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Les chiffres honteux de la Sarkozye.

1. Le rapport annuel du Secours Catholique («Jeunes, une génération précaire») souligne globalement une augmentation du nombre de personnes secourues par son réseau : près de 1,5 million pour 2010 (soit +2,3% de plus que 2009).

Alors que le seuil de pauvreté s’élève à 954 euros pour une personne seule, le niveau de revenu moyen des personnes rencontrées par le Secours Catholique tourne autour de 576 euros. C’est la classe d’âge 18-25 ans la plus touchée par la pauvreté alors qu’elle est plus qualifiée et plus diplômée que les générations précédentes. Responsabilité première : le désengagement de l’Etat. Il ne fait pas bon de devenir jeune.

« Serons-nous heureux demain ?  » (3).

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Des blogueurs se sont adressés à des Intellos de renom et leur ont posé la Question : « Quid de votre Bonheur libéral promis hier ? ». En écho parallèle, BiBi met en ligne une intervention de J.M. Geng (suite et fin) publiée en 1978 dans la Revue Actuels : « Serons-nous heureux demain ? »

Premier volet du billet ici.

Second volet du billet ici.

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«Quand à prêcher l’insoumission, comme prêcher quoi que ce soit d’ailleurs, cela me fait doucement rigoler. Comment ne pas voir la complicité profonde qui unit cette attitude d’une fraction des intellectuels à la multiplication des petites soumissions quotidiennes de l’espace-temps urbain (horaires, programmes, contrôles, parcours, signaux, attitudes etc).

Nous circulons à l’intérieur d’un tissu banalisé, donc invisible, de contraintes et de soumissions sociales. Nous ne faisons que passer d’un code à l’autre (Code pénal, Code de la Route, Code civil, Codes symboliques). Le contrôle social programme le discours et l’attitude de l’Insoumission (un code comme un autre), lui donnant même la possibilité de s’exprimer quand il reste à l’intérieur de certaines limites intellectuelles ou esthétiques. Quand, au contraire, l’Insoumission risque de devenir contagieuse, d’échapper au contrôle social qui la manipule, on trouvera au petit matin devant sa porte, pour l’étouffer silencieusement, 2500 policiers armés (…).

Donc pas l’Insoumission, conséquence logique et complice de la soumission généralisée ; mieux vaudrait – si c’était possible – déserter le champ politique dans son ensemble. Mais c’est impossible. Nous n’avons pas aujourd’hui le pouvoir de sauter la question du pouvoir : il ne faut pas, parce que la politique a longtemps refoulé la vie en nous, refouler le Politique de nos vies. (…)

Et je sais, pour l’avoir expérimenté, ce qu’il faut payer en isolement, en censure, pour une attitude qui ne s’aligne sur aucun modèle et ne s’inféode à aucun courant de pensée repérable.

Le problème est de savoir s’il est possible d’imaginer aujourd’hui un militantisme réservé, désabusé, ironique – qui aurait donc la politesse de son désespoir et qui ne refoulerait pas ses doutes. Vous l’avez remarqué, tout cela n’est pas assuré : je n’ai même pas la certitude de mon doute. Il me serait donc difficile d’enrôler le désespoir dans mon argumentation et j’admire ceux qui y parviennent (…).

Je ne chanterai pas le chant des lendemains qui chantent, mais sans fredonner pour autant cette berceuse désenchantée, presque officielle, que nos Maîtres politiques actuels aiment à entendre sur les Intellectuels qui mangent à leurs tables, – la mélopée du bon choix abstentionniste.

La Droite n’a jamais demandé à SES intellectuels autre chose ni plus qu’un scepticisme actif, rongeur, contagieux et surtout opportun. Voilà pourquoi je jouerai ce bon tour que j’espère peu original : en guise de bon choix pour la France et sans illusions excessives ni désespoir prématuré, verser dans l’urne électorale l’obole empoisonnée de mes sentiments incurablement anticapitalistes. Je ne serai pas le seul : il y aura d’autres philosophes pour choisir la gauche en râlant, «le dos au mur et la tête vide». Nous aurons toujours le petit bonheur de faire trembler quelques ordures».

