Category Archives: Photos, peinture & cinoche

Le Murmure des Expulsés.

L’histoire était jusqu’à aujourd’hui inconnue de BiBi. Elle lui est venue de ce petit village de Billère (64140) dans la banlieue de Pau. Son Maire socialiste, Jean-Yves Lalanne, avait donné son aval pour la réalisation d’une fresque murale sur un pan de mur d’une salle des fêtes communale. La fresque était une œuvre citoyenne dédiée aux sans-papiers et à leurs enfants expulsés.

L’inauguration a eu lieu le 5 septembre 2009. Ce jour-là, Isabelle Larrouy, porte parole de Réseau Education Sans Frontière (RESF 64), la députée-maire socialiste de Pau (Martine Lignières-Cassou), et le maire de Billère, Jean-Yves Lalanne y ont présenté le contexte et les raisons de cette commande.

Le préfet UMP très zélé des Pyrénées-Atlantiques, Philippe Rey, est venu s’y opposer prétextant que le premier magistrat de Billères serait sorti de son devoir de neutralité vis-à-vis de la Politique gouvernementale. Il a donc saisi le tribunal administratif de Pau qui – hélas – lui a donné raison. A l’audience du 4 janvier dernier, le rapporteur public s’est en effet prononcé en faveur de l’effacement du Mur et a donc décidé « l’annulation » de la décision du maire.    

Plus de mur certes… mais restent ces murmures d’expulsés et leurs soutiens.

Murmures qui reconstruiront le Mur.

Pensées en vrac.



BiBi a lu ces derniers mois le JDD et la Chronique mensuelle de Philippe Sollers. Il a trouvé la supposée photo d’Howard Hughes et les 4 clichés de Tuesday Weld dans le Monde Magazine. Le livre d’Eugène Durif (« Laisse les hommes pleurer ») est édité chez Actes-Sud.

BiBi a lu régulièrement les blogs suivants : Plume de Presse, Dazibaoueb, Ruminances, Céleste, Cerise, Librelulle, Coucou, GdC, Ervedo, Pas perdus, Gwendal, Nouvel Hermès, Piratages, Cromwell, Philippe Marx et SarkoFrance.

« Shutter Island » : parabole du Cinéma.

Lorsque BiBi chercha ce que voulait dire «Shutter» dans le titre « Shutter Island » de Martin Scorsese, il fut surpris de sa traduction : « volets ». Il remarqua aussi que le film était une sorte de voyage kafkaien et que, lors d’une séquence, l’un des personnages faisait même référence à l’écrivain pragois. BiBi se souvint alors avoir lu un petit dialogue entre Gustav Janouch et Franz Kafka sur le mot « volets ». Gustav Janouch parlait cinoche avec Franz et lui rappelait un proverbe tchèque : «L’œil est la fenêtre de l’âme». A quoi, l’homme de Prague rajouta énigmatiquement : «Oui, et les films sont des volets de fer ».

«Shutter Island» : un film à volets. Une île comme un volet de fer.

Un matin de 1954, le Marshal Teddy Daniels et son nouveau coéquipier, Chuck Aule, débarquent sur Shutter Island, une île  au large de Boston. Là, un ancien fort de la guerre de Sécession a été reconverti en hôpital psychiatrique pour criminels particulièrement dangereux. Les deux policiers doivent retrouver une patiente, internée après avoir noyé ses trois enfants. Elle a mystérieusement disparu. Les deux enquêteurs fédéraux vont devoir affronter la méfiance des médecins, la violence d’un ouragan qui submerge l’île et ils vont devoir – particulièrement pour Léonardo Di Caprio – faire face à leurs propres démons.

Il  eut l’île au Trésor, l’île du Docteur Moreau, l’Île nue de Kaneto Shindô, espaces privilégiés pour construire une intrigue accrocheuse. « Shutter Island » s’ouvre magnifiquement sur un bateau de ligne émergeant dans le blanc de l’écran et dans la blancheur de la brume. Cette île est comme le Prague de Kafka, immense, petite, omniprésente, endroit d’où l’on cherche à partir, à s’évader. Scorsese aurait pu écrire à l’instar de Kafka : «Cette île [Prague] ne nous lâchera pascette petite mère a des griffes» ou encore : «Dans ce petit cercle est enfermée toute ma vie», «Les recoins obscurs continuent de vivre en nous».

