Category Archives: Livres de lecture & Poésie(s)

Re-visiter les mots des Autres.

Pour quelle raison, très souvent, nous vient cette envie banale mais insistante de prélever dans nos lectures une ou deux   phrases, un ou deux aphorismes?

Pourquoi souligner ou recopier de longs paragraphes au stylo noir ou au feutre rouge dès notre première lecture ?

Pourquoi vouloir les garder, les consigner, les reprendre pour les relire ?

Qu’ils sont beaux les livres de nos Politiques !

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Lautréamont et «les Grandes Têtes molles ».

Il est des refrains, des morceaux de prose, des textes qui ont été des brûlures et qui restent accrochés à votre mémoire comme du chiendent. Par exemple les lectures des œuvres de Lautréamont (Chants du Maldoror et Poésie). Reviennent ses mots, ses prises de position. Autant d’entreprises de démolitions jouissives, sans complexe et sans complaisance : «La poésie est la géométrie par excellence, écrivait-il dans Poésie1, Depuis Racine, la poésie n’a pas progressé d’un millimètre. Elle a reculé. Grâce à qui ? Aux Grandes-Têtes-Molles de notre époque».

Et de citer entre autres Chateaubriand le Mohican, Jean-Jacques Rousseau le Socialiste grincheur, Goethe le Suicidé-pour-pleurer ou encore Lamartine, la Cigogne larmoyante.

L’imposant volume de Bécassine.

Aujourd’hui, autre réminiscence : celle de Bécassine. Chère Bécassine qui s’asseyait sur les auteurs… position volontaire et téméraire avec cette idée de les mettre plus bas que fesse. Chaque Membre du Club de Bécassine se souvient de cette jolie anecdote. Un Universitaire, vieil homme grincheux et envieux, avait rédigé une thèse volumineuse qu’il avait confiée à la BiBliothèque Municipale de Quimper. Un jour, la bibliothécaire vint lui dire la bonne nouvelle : quelqu’un avait emprunté son savant ouvrage ! Le vieux bonhomme, fou de joie, alla s’enquérir de cette lectrice : c’était Bécassine. Bécassine avait choisi le plus gros volume possible de la bibliothèque pour s’asseoir dessus et ainsi, pouvoir se mettre à niveau de sa table de couture. Voilà donc où le produit livresque du vaniteux Universitaire avait pu être ravalé… pratiquement au niveau le plus bas, plus bas que la ceinture, plus bas qu’à l’orée des fesses (nul besoin d’un dessin pour repérer l’endroit).

Reste à dresser la liste des livres empruntés par les Bécassin et les Bécassine des Temps Présents.

Les premiers choix de BiBi.

Dominique de Villepin : «Le soleil noir de la puissance», «La chute ou l’Empire de la solitude: 1807 – 1814» ou encore «Notre vieux pays».

Jean-François Copé : «Un député, ça compte énormément». «J’arrête la langue de bois» (!)

Valérie Giscard d’Estaing. «La Princesse et le Président».

Eric Zemmour. «Mélancolie française».

Éric Besson. «Pour la nation».

François Bayrou. «Abus de Pouvoir». «2012, état d’urgence»

Patrick Balkany. «Une autre vérité, la mienne»

Laurence Parisot. «Un piège bleu Marine»

Alain Juppé. «Je ne mangerai plus de cerises en hiver»

Michèle Cotta. «Cahiers secrets de la Ve république t.4 (1997-2007)»

Claude Allègre. «Peut-on encore sauver l’Europe ?» «Figures De Proue»

Luc Ferry. «Chroniques du temps présent».

Rama Yade. «Plaidoyer pour une instruction publique».

Max Gallo. «De Gaulle, les images d’un destin». Avant-Propos D’Yves Guena.

Ivan Levaï. «Chronique d’une exécution».

Manuel Valls. «Pouvoir»

Pál Sarkozy. «Tant de vie».

Michel Onfray. « La pensée du midi ; archéologie d’une gauche libertaire. Archéologie d’une gauche libertaire».

Roland Dumas et Jacques Vergès. «Sarkozy sous BHL».

Hubert Védrine. «Francois Mitterrand ; un dessein, un destin».

Simone Veil. «Discours de réception de Simone Veil à l’Académie française». Etc, etc.

Bécassine, c’est ma voisine !

Qu’il est bon ainsi d’avoir les fesses si bien calées ! Rien n’interdit donc à l’ami(e) internaute de poursuivre l’inventaire de Bécassine en recensant les grands Livres de la Littérature française contemporaine (du Journal de Didier Goux aux Opus de Jean d’Ormesson), les CD de la Grande Chanson française (partir de Vincent D. et aller jusqu’à… tutti quanti), sans oublier les DVD du Cinéma français (de Danièle Thompson à Christian Clavier).

Lectures et bonne bouffe.

