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Roland Barthes : populaire et contemporain (2).

Deuxième partie de l’entretien de Roland Barthes avec le journaliste de l’Humanité, Alain Poirson en 1977. Le magnifique  livre « Fragments du Discours amoureux » au Seuil venait de sortir. L’article avait un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits 2].

« Il n’y a pas eu beaucoup d’articles critiques consacrés à ce livre… Au reste, est-ce qu’il y a encore une « critique » ? Ce qu’il y a eu, ce sont des demandes d’interviews, des projets d’adaptation (au théâtre), des lettres de lecteurs ; et le livre s’est vendu davantage que mes autres livres, du moins au départ, car je ne pense pas qu’il continuera à se vendre – contrairement à mes ouvrages antérieurs. Il s’agit donc d’un accueil «passionné» et fugace. Pourquoi ? Il y a eu surprise : on n’était pas habitué à ce qu’un intellectuel parle d’une passion et d’une «passion démodée» : romantique, sentimentale qui n’emprunte rien au prestige du sexe, de la contestation etc. »

« Le discours amoureux m’a paru solitaire non par rapport bien sûr à la masse importante des gens qui sont ou ont été amoureux mais par rapport à ce qui intéresse et à ce que disent les intellectuels d’aujourd’hui. Il se peut, en définitive, que l’accueil fait au livre soit l’indice (parmi d’autres) d’un certain changement de l’opinion à l’égard du rôle qu’on attribuait à l’intellectuel, dont on voit bien qu’il n’a plus procuration pour parler au nom de l’universel ».

« Je n’ai pas cherché à tenir sur l’amour un discours sérieux, objectif, exhaustif… Il ne faut pas oublier que c’est un amoureux qui parle – et non un savant, ni même un essayiste, il parle avec sa culture, et sa culture du moment : avec les livres que le hasard lui fait lire ou relire pendant la crise amoureuse et qui viennent «alimenter» son soliloque intérieur. Il ne se force pas à lire des livres «qu’il faudrait lire»… Ni Breton, ni Aragon par exemple. Je ne me sentais pas d’ailleurs «consoner» avec ces discours-là… »

«L’écriture est beaucoup plus exigeante que la parole : elle ne peut compenser les imperfections de l’expression par une action du corps (voix, inflexion, sourire etc). Dans l’espace de parole (celui du cours, du Séminaire), il y a un rapport amoureux diffus, un échange de séductions, de sympathies, d’appels. L’écriture, au contraire, est difficilement amoureuse : aussi, quand elle veut exprimer un amour, elle ne peut le faire qu’en renonçant tragiquement à impressionner le destinataire de cet amour : c’est là un des sens de mon livre».

Roland Barthes : populaire et contemporain (1)

« Fragments d’un Discours amoureux » de Roland Barthes paraît au printemps 1977 aux Editions du Seuil. Le succès est immédiat : 100 000 exemplaires vendus dans l’année. Le 26 mars 1980, Roland Barthes décède après s’être fait renverser par un camion. Entre temps, il avait accordé une interview à Alain Poirson du journal « L’Humanité ». L’article a un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits].

« J’ai toujours vu les systèmes de pensée comme des systèmes de langage et ces systèmes de langage comme des sortes de tableaux peints, un peu à la façon du voile brillant, coloré, imagé que le bouddhisme appelle la Maya. C’est cela la constante et, pour ainsi dire, l’obsession (…) Mon point de vue a changé, souvent pour des raisons « tactiques« , parce que, à tel moment, je pensais qu’il fallait déplacer le discours ambiant : vers 1960, le discours critique me paraissait trop impressionniste et j’ai eu envie, sur la littérature, d’un discours plus scientifique, ça a été la naissance de la sémiologie…

… Mais cette sémiologie est devenue autour de moi hyper-formaliste et j’ai eu envie d’un discours plus « affectif »; puis ce discours lui-même, sous le poids de la psychanalyse, m’a paru faire la part trop belle au « symbolique« , en traitant l’Imaginaire de « parent pauvre« ; j’ai donc voulu assumer un discours de l’Imaginaire. Il s’agit d’ajustements (…).