« Serons-nous heureux, demain ? » (1)

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Milton Friedman, Grand Manitou des théories libérales, est récemment décédé. Des blogueurs en ont profité pour adresser à des personnes connues pour leur engagement néolibéral une lettre visant à clarifier leur position sur ce bonheur promis depuis 30 ans et plus. («Quid du Bonheur libéral ? »). Voilà une demande bien curieuse, à la limite de la naïveté pour BiBi. Dieu ! Quelle perte de temps que d’attendre leurs réponses ! Nos blogueurs pensent-ils vraiment que ces Intellectuels renommés interpellés vont tourner casaque et nous offrir un sublime mea culpa ?

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C’est en retrouvant une intervention de Jean-Marie GENG dans la Revue Actuels (février… 1978) que BiBi a trouvé réponse à cette curieuse injonction blogguesque. En effet au lieu d’attendre réponses sur ce «bonheur libéral» promis par tous ces Quatremer-Copé-Parisot-Madelin-Giesbert-Aphatie-Attali-Novelli et tutti quanti, ne vaudrait-il pas mieux retourner à nous-même la Question : «Hé ! Ho ! Gens de Gauche, serons-nous heureux, demain ?»

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Le texte qui suit constitue la déclaration liminaire faite par le sociologue d’alors Jean-Marie GENG, le 3 février 1978, à l’occasion d’un débat public qui l’opposait à Bernard-Henri Lévy, le «nouveau philosophe» à la chemise blanche. La question posée était : «Serons-nous heureux demain ?» et intervenait peu avant d’importantes élections, en plein règne giscardien.

BiBi en a retenu de larges extraits qu’il vous propose en trois billets. Cette intervention d’une magnifique justesse politique fait écho profond et correspondance étonnante avec l’Esprit-BiBi et avec les questions essentielles qu’il (se) pose aujourd’hui.

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«Difficile de répondre à cette question aujourd’hui – pris, comme nous le sommes, dans des attitudes (espoir, agacement, scepticisme, amertume anticipée), attitudes que commandent les prochaines élections. Plus difficile encore d’imaginer, sinon par provocation esthétique de faire comme si nous n’y étions pas – je veux dire : ici, maintenant -, comme si nous n’étions pas emportés par le mouvement aberrant de l’histoire (…).

Serons-nous heureux demain ? Il y a dans l’apparente simplicité de cette question, dans sa lisibilité innocente, une sorte de piège pour intellectuel de gauche. Supposons que par simple politesse pour les gens qui m’ont invité, ou par provocation au troisième degré, je m’y laisse choir, dans ce piège, et que je réponde : oui, nous serons heureux demain, à la condition que la gauche, surmontant ses divergences, l’emporte et qu’elle applique, à la satisfaction des larges masses et sous la conduite désintéressée des chers Camarades, un programme minimal qui résorbera le chômage, qui réduira les inégalités salariales, qui rongera les structures économiques de type capitaliste que nous subissons.

Mais rassurez-vous, je ne répondrai pas ainsi – encore qu’un gouvernement de gauche a plus de chance de résorber le chômage, de réduire les inégalités qu’un gouvernement de Droite (…). Je ne répondrai pas ainsi et pour une raison simple : la Question justement n’est pas simple. Il faut la questionner sérieusement, dans tous ses plis, comme une question vitale et non comme un inducteur rhétorique, un prétexte à laisser se développer un discours déjà entendu, et qui n’aurait posé cette question devant lui que pour mieux s’afficher. Serons-nous heureux demain ? Quand, demain ? Quel bonheur ? Et qui, nous ?

Demain nous serons morts (…).

