Rien de tout cela car j’ai l’explication : elle est claire, nette, précise. C’était donc un dialogue? Oui et non. C’était donc une double présence voulue, un échange bien pensé, une mise en ordre pour les besoins d’un futur ouvrage ? De ça, non. Non.
Cette découverte nocturne s’imposa de la façon suivante : des lumières venues de je-ne-sais-d’où s’allumèrent, le jour s’était levé, la fenêtre était ouverte (je dors toujours la fenêtre ouverte), les rayons du soleil étaient très en avance, de petits nuages se cachaient derrière un trop gros cumulus. Je me suis redressé, j’ai rejeté les draps à mes pieds. ELLE disait encore des choses à grande vitesse, éclats sonores démultipliés qui emplissaient toute la chambre.
Et comme foudroyé mais étrangement très calme, j’ai su, j’ai vu, j’ai lu, j’ai compris. Et tout l’Univers d’ELLE prit alors un sens, un sens qui allait me délivrer enfin de ces incompréhensibles obligations de rapporter et de transcrire ses moindres propos. Je compris que j’allais enfin m’en dégager une fois pour toutes, je compris que je ne serais plus désormais assujetti à ses jeux, à ses refrains, à ses litanies, ses humeurs, ses mélancolies, ses plaintes, ses complaintes, à tous ses couplets.
Je me suis réveillé, j’avais recouvré toute ma lucidité, je me suis levé, j’ai fermé la fenêtre. Peut-être que le déclic était venu de cette ouverture sur le Dehors (faudra t-il à l’avenir que je ferme ces appels d’air, que je me préserve de tous ces vents mauvais qui empoisonnent mes nuits ?). J’ai tourné l’espagnolette et tout eut alors un sens. Je sus que tout se tenait dans une seule phrase, que tout se reposait sur ce seul élan, dans ce seul écho :
«J’ENTENDS DES VOIX».
Tout se justifiait. Tout de ce qui m’était arrivé.
J’entendais donc des Voix. Seule explication, corrigée aussitôt par un : «J’entends UNE voix».
Une. Une. UNE Voix. C’était plus juste. La sienne. C’était la seule explication. La seule plausible. Pas d’autre. Une voix. J’entends une voix. C’est donc cela mon trouble de toujours, mon obsession, ma maladie incurable.
Mais elle dira, elle continuera – qui sait – de me dire. D’une voix.
Une. C’est qu’il n’y en a jamais eu, il n’y en aura jamais d’autre.