« Pour moi, la parole et l’écriture sont largement hétérogènes. Écrire ne consiste pas à transcrire; ça consiste à penser à même la phrase, à produire une pensée-phrase; et la « phrase« , c’est essentiellement un produit écrit, pour le meilleur et pour le pire. Aussi, quand on fait un livre, c’est un peu toute la pensée qu’il faut reprendre au départ : il faut penser de nouveau et à neuf ».

« Nous devons tous écrire plus « populaire« ; encore faut-il que ce tournant, ce changement de pratique et d’image soit vécu intérieurement, non comme un retour simpliste à des formes passéistes, mais comme une pensée nouvelle du moderne lui-même. Quoi qu’on écrive, il faut rester à l’écoute du « contemporain« .

2005 : Edouard Stern s’en va, Eric Woerth arrive.

La lecture : un formidable passe-temps.

BiBi a fini la lecture de deux livres sur le banquier Édouard Stern (photo Le Temps.ch). Le premier, de Valérie Duby et Alain Jourdan (aux Éditions Privé et publié en 2006 : «Mort d’un banquier» Les dessous de l’Affaire Stern) nous en apprend de belles sur les réseaux tissés autour de ce Pirate de la Finance (1). Dans les 240 pages, il ne sera question que de comptes bancaires genevois, russes, d’offshore (îles Caïman, Antilles néerlandaises), de flirt prononcé avec la Chambre de compensation Clearstream, de rachats, de coups bas, d’inimitiés, de haines et de solidarités de caste. Évidemment pas de sentiments hormis des pulsions à satisfaire (les femmes tiennent des rôles secondaires mais indispensables). Le piétinement des valeurs humanistes est quotidien et la course effrénée au profit, affaire de toutes les minutes.

Inventaire des Amis (surtout les Grands).

On a aussi toute la panoplie des amis qui deviennent ennemis et vice-versa.

Édouard Stern était en effet le grand ami de Nicolas Sarkozy et de Cécilia, du… « socialiste » Hubert Védrine (2), d’Henri Weber le…  trotskyste, fondateur de la Ligue Communiste Révolutionnaire, de Paul Desmarais, d’Albert Frère. C’était un amateur d’art (2) et de musique (il détenait 33% de la Maison de disques Naïve qui produisait alors… Carla Bruni pas encore Sarkozy). Le bonhomme demanda «un permis de port d’armes à son ami Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur» et il l’obtint grâce à «Claude Guéant, directeur de cabinet de NS qui géra en direct ce dossier sensible» (page 58).

Edouard Stern et l’Oréal.

«De Genève, Edouard Stern règle au début des années 2000, les détails capitalistiques du partenariat entre l’Oréal et Nestlé dans le holding Gesparal. Le PDG de l’Oréal, Lindsay Owen-Jones, a toute confiance en Édouard Stern pour qu’il aide à régler la question du pacte d’actionnaires qui lie, depuis 1974, le groupe de cosmétiques à Nestlé et à la famille Bettencourt » (page 187).

Les auteurs insistent : «Edouard Stern a un carnet d’adresses fourni. Il est proche de deux grands comptes, Elf et l’Oréal » (page 181). D’ailleurs, notons cette coïncidence : Édouard Stern, grand pourvoyeur de Chouchou dans son ascension présidentielle, est mort en 2005. Il n’aura pas fallu plus d’un ou deux mois pour qu’Éric Woerth ne rentre à son tour dans la danse et fonde avec l’aval de l’ami Nicolas « Le Premier Cercle » qui rassemble de bien généreux donateurs (3).

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(1). Le second livre que BiBi achève s’intitule « Le Fils du Serpent » et c’est un Airy Routier bien indulgent qui l’a écrit aux Éditions Albin Michel.