Le bonheur. Tout tout de suite ou que rien n’arrive ? Un pied infini ou une chaîne de menus orgasmes picorés ? La grande dérive jouissive ou avoir moins mal ? Vivre sans temps mort et jouir sans entraves ou se sentir intensément mortel ? Je n’ai peut-être rien compris à la question du bonheur – sinon je ne serais pas là. Serons-nous heureux ? Qui, nous ? Qui pose la Question ? Etre heureux, ne serait-ce pas précisément, pour chaque individu, la possibilité de ne pas être compris, compté, réduit dans ce «nous» tentaculaire qui nous parle ? «Je est un autre» dit Rimbaud. Nous n’est rien. Ou plutôt, nous, c’est le Politique en tant que je n’y est pas (…)

Donnez à ce «nous» sa réalité humaine, sa densité sociologique : vous verrez qu’il n’induit pas à la convivialité, qu’il se casse la gueule, ce «nous», qu’il éclate, peut-être pas en autant d’individus mais en classes, en castes, en fractions, en clans, en partis et cela dans tous les champs et à tous les niveaux de pratique sociale.

Viser un bonheur collectif et programmable – comme le fait la Question – est de ce point de vue tout à fait aberrant. Et pourtant, à l’inverse, nous savons bien qu’il n’y a pas de bonheur innocent, que le bonheur n’est pas qu’une affaire individuelle, même si le bonheur réalisé suppose pour chaque individu le dépassement, l’annulation du Politique. De quelque côté qu’on l’aborde, la Question ne tient pas : ou ne tient qu’au prix du refoulement des différences actives qui font la socialité même. Elle ne tient plus parce que nous n’y sommes pas tous nommés à la même place, parce que, dans les conditions actuelles, pour nous, habitants de cet univers aujourd’hui, le bonheur de quelques-uns entraîne le malheur de nombreux autres et que c’est – comme on dit – le Système qui le veut (…) »

Deuxième partie ici.

 

Bourse aux Mots et Spéculation linguistique.

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Un livre en quelques mots.

Signalé dans le Monde Diplomatique, le livre de Thierry Guilbert («L’«évidence» du Discours néo-libéral. Analyse dans la presse écrite». Editions du Croquant). L’auteur y écrit que «ce sont les acteurs et les journalistes qui font exister un « fait brut » en tant qu’évènement. L’évènement n’est donc pas un fait, mais la mise en mot de ce fait».

L’Autriche et le mot Nazisme.

Dans les conversations usuelles autrichiennes, on parle de «période» lorsqu’on parle de l’Anschluss (1938) ou du Nazisme qui a suivi. Doux euphémismes pour n’avoir pas à prononcer le mot de «nazisme». Le mot n’apparaît nulle part en Autriche sauf dans un texte de Peter Handke et dans nombre de ceux de l’écrivain Thomas Bernhard.

Cécile Wajsbrot séjourne en 1990 à Vienne et elle écrit à Jacques Hassoun : «Et devant ce silence généralisé – comme un cancer généralisé – on comprend l’acharnement de Thomas Bernard à répéter le mot que personne ne prononce («nazi»). Il y a un dialogue extraordinaire dans l’une de ses pièces («Claus Peymann s’achète un pantalon et va manger avec moi»). Peymann, Directeur du Burgtheater et Bernhard se retrouvent dans un café pour déjeuner. Qui est celui-là ? demande Peymann. Le vice-Chancelier ? Un nazi, répond Bernhard. Et le dialogue continue. Et lui ? Le Ministre de l’économie, un ancien nazi. Tout le monde y passe, le gouvernement, les directeurs de journaux, et celui-là ? C’est le Chancelier, un imbécile. Et lui ? Le Président nouvellement élu, un ancien nazi».

Le seul mot de «nazi » incrusté dans le texte de Bernhard suffit à en faire une bombe, surtout durant cette période aigüe (la pièce date de 1986) où le Président autrichien, Kurt Waldheim, cacha soigneusement sa participation à l’Ignominie. Grand Art chez Bernhard : un seul mot-pivot et l’Histoire ne marche plus sur la tête, retombant alors sur ses pieds.

Le Capitalisme linguistique.

Frédéric Kaplan, chercheur à Lausanne, a écrit un superbe article dans le dernier numéro du Monde Diplomatique («Quand les mots valent de l’Or»). Un article qui explique sa définition du «Capitalisme linguistique». On sait que la logique médiatique est plus que jamais dévoreuse de noms et de renoms à faire valoir (on s’arrache les Stars payées à prix d’or etc…). On sait que ces mêmes Médias ne sont que de vastes machines à traiter paroles, pensées et images comme des produits à vendre dans un grand marché linguistique.

