Category Archives: BiBi en voyages

Points de vue, Images du Monde.

 

Point de vue, Images du Monde

Le Monde tourne à vitesse ralentie ou il peut s’emballer très vite. Pied au plancher, à la vitesse d’un escargot (c’est selon), BiBi est allé chercher des choses insolites tout autour du Globe.

L’incroyable destin d’Emile Fradin.

GLOZEL BIBI

La vie d’Emile Fradin bascula le premier mars 1924 à proximité du hameau de Glozel. Ce jour-là, le grand-père Fradin et son petit-fils Emile, alors âgé de 17 ans, labouraient le champ Duranthon à Ferrières-sur-Sichon dans l’Allier lorsque la vache Florence s’enfonce brusquement et profondément dans le sol. Après avoir dégagé le bovin, ils découvrent des choses intrigantes au fond du trou. En creusant un peu plus, ils mettent à jour deux vases intacts et des ossements. Les semaines suivantes, avec le Docteur Marlet archéologue à Vichy, Emile Fradin découvre des galets, des briques, des vases et des tablettes aux signes inconnus (photo). En moins de deux ans, 3000 objets sont extraits du «Champ des Morts» et seront ensuite exposés au petit Musée de Glozel.
La vie d’Emile Fradin va alors prendre un tour que lui-même n’aurait jamais imaginée. A Vichy puis dans la France entière se répand l’idée qu’on a découvert un trésor dans cette région. Cette découverte ne va pas être acceptée de tous. La France de la Préhistoire va alors se diviser en Glozéliens et Anti-Glozéliens. Emile Fradin est accusé d’avoir fabriqué lui-même les objets, de les avoir enfouis à plus de deux mètres sous terre. Il est traité de faussaire, de fou, de profiteur. La Police perquisitionne chez lui et emporte tous les objets. Emile Fradin va connaître de très nombreux procès en série où parfois il gagne, où parfois il perd. La suspicion s’est installée. L’affaire sent mauvais et on l’abandonne d’autant plus qu’on peine à insérer Glozel dans des structures préhistoriques connues.

 
Il faudra attendre 1976 pour que les procédés de Thermoluminescence et le Carbone 14 donnent raison à Emile Fradin. Les objets datent de plus de 17000 ans avant JC. Emile Fradin a gagné «LaGuerre des Briques». Aujourd’hui, il est interdit de fouiller à Glozel sans autorisation. Un gisement de cette importance demanderait des budgets trop importants. Personne n’a réussi jusqu’à présent à percer le Mystère Glozel.
Emile Fradin, lui, vient de souffler gaillardement ses 103 bougies. Il a passé près d’un siècle à tenter de convaincre qu’il n’a jamais été un faussaire. En ouvrant le Petit Robert 2 (Edition de 91), on y reconnaît «l’authenticité aujourd’hui incontestée des pièces préhistoriques».

Vichy : Hôtel du Parc, troisième étage.

VICHY

 

Les habitants de Vichy en ont assez que l’on confonde Vichystes et Vichyssois. Aussi la Mairie de la Capitale de l’Etat français entre 40 et 44 a décidé de mettre en place tous les mercredis une randonnée pédestre avec guide pour expliquer comment et pourquoi Vichy avait été choisi par les Maréchalistes. Une leçon d’histoire bienvenue.
La ville avait été choisie principalement à cause de ses capacités hôtelières exceptionnelles et de son Central téléphonique performant. En outre, Paris était à 4h30 par train, ce qui permettait les escapades d’Otto Abetz en Pays vichyssois. La ville comptait 35000 habitants et 300 palaces environ en 1940. Le Carlton avait déjà vu défiler le Shah d’Iran, le Glaoui de Marrakech et autres célébrités. Mais c’est l’Hôtel du Parc (depuis transformé en appartements), le plus grand des Palaces, qui reçut les hautes Autorités dont le Maréchal Pétain. Au rez-de-chaussée, on trouvait tout un parterre de boutiques chic (Restaurant Chantecler, Van Cleef et Arpel, Barclays, Christofle et… Louis Vuitton).

