Octobre 1970 : petit minot, j’avais suivi les grands potes qui m’avaient emmené jusqu’au Palais des Sports de Lyon pour voir les Rolling Stones. Premier concert auquel j’assistais avec ces Stones où avait disparu Brian Jones mais qui avait vu l’arrivée de Mick Taylor. Les Stones jouèrent leur album «Get Yer’s Ya Ya’s Out» avec le formidable «Midnight Rambler». C’est toujours cette période stonienne que je considère comme la meilleure.
Merci à Vincent Breton qui, sur le mur de son FaceBook, a traduit cet article du Washington Post qui narre cette expérience vécue à Washington avec un dénommé Joshua Bell, violoniste. Episode à méditer, expérience qui interroge nos points de surdités, nos empêchements à jouir de la Beauté du Monde, qui pose aussi notre rapport social à la Culture. En écho, ce mot de Rimbaud qui, à l’inverse, écrivait : «Je sais aujourd’hui saluer la Beauté».(Une Saison en Enfer).
Tout le monde ne connaît pas Van Morrison. On connaît beaucoup plus son homonyme Jim Morrison des Doors. L’irlandais de Belfast a bourlingué sur tous les continents, lancé dans la « carrière » par la grande chanson (« Gloria ») qu’il écrivit à Belfast. Van Morrison, 20 ans, ouvrit un petit club (Le R&B Club) à Belfast et forma les Them. Repéré par Bert Berns, le groupe eut une ascension fulgurante dans les charts britanniques avec «BaBy, Please don’t go», «Here Commes the Night» et le célébrissime «Gloria».
Cette dernière chanson devint un classique qui fut repris par les plus grands (les Doors, Jimi Hendrix, Patti Smith et tant d’autres). Dans l’extrait présenté, Van Morrison nous offre un G-L-O-R-I-A juteux à souhaitavec John Lee Hooker.
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En 1966, les Them firent alors une tournée sur la West Coast où ils donnèrent des concerts avec un groupe inconnu alors : les Doors. On rapporte même qu’au concours de beuverie entre Jim Morrison, Eric Burdon (leader des Animals) et lui, c’est Van qui restait debout le dernier. Sous contrat avec Bill Graham, Van Morrison et les Them se produisirent entre autres au Fillmore East Auditorium de San Francisco, temple de la musique de ces années.
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Le « MoonDance » fut le morceau de l’année 68 et resta dans les Charts (Hit-parade) jusqu’en aout 1970. Dans cette chanson, la voix de Van Morrison a gardé ce timbre rocailleux, imparfait et souple à la fois qui a toujours emporté l’adhésion-BiBi.
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L’aura du groupe déclina alors. Van Morrison débuta une carrière en solo, délaissa les hits et mit sa voix au service d’une musique plus noire, plus R&B. BiBi le vit seul à Newcastle en 1973 puis plus tard au Festival de Lucques en Italie, toujours au sommet de sa forme.
Un des albums préférés de BiBi restera toujours le «Saint Dominic’s Preview» avec ces deux fabuleux morceaux que sont les lancinants et troublants «Almost Independence Day» et (surtout) «Listen To the Lion» (présenté ici dans sa version live). Avec Shane MacGowan (les Pogues), Rory Gallagher et Van Morrison, l’Irlande restera toujours au Top.
Il y a très longtemps, BiBi était en visite estivale à Uzès (en 1990 ?). La ville avait organisé une manade dominicale et un Festival de musiques populaires une semaine durant. A tous les coins et sur toutes les places, on pouvait écouter chants et musiques du Monde.
Sous les platanes, avait été dressée une scène avec un beau piano de concert. Il était 17 heures et le plateau était occupé par les roadies qui tiraient fils, câbles et plantaient le décor pour le concert gratuit de la soirée. Sur les planches, il y avait un petit bonhomme qui vint s’asseoir sur un siège, face à son clavier. Ses pieds ne touchaient pas le sol. BiBi ne connaissait pas encore le nom de Michel Petrucciani.
Un enfant – de ceux dont on dit qu’ils sont des «cas sociaux» – accompagnait BiBi. Le jeune garçon de 11 ans avait des problèmes de croissance, petit qu’il était pour son âge. Une radiographie de la main l’avait confirmée. Le mois précédent, BiBi l’avait accompagné à la visite du spécialiste et, depuis, l’enfant s’interrogeait sur son devenir.
Accoudé au bord de la scène, il suivait le jazzman avec des yeux grand-ouverts, admiratifs et fascinés. Lorsqu’il entendit le pianiste faire ses gammes, l’enfant fut saisi, réalisant qu’il y avait tout un Monde inconnu de lui jusqu’alors, un Monde qui existait pourtant, un Monde qui restait possible de connaître et d’apprivoiser.
Nous connaissons tous ces Instants de bascule et d’éternité.
C’est en lisant la belle chronique d’Etienne Liebig sur Michel Petrucciani dans la revue du Lien social (1er septembre) que revint à BiBi ce souvenir brûlant.
«En jazz, écrivait le chroniqueur, on se moque de la taille, de la couleur, de l’âge du musicien, on écoute juste ce qu’il sort de son biniou et à ce jeu-là, Michel est le meilleur ».
Que rajouter ? Peut-être cette chose-ci : sur nos chemins de vie, suivons ce «conseil» de Vincent Van Gogh, pourtant dur de la feuille, à son frère Théo. Dans une de ses lettres, il exhortait ainsi son frère Théo :
«Tâchons de vivre musicalement»
C’est à l’invitation du Blog Ruminances que BiBi livre ses trois rêveries musicales estivales. A l’initiative bienvenue en cette période de Juan de SarkoFrance, il y aurait obligation de choisir des «chansons à contre-courant». Bizarre formule. Les chansons à contre-courant n’existent pas. Seules valent le coup les chansons qui vous emportent avec ou contre le courant. Des chansons si décisives qu’elles nous débordent et submergent les rives droites comme les rives gauches.