(2). On aurait en effet tort de ne regarder qu’à droite. Dans le carnet d’adresses d’Édouard Stern, on trouve «DSK avec qui il partage une passion pour la peinture et l’art en général». et le « socialiste dont il est le plus proche»,«ancien premier ministre de Mitterrand… Laurent Fabius» (page 176).

(3). Si des fois, Eric repasse devant les bureaux de la Brigade Financière, il pourra toujours répondre à la Question-BiBi : «Éric, as-tu connu Edouard ?»

Art et têtes de lard.

Huit lignes.

BiBi a retrouvé un vieil extrait d’un article de Jean Baudrillard du 20 mai 1996 (« Le Complot de l’art »), re-publié par le journal « La Décroissance ». Huit lignes pour torpiller les sempiternels refrains sur l’Art qui se moque de lui-même, pour dénoncer le cynisme quasi-général et la main mise des Grands Bourgeois sur le Marché. Huit lignes de subversion critique à lire et à relire :

«Toute la duplicité de l’art contemporain est là : revendiquer la nullité, l’insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu’on est déjà nul. Viser le non-sens alors qu’on est déjà insignifiant. Prétendre à la superficialité en des termes superficiels. Or la nullité est une qualité secrète qui ne saurait être revendiquée par n’importe qui. L’insignifiance – la vraie, le défi, le défi victorieux au sens, le dénuement du sens, l’art de la disparition du sens – est une qualité exceptionnelle de quelques œuvres rares, et qui n’y prétendent jamais ».

Liliane la Mécène.

A l’instar de Pinault-Arnault, Madame Bettencourt fait aussi dans l’Art (et sa confiscation). Depuis 1987, Madame est devenue une des mécènes les plus importantes de France via la Fondation Bettencourt/Schueller, fondation la plus richement dotée de notre beau pays. Notre Liliane possède aussi des œuvres d’art dont douze tableaux de maître d’une valeur estimée à 20 millions d’euros. Voilà une Liliane dont on parle peu et que BiBi a bien fait de remettre au centre du tableau.

Comme c’est Mignon !

C’est en lisant le Blog de NicoCerise que BiBi a appris ce que devenait Emmanuelle Mignon, l’ex-Directrice  du cabinet de Chouchou, celle qui voulait défendre l’Eglise de Ron Hubbard. Déjà nommée Secrétaire générale d’EuropaCorp (studio européen du Cinéma), elle a rejoint FrontLine, en juin 2010. Dans ces deux sociétés holding qui appartiennent au… «cinéaste» Luc Besson, elle prendra en charge la Direction de la stratégie et du développement. Comme disait l’ami-BiBi : « A Besson le pantalon et tu trouveras comme tout ça est trop Mignon ».

Intraitable Lenny Bruce.

BiBi a revu « Lenny » film de Bob Fosse avec un Dustin Hoffman éblouissant. Il faut voir cette scène où – devant les spectateurs d’un établissement où il se produit chaque soir – Lenny Bruce, amuseur public vedette, remet en cause des « idées reçues », des choses banales de la vie quotidienne, le racisme ordinaire, et renverse les signifiés de la langue des Puissants véhiculés par la presse d’alors. Dans ces années de maccarthysme, Lenny Bruce et sa femme, la strip-teaseuse Hot Honey Harlow, le paieront cher, très cher. Un film magnifique.

Bookcrossing.com

L’équipe de la Bibliothèque de Trévou-Tréguignec a enregistré sur le site ci-dessus près de 150 livres qu’elle a lâchés dans la commune. Des livres qu’on peut retrouver au hasard dans les restaurants, les campings, la gare routière, la pharmacie, boulangerie ou encore sur un banc public. On peut «emprunter» tout livre trouvé, le lire et le remettre en circulation à l’autre bout de la France ou à l’étranger. Il s’ensuit des traçages parfois étonnants pour les exemplaires mis gratuitement en circulation. Janine Troadec, responsable de l’Opération de cette bibliothèque, précise : «Régulièrement, nous recevons des nouvelles de nos livres par l’intermédiaire du site consacré à l’opération qui existe depuis 2001 à travers le Monde». Le Livre, le Voyage, le Rêve : souvent des synonymes.