Mais voila que Maître Google, lui, est arrivé et a construit son Marché via la spéculation sur les Mots et principalement via deux algorithmes : «l’un qui permet de trouver des pages répondant à certains mots, l’autre qui affecte à ces mots une valeur marchande». Ce dernier algorithme  propose un système d’enchères (sur un mot-clé, sur le calcul du score de qualité de publicité et sur le calcul du rang) bien analysé par Frédéric Kaplan.

Dans cette Bourse aux Mots, tout est disséqué, pesé, analysé pour que le mot acheté soit le plus rentable possible. Spéculation sur les mots, développement des relations linguistiques intimes et durables avec un grand nombre d’utilisateurs, infléchissement et modélisation de la langue : voilà la tendance dans ce nouveau champ de bataille économique.

La démonstration de Kaplan est imparable. Elle n’emprunte pas les voies de la théorie du complot. Elle dessine en un billet très clair les règles de cette nouvelle et féroce compétition (Google a de nouveaux rivaux) où les «mots valent de l’or».

Calme ta joie : Sarkozy bouge encore.

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  1. Sarkozy gagne encore 3 points dans les sondages.
  2. Sarkozy a obtenu que Villepin se couche. Celui-ci a éteint sa lumière à La Lanterne.
  3. Sarkozy a proposé à Villepin un plan pour la députation Outre-Atlantique (BiBi avait prévu la Réconciliation)
  4. Sarkozy a atomisé Borloo et a fait place nette.
  5. Sarkozy se fout bien de diviser les Français.
  6. Le but de Sarkozy-le-Protecteur est de rallier à lui 50,001% des français. Le reste est absolument sans importance.
  7. Putain, on va morfler vilain dès le premier jour après le second Tour.
  8. On peut voter pour un candidat qu’on déteste.
  9. Peu importe qu’il soit haï : Sarkozy sait faire comprendre son impopularité.
  10. BiBi n’aime pas du tout du tout l’optimisme béat de certains bloggeurs.
  11. Les valises de Bourgi resteront fermées pour la Justice. Désolant : ni Mélenchon, ni Hollande n’ont pris ces bagages en main.
  12. Les Valises de Bourgi font dix lignes dans le Monde. Les fraudes à la Sécu trois pleines pages.
  13. Ce matin : Bayrou à France-Culture, Copé à France-Info, Bertrand à France-Info. Philippe Val, Jean-Luc Hees et Rémy Pflimlin ont bien écouté la remontée de bretelles du Chef (Elyséen).
  14. A gauche, on pense encore à la Journée de la Gentillesse alors que nous sommes en Guerre.
  15. Malgré la Crise, Victoire de la Droite en Espagne. Comprendre, penser, en tirer les leçons.
  16. Enfoncez-vous ça dans le crane : il n’y a pas d’automatisme entre les conditions de vie qui se dégradent et le vote à Gauche.
  17. Les puissants Médias, les Editocrates, les Intellectuels médiatiques, les Présentateurs de JT sont aux bottes. Pas vraiment d’imposition élyséenne à l’Ancienne. Ils ont été choisis et sont à cette place pour ça : être aux bottes.
  18. Il n’y a pas que le Mox dans la vie : il y a le chômage, la perte du pouvoir d’achat, la rue, le froid. Et la rage.
  19. BiBi comprend pourquoi Hollande n’élève pas la Voix : il a peur de perdre les Voix du Centre. Putain de stratégie.
  20. François Hollande ne gagnera pas les doigts dans le nez. Il faut qu’il se fasse grande gueule.
  21. Le Peuple a de la mémoire : il n’oublie pas Juppé 1995 mais il n’oublie pas aussi la terrible Politique-Jospin des années 2000.
  22. Sarkozy a encore toutes ses dents. Et elles sont longues. Qu’on se le dise.