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Le Livre, la lecture, le métro et Michel Butor.

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Madeleine Santschi a rencontré Michel Butor dans ce livre (« Voyage avec Michel Butor » aux Editions de l’Âge d’Homme). Michel Butor : un de ces écrivains qui a toujours foncé tête baissée, sans préoccupation des Honneurs, à distance du cynisme et de ce Parisianisme honteux. BiBi a toujours aimé cette souterraine joie de vivre alliée à la non moins souterraine Inquiétude chez cet écrivain. Il n’a pas oublié cet aphorisme : « Celui qui ne rira pas sera la proie des loups« .

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«A Paris, je suis un homme du métro. J’aime le souterrain. Et j’aime beaucoup par ailleurs quand le souterrain se met à sortir de terre, quand cela devient métro aérien. Je trouve que le mot aérien a quelque chose de très poétique. J’ai donc beaucoup regardé les gens lire dans le métro, la plupart du temps le journal, mais il y en a aussi qui lisent des choses très difficiles, très sérieuses. Debout, par exemple, en se tenant au poteau, ils se concentrent d’une façon particulière. La lecture de deux ou trois paragraphes dans le métro peut être d’une extraordinaire intensité. Je serais très heureux si un jour je pouvais voir des gens lire «Envois» [un des livres de Michel Butor] dans le métro».

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«Il y a une mythologie de l’écrivain extrêmement pernicieuse. Et moins les gens ont l’habitude de la lecture, plus ils sont soumis à cette mythologie de l’écrivain comme Monstre sacré».

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«Je n’ai, voyez-vous, pas envie de lecteurs paresseux ou faciles (…). Hélas, on a envie de comprendre les choses tout de suite. Or mes livres ne sont pas faits pour les gens qui s’imaginent pouvoir tout comprendre tout de suite. Une espèce de modestie est nécessaire. Je veux dire que celui qui voudrait tout comprendre immédiatement n’y arrivera pas. Le livre, si vous voulez, se fermera devant ses yeux, devant sa prétention».

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Sur Michel Butor, lire aussi ici :

 

Trois rêveries érotiques…

C’est en écoutant une chanson de David Mac Neil (« Isabelle») qu’est venue cette Marinade-BiBi.

« Marinade : le mot est de Gustave Flaubert, rapporte Roland Barthes.  On se jette à un moment sur son lit. On ne fait rien. Les Pensées tournent en rond, on est un peu déprimé. Des marinades, j’en ai souvent mais elles ne durent pas longtemps, un quart d’heure à vingt minutes. Après, je reprends courage».

Marinade en 24 tableaux née en contrepoint du premier couplet de la chanson de MacNeil qui disait : «Ah! Si j’étais la chaise sur laquelle/ Vient s’asseoir la gentille Isabelle/ Le matin sous sa chemise/ Je verrai la Terre promise»

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Elle était souple et faisait de la gym. Merveilleuse était sa façon de faire le Pont. De là-haut, plus délicieux encore furent nos grands plongeons. Les deux planches d’appel proviennent d’une même revue (« Plexus»). Elles parurent dans les années 69/70.

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Elle m’a regardé et a pouffé de rire : « Dis donc BiBi, tu es au Wikio, Catégorie Multithématique mais quand je lis tes billets, je constate que tu n’as pas écrit un mot sur Eros, qu’il n’y a pas une seule phrase qui fasse bander et pas un article qui s’arrête au Q».

Je l’ai alors invitée à prendre la pose.

Et je lui ai tiré le portrait (26 fois) en lui récitant lettre par lettre mon Alphabet.

Maurice Roche, aventurier des Langues.

J’ai «connu» Maurice Roche par ses livres (Compact, CodeX et J’vais pas bien mais faut que j’y aille). Chacun de ses livres bourrés d’incises, de divagations, de fragments, de jeux graphiques, de bifurcations faisait au total un Récit étonnant et détonnant. Humoriste noir (entre rire rabelaisien et rictus à la Antonin Artaud), obsédé des chats et de la Mort, Maurice Roche fut hors-norme. Il avait accordé à l’hebdomadaire France-Nouvelle (avril 1978) une interview incisive, sans complaisance.

A l’heure où le petit Monde littéraire est squatté par des critiques plagiaires, des pleureuses et des écrivaillons d’une arrogance inouïe, BiBi se fait un grand plaisir de publier des extraits (1) de cet écrivain populaire (il fit nombre de lectures publiques), ennemi de la Vie telle quelle.

Crâne et Chat.