Le Maréchal occupait 3 chambres et un bureau (le 124) et avait son médecin particulier à proximité. Sa femme logeait tout à côté à l’Hôtel Majestic. Rappelons que la présence allemande jusqu’en fin 42 fut rare dans la ville. Il n’y avait pas de Kommandantur : les français zélés présents faisaient excellemment le travail. On voyait déambuler dans cette rue du Parc (anciennement baptisée Rue du Maréchal) les Xavier Vallat, les Darquier de Pellepoix, antisémites notoires, habitués de l’Hôtel Algéria tout proche ( on mettait la TSF à fond pour couvrir les tortures), Pierre Laval en chemise blanche, Philippe Henriot, la Voix de la Collaboration, Joseph Darnand qui organisa la Milice, la comédienne Danielle Darrieux et autres célébrités. Le dimanche, le Maréchal, très applaudi par les enfants, traversait le Parc pour se rendre à 11 heures à la messe dominicale. L’atmosphère était à la bondieuserie. Les partouzes se passaient hors la ville dans les petits châteaux des environs.

C’est dans ce funeste quartier du Parc thermal que siégeaient les fonctionnaires du Commissariat aux Questions Juives et à l’Aryanisation. En septembre 1940 en sortirent les Lois anti-juives. Ce fut encore là que fut décidée la rafle du 26 août 1942 qui vit 6500 juifs étrangers être arrêtés. Une stèle récemment posée nous rappelle cette ignominie. L’Hôtel de la Paix, lui, accueillait le Ministère de l’Information et de la Propagande.
Cette visite guidée nous emmène aussi au Grand Casino de 1500 places. Dans cette salle fut proclamée la fin de la Troisième République le 10 juillet 1940. Sur 666 parlementaires, 569 votèrent les pleins pouvoirs à Pétain. Il y eut 17 abstentions et 80 refus honorés par une stèle (dont Léon Blum et Marx Dormoy). Les absents (Daladier, Mendès-France, Mandel, Jean Zay fusillé dans les bois) avaient rejoint Casablanca par le bateau Massilia.
Un petit mot encore sur François Mitterrand qui s’y entendait pour boucher les trous de l’Ombre de son histoire. Il reçut à Vichy la Francisque (distinction maréchaliste). Lors de ses voyages de Président à Vichy pour y voir ses amis (Guy Ligier, Charasse etc), il évita soigneusement d’être pris en photo devant les bâtiments où il travailla pendant 16 mois. Il ne voulut probablement voir Vichy ni en peinture, ni en photos.

Asphalt Jungle : Guy Pellaert, Tarzan et Jane.

peellaert-et-rondo.jpg

BiBi a préféré les  salles fraîches du Musée Maillol aux rives ensoleillées de Paris-Plage. Rue de Grenelle déserte, terrasse de café sous un soleil de plomb et là, tout à côté, le théâtre du Vieux-Colombier où Antonin Artaud fit sa célèbre Conférence devant un Tout-Paris médusé.

BiBi est venu voir les œuvres exposées de Guy Peellaert au second étage. BiBi avait beaucoup apprécié les planches du touche-à-tout belge dans les vieux numéros de Rock&Folk. Il retrouve là l’originalité et la singularité de Guy Pellaert, décédé il y a peu. La planche se situe dans un entre-deux : entre la photographie et le dessin, entre l’encre et le grain argentique. Les 30 planches de l’album «Rock Dreams» paru en 1973 avaient touché à vif BiBi et ses amis, fans de Rock and Roll première et seconde génération. Les oeuvres sont exposées dans une double salle avec des mesures de Rock en fond sonore.