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«Les Miscellanées culinaires de Monsieur Schott» (Editions Schott) est à dévorer sans retenue. En plat de résistance comme en dessert, il n’y a rien à jeter. Voila de jolies et courtes incises qui tranchent dans le lard, qui servent de la si bonne soupe qu’on s’arrête à chaque délicieuse cuillerée. Paragraphes en dix, trente, quarante lignes qui touchent à l’Art culinaire, à la Cuisine chinoise, au Lapin gallois, à l’Alimentation texane, à la Madeleine de Proust, bref à toute l’Histoire gustative. Et tout ça est cuisiné dans un joyeux bordel.

Présentons quelques plats du menu  : là, on énumère le nom et la capacité des verres à bières en Australie; ici, on s’arrête sur les propositions de Jonathan Swift (manger les enfants pour combattre la faim); ailleurs, on recense les fleurs comestibles etc. BiBi n’en retiendra que deux. A mastiquer lentement ce passage par exemple de Thomas Walker écrit en 1835 sur la Pensée et les Dîners en solitaire :

DÎNER SEUL : «Les dîners solitaires devraient être évités autant qu’il est possible ; la solitude tend à stimuler la pensée, et la pensée à enrayer les facultés digestives. Quand, malgré tout, on ne peut éviter de manger seul, il faut disposer son esprit à la gaieté en lui ménageant un intervalle de relaxation après les pensées sérieuses qui ont retenu son attention, et en l’appliquant à quelque objet agréable».

Puis, ô surprise, quelques pages plus loin, on tombe sur autre chose. Voilà qu’on apprend d’où vient le mot «SPAM» (cela intéressera les Internautes gloutons) :

SPAM : «Spam (contraction de Spiced Ham, jambon épicé) est une marque de pâté en conserve déposée en 1937. Les Monty Python en ont parodié la publicité indigeste dans un sketch où le menu d’un restaurant, puis les propos qui s’y sont échangés, se réduisent peu à peu au seul mot spam – d’où le choix du terme pour désigner les courriers électroniques envahissants (ou pourriels)».

La Cuisine de Monsieur Schott est un big bazar, un joyeux foutoir et chacun pourra y trouver son conte. Un petit livre qui s’avale en quatrième vitesse. Garanti sans indigestion.

Une redécouverte.

Feuilletant un des numéros de la revue La Polygraphe (N°7/8 de 1999), BiBi redécouvrit quelques poèmes magnifiques, prose amicale tirée d’une œuvre «excessivement humaine», celle de José Pierre, poète, romancier, dramaturge, qui travailla avec André Breton pour la préparation d’expositions sur le Surréalisme. Et c’est un BiBi affamé (mais qui n’en laisse rien paraître) qui mettra ce petit bijou (L’Auberge Espagnole) sur la table afin que tous le partagent :

A la fenêtre d’une auberge,

du côté de Logrono

on pouvait lire ces mots :

Aqui se pueden traer

su comido y sus canciones

Ici l’on peut apporter

Son repas et ses chansons

«Eux sur la photo» d’Hélène Gestern.

Le livre (Editions Arléa) démarre sur une photographie de trois silhouettes (deux hommes, une femme), photographie découverte par l’héroïne, Hélène Hivert. Celle-ci y reconnait sa «mère» et va chercher à savoir – via une petite annonce dans Libération – qui sont les deux hommes qui l’accompagnent. Stéphane, résident suisse, lui répond. S’ensuit un échange de lettres et de mails. Le livre avance par moments successifs de bascule. Lettre après lettre, Hélène va (re)découvrir le tragique de la vie en traversant les zones sombres, inconnues de son histoire. Ce chemin douloureux est celui que suivent les «enfants qui oublient leur naissance» ou qui la mettent «derrière leur mémoire».

Le «procédé» épistolaire est parfois rompu par la description d’autres photos de famille et par la transcription de journaux intimes reproduits in-extenso. Ces ruptures de rythmes font hélas perdre un peu d’acuité au livre d’Hélène Gestern. Le rapport amoureux entre Hélène et Stéphane par exemple est à peine esquissé au profit de la recherche de la Vérité. Mais l’architecture du livre qui repose sur le secret de famille et la photographie (un hobby-BiBi) rend ce premier roman prometteur.

Trois ponctuations dominicales.

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L’Amitié malgré tout.

Deux hommes, deux amis. L’un se plaint à l’autre :
– J’ai de gros soucis. J’ai perdu mon boulot.
– Bah ! ça aurait pu être pire !
– Mon médecin a découvert aussi que j’avais un cancer…
– Oh mais ça aurait pu être pire !
– Ma femme m’a quittée et mes enfants ne veulent plus me voir…
– D’accord, d’accord mais ça aurait pu être…
– Écoute, ça suffit ! Pourquoi répètes-tu tout le temps que «ça aurait pu être pire…». Qu’est-ce qui pourrait être pire ?
– Ben, ce qui aurait pu être pire, c’est que tout ça arrive… à moi !

*
Un Prisonnier en toute liberté.

