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Il y a quelques temps, les grands Musées français avaient besoin de l’honorabilité et de la respectabilité culturelles pour agir auprès des Sponsors. Aujourd’hui, on assiste à des phénomènes inquiétants.
1. Ainsi, à Venise, François Pinault vient d’ouvrir la «Punta Della Dogana», un second lieu que notre Ami des Arts a inauguré sur la lagune après avoir racheté le Palazzo Grassi à la Fiat. Notre grand Bienfaiteur des Arts y expose une partie de sa collection (300 pièces sur 2500).
2. A l’autre bout de la terre, à Hong-Kong précisément, on expose une petite part de la Collection Louis-Vuiton qui appartient à ce cher (très cher) Bernard Arnault. Sa Fondation à lui verra le jour en 2012 à Paris au Jardin d’Acclimatation SVP ! Mais il n’y a pas que le scandale de voir l’espace public des Arts capituler devant ces mécènes pharaoniques qui agace BiBi, il y a aussi et surtout les discours arrogants (sous couvert de modestie) qu’ils distillent.
Dans le Figaro du 30/31 mai, on voit ainsi Bernard tout sourire devant une œuvre de Basquiat : « Je n’accepte pas n’importe quoi d’un artiste, je fais valoir mes idées, je marque mes limites». Là, le plus important est tu, jamais avancé, jamais argumenté. Monsieur Arnault décide donc – vu sa Puissance – qui et quoi mérite d’être exposé. Il est à lui seul Instance de Consécration. Bien entendu, il faut faire des choix mais pourquoi notre Bonhomme ne s’appesantit-il pas sur ce qu’il refuse (et sur les raisons de son refus) ? Où places-tu tes limites, Bernard ?
Derrière ces mots, BiBi y voit l’ombre d’une douce censure, d’une main de fer derrière une main tendue. Ce n’est pas le tout de se réfugier derrière les concepts passe-partout de «l’émotion», du «génie», du «processus créatif» ou de la Gloire du Nom, encore faut-il que Monsieur Bernard veuille nous expliquer un peu plus les motifs de ses refus. Pour ça, on peut attendre longtemps.
Mais il y a plus derrière cette main(mise) qui s’avance, c’est que les Artistes vont se trouver de plus en plus acculés à une relation de dépendance matérielle et mentale à l’égard des Puissances économiques et vont être de plus en plus soumis aux Contraintes draconiennes du Marché. De leurs côtés, hélas, les instances publiques se retirent peu à peu ou retirent leurs aides.
Nos grands mécènes peuvent aussi compter sur ces Journaleux qui veulent imposer leurs présupposés sur l’Art.
«Vis-à-vis des Artistes, je me sens avant tout homme d’action, dit le coach Bernard Arnault, je suis en quelque sorte un sportif qui dirige une équipe d’athlètes et qui la fait gagner». Jouer la gagne ! Gagner… mais gagner quoi ? On dirait du Bernard Tapie dans le texte. Savent-ils nos Bernard et notre François que toute Œuvre est Œuvre de dépense, que toute Œuvre est Œuvre de combat contre les normes, les formes dominantes, les cadres imposés (ceux de l’Argent comme les autres) ? Savent-ils seulement que le Calcul, l’Accumulation, la Rente sont antinomiques de tout processus créatif ?
Leur mauvaise conscience le sait : c’est pour cela qu’ils veulent gommer en vain leur place de PDG hyper-puissants (Bernard est la septième fortune du Monde) pour se présenter en banals et modestes collectionneurs. On lit par exemple sous l’article du Figaro : «Quand le Président de LVMH cède la place au collectionneur».
Excellent article. C’est un sujet beaucoup plus important qu’il n’y paraît. l’argent s’offre ainsi le pouvoir de contrôler les regards, les consciences -et les inconscients. J’apporterai aussi ma contribution sur ce sujet dans un prochain article. La perspective d’un débat passionnant car nulle part abordé, les « artistes »collectionnés fonctionnant en capillarité avec les milieux culturels, politiques et médiatiques.
BiBi lira avec attention ton article. Ce serait bien aussi que des « Artistes collectionnés » sortent de leur mutisme, de leur mélancolie ou de leur désespoir et viennent en discuter sur la Place publique.