Un tableau touchant : Ray Davies, leader des Kinks, pousse un landau dans la banlieue ouvrière de Londres. Est-ce Chrissie Hynde à ses côtés ? Dylan (il y avait mieux à faire), Ray Charles ( magnifique, à la façon du Belmondo de Godard en voiture), Cochran qui mate trois jolies filles dans la rue, Paul Anka, Chuck Berry chez le barbier. Les Stones à l’entrée, propriété de Jean-Bernard Hebey et les Beatles façon Strawberry Fields for ever complètent l’expo. Toutes les planches exposent les Stars dans un embryon de fiction. A chaque visiteur de poursuivre l’histoire esquissée. Et ces visiteurs sont potentiellement nombreux car, rappelons qu’entre 60 et 75, il était très difficile d’«échapper» aux mythes musicaux américains.

Au premier étage, BiBi esquissera de petits sourires aux dessins et aux tableaux de George Condo. Le programme de l’entrée dit que les œuvres de ce peintre américain sont autant de «gifles au Consensuel». BiBi pense que le cynisme, le j’men foutisme, l’apolitisme des créateurs d’aujourd’hui s’accommodent parfaitement de l’humour-dérision, façon «Trois Nickelés» de Condo. Cela mérite t-il pour autant deux étages ?

Tarzan et Jane

Pour assouvir sa fringale, BiBi sauta dans le métro, direction Musée du Quai Branly pour l’expo (décevante) sur Tarzan. Seul intérêt, l’épisode retracé de la Censure d’une Jane dénudée. La Revue française «Tarzan» publia les dessins de Rex Maxon en 1947 mais elle tomba bien vite sous le coup de la loi de 1949 qui réprima tout écart. Dans les Commissions de contrôle d’alors, il y eut unanimité : les Catholiques aidés des Communistes arrivèrent à leurs fins. On rhabilla Jane puis on fit interdire la revue. Tarzan, lui, n’eut pas les mêmes problèmes de censure puisqu’il n’ôta jamais son slip-panthère…
L’expo délivre très peu de renseignements sur le créateur de la créature, Edgar Burroughs, presque rien sur la vie et la mort de Johnny Weissmuller. A tout prendre, pour vous éviter une entrée à huit euros cinquante, la gratuité vous attend dans les deux articles de BiBi :

De Charleville au Jardin du Luxembourg.

De Charleville au Jardin du Luxembourg.

Paris, mardi 4 août, Jardin du Luxembourg.

De retour du local de l’hebdo «Vendredi» où tous sont en vacances aoûtiennes, BiBi a passé son après-midi à lire le Libération du jour et à fureter dans les boxes des livres d’occasion, boulevard Saint-Michel. Il a trouvé et acheté pour un euro «Ego Surf», journal de l’an 2000 d’Arnaud Viviant.

Au Jardin du Luxembourg, BiBi a tiré une chaise à l’ombre d’un cyprès nain, tout près du grand bassin. A la page «Rebonds»du quotidien, il a suivi l’indignation d’Emmanuel Terray, rédacteur de l’article : «Enfants internés : la honte». Eric Besson, copie conforme de Brice Hortefeux, amplifie sa politique d’internement des enfants en Centre de rétention à Metz et ailleurs. BiBi ne connaît ni la famille albanaise Isufi résidant à Charleville, ni les trois enfants Tatli de Lure, arrêtés à leur domicile.

BiBi relève la tête, regard perdu sur la façade du Sénat éclairé par un chaud soleil. Les paroles feutrées des badauds contiennent à grand-peine sa colère. Autour du grand bassin, un môme court à droite, fait demi-tour, repart une nouvelle fois en sens inverse. Armé d’un bâton au bout ferré, il tente de diriger le bateau en modèle réduit que Papa et Maman lui ont loué pour un petit quart d’heure. Toutes joies que ne connaîtront ni Zandale, ni Godge, ni Guriezm.

Replongé dans le livre d’Arnaud Viviant, BiBi regrette dès les premières pages son euro pas symbolique du tout. Les photos noir et blanc sauvent la mise. BiBi imaginerait bien la sienne : des enfants à Charleville et Metz se taisent, à l’ombre. Noir. D’autres, à Paris Sixième, pépient au soleil. Blanc.