«Le Chat et le Crâne sont en quelque sorte les emblèmes de mes romans, «comme les doubles de ma signature» a dit Claude Bonnefoy. Il y a là dérision d’idées reçues, du bourrage de crâne, par mise en abîme, mise en boite crânienne (la boîte de conserve). Il n’est pas nécessaire pour méditer ou réfléchir [ou… penser bibi J] de se tenir la tête ( la sorbonne en argot). (…) Dans cette comédie de l’ivresse qu’est la vie, le crâne symbolise la «gueule de bois» : tête bien pleine de toutes les idioties dont on l’a remplie, saoule de palabres, de bavardages stériles (…)»

L’écrivain, l’écrivant et le Gratouilleur.

«Le rôle de l’écrivain est lié à sa situation. Il est à la fois la conscience (bonne ou mauvaise) de son temps et l’image du temps à venir, des temps à venir. Naguère, Roland Barthes faisait la distinction entre l’écrivain et l’écrivant. C’était l’alternative : ou bien on scribouillait, on ficelait de «bonnes histoires avec les mots de tous les jours» et des poèmes à la «va-comme j’te-pousse-tout-ce-qui-s’passe-par-la-tête» ou bien on faisait œuvre d’écrivain, on faisait de la littérature. Depuis quelque temps il existe, en plus, une catégorie de gratouilleurs qui jouent sur les deux tableaux et dont une certaine critique, généralement à la traîne, signale qu’ils «tirent intelligemment parti des acquisitions de la recherche romanesque» ! C’est le comble !»

Censure.

«Nous vivons dans un pays qui apprécie particulièrement les morts. On ne parle jamais autant des artistes et des écrivains que lorsqu’ils ont cassé leur pipe. C’est ça l’Actualité littéraire : l’article nécrologique dans Le Monde. On aime bien les morts : ils sont inoffensifs et on peut les mettre à toutes les sauces. Dieu sait ce que l’on peut en faire (voir Artaud à ce sujet). (…) Henry Miller l’a écrit dans son livre sur Rimbaud : «Les gens n’ont pas besoin d’originalité, ils préfèrent les copies conformes, des moutons, encore des moutons».

Le Génie est dans la Cave.

Henry Miller toujours : «La place du génie est dans le ruisseau, en train de creuser des fossés, dans les ruines et les carrières, partout où son talent ne risque pas d’être utilisé. C’est un instable, dit-on, sur quoi on lui claque la porte au nez. Alors, pas de place pour lui ? Mais si ! On lui trouve toujours un coin : à la cave». On en a étouffé beaucoup et ça continue.

Ce n’est pas de la soupe, ça.

«Poser le problème de la situation de l’écrivain, c’est faire le procès d’une civilisation où il semble représenter un danger pour la prétendue élite toujours conservatrice et hostile à tout ce qui pourrait perturber son confort et ébranler son pouvoir. (…) Le moyen le plus facile – le plus bête – sera de traiter d’illisible tel écrivain (…). Il y a des précédents «illisibles» ceux que j’appelle les Sismographes : Villon, Rabelais, Sade, Hugo, Mallarmé, Joyce, Artaud etc. Ce n’est pas de la soupe, ça (…) Tout un pouvoir fait en sorte que personne ne puisse entendre le bruit profond des cataclysmes à venir».

Un travailleur (singulier).

«L’écrivain est certes un travailleur. Mais sa situation – s’il s’agit d’un écrivain et non d’un bafouilleur de rêves à la petite semaine, est la plupart du temps intolérable. Dieu merci, il a quand même des lecteurs et il est heureusement défendu et soutenu par quelques critiques et par d’autres écrivains solidaires (…) Il n’a aucun statut, il ne saurait en avoir sauf dans la société idéale dont il rêve souvent et où il ne serait plus ce marginal à qui on laisse volontiers entendre qu’il «exerce une profession socialement inutile».

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(1). Interview par Patrice Fardeau parue dans France-Nouvelle (Avril 1978).

Paroles déplacées.

Vous relisez. Vous retombez en arrêt devant des phrases ou des paragraphes que vous aviez oubliés. Vous relisez et heureusement, ces phrases, ces paragraphes tiennent dans ce geste ancien et bienvenu de les avoir remarqués en les marquant d’un trait de stylo, d’un sur-lignage fluo. Ils réapparaissent ainsi comme des fantômes vivants.

Hommage vibrant à ceux qui ont su mieux que BiBi écrire ce que BiBi – et tant d’autres – pensent… sans trop le savoir.

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Ce paragraphe d’Yves Prigent :

«J’aime bien le mot de «parole déplacée», parce qu’il a un double

Billet pour lecteurs déjà nés et déjà morts.

Faut-il rajouter un commentaire ? Non, bien entendu. Ce lundi matin, voilà deux relevés typographiques qui feront le bonheur des fidèles de BiBi. Le taulier remerciera le subtil site « La Main de Singe » (un site au poil) pour la découverte de