« A la fin de sa vie, Rothko [peintre américain] a décoré une chapelle non confessionnelle. Je suis allé la voir. Je suis resté longtemps à l’intérieur car je voulais voir la façon dont le soir y venait. C’est éclairé par le sommet ; pendant la journée le soleil peut donner à plein, apporter une grande touche de lumière, puis le soir tout s’assombrit ; je voulais savoir ce qui pouvait en quelque sorte suinter de ces peintures. Je suis donc resté dans ce lieu environ deux heures.

Il y avait là un gardien, un noir américain, et ce devait être une des premières fois que quelqu’un restait si longtemps ainsi à l’intérieur de cet endroit. Tout à fait à la tombée de la nuit, juste avant la fermeture, il est venu me trouver et m’a dit : «Eh bien, Monsieur, est-ce que cette peinture vous intéresse ? – Oui, bien sûr. – Et qu’est-ce que vous dit cette peinture ?» J’ai essayé en quelques mots de lui expliquer ce que je vous dis là; il m’a répondu : «Je suis un ancien policier ; j’ai tué un homme et je n’ai jamais pu surmonter cette épreuve. A partir du moment où j’ai tué cet homme, je suis devenu un mauvais policier, alors on a essayé de m’utiliser d’une façon ou d’une autre. Ainsi je suis devenu gardien de cette espèce de chapelle. Depuis que je suis là, j’ai trouvé la paix et c’est le seul endroit où je peux passer la journée».
J’ai trouvé cela extraordinaire, et je me dis que le pauvre Rothko qui s’est suicidé peu après – ce qui montre bien la profondeur des problèmes qu’il essayait de résoudre – a pourtant gagné complètement. C’est une réponse prodigieuse à tout ce qu’il a fait, à tout ce qu’il a tenté de faire ». (Michel Butor. Entretien. Cahors 12 mars 1984).

Dans une autre vie, BiBi écrira du théâtre, des scenarii. Il n’aura pas besoin de chercher ailleurs le début de la pièce (du film).

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Aphorisme dominical.

BiBi ne sait plus où il a cueilli cet aphorisme mais il l’a adopté :
«Lorsque tu sens le danger, plaisante»

« Ecrire, c’est détruire les barrières » (Michel Butor)

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Le Monde est plein de surprises. Il n’ y a pas si longtemps, BiBi s’était souvenu de quelques passages d’un entretien de Madeleine Santschi avec l’écrivain Michel Butor. Et voici qu’au hasard du deuxième Salon du Livre d’artistes et de la Création éditoriale qui se tient ce week end à Lucinges (Haute-Savoie), BiBi vint écouter l’écrivain pour une table ronde sur ses «Livres de Dialogue».

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Les livres de dialogue de Michel Butor sont des ouvrages imprimés luxueusement (ou faits à la main). Ouvrages tirés en peu d’exemplaires, livres co-réalisés avec ses amis photographes, peintres, sculpteurs qui lui ont donné cet oxygène nécessaire au bonheur de son écriture.
Michel Butor a écrit une œuvre multiforme dans laquelle tout se mêle si étroitement que rien ne peut en être séparé. En 2002, il disait : «Travailler avec les peintres a été et reste un bain de jouvence. Je me sens un vieux romancier [Butor a eu 85 ans le 14 septembre] du siècle passé mais un jeune poète tout prêt à entrer dans le siècle nouveau».

Après le film «Sur le Vif/Rencontre avec Michel Butor» eut lieu la table ronde (voir Clip). Dans leur travail à deux, Bertrand Dorny insistera sur cette essentielle confiance à être, à échanger avec Butor. «Et si vous avez un doute – comme tout artiste qui crée – Michel vous sécurise». L’éditeur Emès Manuel de Matos parlera plus d’une «collaboration d’Amour» rajoutant malicieusement qu’il se pourrait bien qu’ «aimer l’Autre soit aussi de le dévorer»

Michel Butor rajoutera : «Je suis très respectueux de ce que font mes amis. Je fais ce que je peux pour les suivre. Il faut qu’il y ait une confiance extraordinaire pour qu’ils me permettent d’écrire sur leur peinture».

Sur le dialogue (inséparable d’une profonde Connivence), Michel Butor dit encore : «Je me pose toujours la question : pourquoi a-t-il fait ça ? Comment a-t-il fait ça ? Et j’ai souvent le trac lorsque je dois écrire sur la peinture même car je risque de tout foutre en l’air. Il faut faire attention car j’ai l’impression d’avoir leur regard qui me surplombe». «Je fais toujours des brouillons pour mes textes, des brouillons qui sont quelquefois très raturés, très repris puis ensuite j’essaye le texte dans un premier exemplaire».

Avec émotion, il évoquera «ces scribes du Moyen-Âge qui copiaient avec une telle régularité dont le travail et la virtuosité étaient extraordinaires».

Sur la photographie, il dira encore : «Il est possible que mes écrits aident le photographe qui n’a pas forcément vu ce qu’il voyait».

Et Emès de Matos de finir en voyant en Michel Butor un artiste «très vert», «disponible pour la provocation».