Du coup, cette île n’est pas un bout de terre singulier, un espace hors-temps mais elle est le Monde tout entier. Rien de ce qui est humain (ou inhumain) n’y est absent. Tout de l’Histoire humaine s’y concentre : la Vérité, les Mensonges,  les Camps d’extermination (Di Caprio, ex-soldat US, se souvient à plusieurs reprises de son expérience de tuer les responsables allemands du Camp de Dachau), le Réel, la Fiction et l’arête Bien/Mal sur laquelle s’échine l’acteur (et le spectateur).

On pourrait se laisser aller à l’intrigue, aux multiples rebondissements, aux flashbacks ( il y en a beaucoup. Trop ?), aux coups de théâtre. On pourrait rester à cette Question finale du film, au dilemme du héros, prêt à se faire lobotomiser ou énucléer : «Que vaut-il mieux ? Vivre en monstre ou mourir en Homme de bien ?»

On peut aussi émettre l’hypothèse que cette « Shutter Island » aux volets de fer, cette île d’où  Leonardo Di Caprio ne ressort pas car il découvre que c’est le Monde (un mélange inextricable de fictions et de vérités) est pour Martin Scorcese…  le Monde du Cinéma.

On y décèle nombre de séquences qui rappellent les films hitchcockiens (l’intrigue se passe dans les années 50-60, années terribles de la Guerre froide, quasi-atomique), séquences filmées en successions de plans qui rappellent les premiers trucages scéniques (au fond, les falaises, la tempête ; au premier plan bien découpé : le héros dans tous ses états). Les Oiseaux d’Alfred sont ici remplacés par les rats. L’arrivée du bateau (en noir sur fond blanc), le phare, les flics très hitchcockiens, les vues sur la mer, le Fort mystérieux (aussi mystérieux que le Château de Kafka) évoquent les films de jeunesse noire de Scorcese, dévoreur de pellicule et historiographe du Cinéma.

Cette île, c’est le Cinéma avec ses caciques, ses volets de fer, ses contraintes d’airain, ses contraintes policières d’Hollywood, puissance maléfice de ceux qui le gouvernent. C’est aussi le Cinéma dans sa Signifiance, dans son Intertextualité ( le film rappelle « Shock Corridor » de Samuel Fuller et le «Vol au dessus d’un nid de Coucou» dans leur logique infernale et similaire : qu’est-ce qui est vrai ? faux ? de la fiction ? du Réel ? Où est ce qui est vrai ? ce qui est faux ?) Le Cinéma permet de faire plonger un personnage dans une trame, de le mettre en scène pour qu’il croise et affronte cette Épreuve humaine par excellence : qu’est-ce – singulièrement, universellement – le Bien et le Mal ? Et non moins important : « Où se mettre ? Où se pencher ? »

A la fenêtre de l’Âme pour l’ouvrir ? Derrière les volets de fer pour les fermer ?

A vous évidemment de voir et d’aller (au cinéma)… y voir.

La France en marche.


Ségolène Royal et la baigneuse de Coney Island.

Lorsque BiBi a ouvert le « Monde », le Monde s’est ouvert à lui sur ces deux photos : l’une couvrant la Une du « Monde Magazine » (Ségolène Royal, l’Effrontée) l’autre se trouvant en page intérieure, dans les replis de l’édition du samedi («La Baigneuse de Coney Island » photographiée par Lisette Model).

Malgré le Monde qui les sépare, ces deux photos se sont imposées à lui ensemble. En écrivant sur cette contigüité, BiBi s’est (un peu) découvert à lui-même, s’est un peu ouvert, à son tour, au Monde.

Quand les modèles ne fixent pas l’objectif…

Ségolène a déjà glissé, les yeux fermés, entre chatouilles et jouissance. Elle se veut hors-temps. La New-yorkaise se laisse attendrir, toute présente au Présent. C’est dimanche  de sortie, et la voilà – comme souvent les dimanches de printemps et d’été – sur le sable de Coney Island : elle a fini, un peu éreintée, sa longue semaine chez Harper’s (Dieu que les clientes ont été exigeantes !) et elle se prélasse dans le maillot de bain acheté en soldes l’année précédente.

Deux femmes, deux plaisirs.