Centre Robert Walser.

A Berne, au cœur de la vieille ville, l’écrivain suisse que Walter Benjamin, Kafka, Zweig, Sebald, Jelinek ont d’emblée admiré a désormais son Centre. Sur l’œuvre de celui qui voulait n’être qu’un « joli zéro tout rond » est entrepris un gros travail d’archivage, de conservation, de déchiffrage de ses proses, d’acquisition de documents encore en mains privées. Des bénévoles assurent l’accueil au Robert Walser Zentrum (Marktgasse 45, Berne). Comment ignorer celui qui resta enfermé à l’asile de la Waldau puis à celui de Herisau de 1929 au 25 décembre 1956 ? Pour caractériser ses travaux, il avait griffonné : « Il me plaît de comparer mes petites proses à de petites danseuses qui dansent jusqu’à ce qu’elles soient totalement usées et s’écroulent de fatigue».

La Bande des Quatre.

Les combats d’aujourd’hui sont autant politiques que poétiques.

Contre ces blocs de langage qui tentent de nous étouffer, contre ces vents mauvais qui sifflent à nos oreilles, voila quatre échos de poètes-écrivains qui ont accompagné la colère et les espoirs de BiBi, piéton du 24 juin. Quatre extraits tirés de vieux carnets. Quatre idiomes marquant l’importance des mots, de l’écriture, de l’écriture adossée à la vie. Quatre pensées qui sortent de la langue commune pour la renouveler et la réinventer.

Ils ont refait surface et lui sont revenus en mémoire : preuves qu’ils n’ont jamais été oubliés, preuve que ces phrases dépliées en quatre furent décisives. Hommage donc à Michel Leiris, Charles Juliet, Jean Malaquais et Francis Ponge.

Michel LEIRIS :

«En disséquant les mots que nous aimons, sans nous soucier de suivre l’étymologie, ni la signification admise, nous découvrons leurs vertus les plus cachées et les ramifications secrètes qui se propagent à travers tout le langage, canalisées par les associations de sons, de formes et d’idées. Alors le langage, se transforme en oracle et nous avons là (si ténu soit-il) un fil pour nous guider, dans la Babel de notre esprit»

Charles  JULIET.

« Je dois dire que l’écriture pour moi c’est toujours un moment difficile. Il faut aborder quelque chose d’inconnu et d’immense. On voudrait pouvoir tout dire de ce qu’est l’être humain, de ce qu’est le drame d’exister, de ce que sont nos joies, nos avidités, nos déceptions, nos angoisses, nos instants de bonheur, nos « minutes heureuses » dont parle Baudelaire. Combien je me sens insuffisant face à cette immensité, face à tout ce qui existe et qui est toujours présent et bouche un peu l’horizon». Photo Daniel Batail.

Jean MALAQUAIS.

« Je ne puis écrire une ligne sans me surveiller : accoudé sur mon épaule, quelqu’un me lit et me censure. Dieu de la Littérature, épargnez-moi de donner dans la putasserie des littérateurs ! »

Francis PONGE.

«Le seul moyen d’agir et non d’être agi est justement celui que j’ai choisi, l’écriture… Une société, c’est un ensemble de langages dont le principal est la langue elle-même, j’entends la langue commune, celle qui se parle et qui s’écrit. Il s’agit de savoir si l’on accepte ce langage, si ce langage est de votre goût, au sens le plus absolu du terme, si votre goût ne le refuse pas, si vous pouvez employer ce langage. Eh bien, moi je dois dire que c’est par dégoût de ce langage que j’en suis venu à écrire. Il s’agira donc pour moi, pour pouvoir vivre, de modifier ce langage… mais vous savez, la Société, son et ses langages, ont mille moyens de se défendre, de se conserver».