubs. Comme cela a pu être le cas à l’OM, par exemple. Mais il y a maintenant, et peut-être surtout, une mafia de comptes en banque. L’argent du crime est une part essentielle du capitalisme et cet argent est aujourd’hui pour partie réinvesti dans le football.
PS : La photo de l’équipe d’Allemagne exécutant le salut nazi est terrible. Qu’on s’y arrête un moment : le cliché est pris le 9 juin 1938 au stade de Colombes (France) avant que la Mannschaft ne rencontre l’équipe de Suisse. C’était lors d’un match de… Coupe du Monde qui était organisée en France du 4 au 19 juin 1938. Dernière remarque : en haut, à gauche, flotte le petit drapeau…