Tous les soirs à la même place.

L’initiative est belle. Elle nous vient de deux blogs, celui du Blog à 1000mains et celui de Gabrielle. Il s’agit d’écrire un petit texte à partir d’une photographie (prise ici par Gabrielle). Pour ce septième Jeu d’Ecriture, BiBi y est allé – une fois encore – de sa bafouille : « Tous les soirs à la même place« . (Cliquez 1X sur la photo).

TOUS LES SOIRS A LA MÊME PLACE.

« Tous les soirs, je venais m’asseoir à la même place. Face à moi, il y avait des photographies, principalement des portraits dans des cadres neutres. Par exemple, ce visage souriant d’un jeune noir à la coiffure excentrique et plusieurs clichés-couleur de femmes aux poses suggestives. Au début, je n’y avais pas prêté attention mais il fallut me rendre à l’évidence : ma présence dans ce bistrot était devenue de plus en plus régulière. Frappé par ce constat, je me mis à chercher les raisons de cette accoutumance.

Même heure, même table. Toujours aussi ce même angle de vision. Et je dus m’avouer que tout ce qui me retenait tenait à cette femme. Mon regard venait invariablement se poser sur elle. Elle portait de larges lunettes façon Carnaby Street, m’offrait ses lèvres boudeuses et ses boucles blondes. Un carré de chemisier rouge couvrait à peine une épaule dénudée. Je notais aussi cette bague et cette cigarette fine distraitement tenue entre son index et son majeur.

Au treizième soir qui suivit ma découverte, tout bascula. Regard éperdument posé sur ce visage, je me mis à battre des paupières comme battent les photogrammes d’un film qui défileraient dans le faisceau lumineux d’un projecteur. Et c’est dans le flou que je vis arriver la serveuse habituelle du bar.

Elle se pencha sur moi :

– Monsieur ? Monsieur ? Quelque chose qui ne va pas ?

Lèvres serrées, tête embrumée, j’eus à peine le temps de balbutier :

– C’est… c’est à cause de cette femme ! (Je tendis le doigt en tremblotant). Là-bas…

Je désignais la jeune femme blonde qui me regardait à travers ses lunettes aux verres teintés mais vertige grandissant, mon bras alourdi renversa mon verre. J’eus l’ultime perception d’un grand fracas avec la sensation évanescente que mon corps chutait lourdement à terre en entraînant la table avec lui.

*

Lorsque j’ouvris les yeux, je découvris les murs blancs d’une petite chambre. Dans le coin, il y avait un petit lavabo et la seule fenêtre donnait sur un Parc. L’homme se présenta comme Docteur et responsable du lieu.

– Vous allez guérir, j’en suis persuadé. Nous allons batailler ensemble contre vos hallucinations visuelles et vous sortirez bien vite d’ici. (Il se retourna alors, cria  deux fois «Eva ! » avant de revenir vers mon lit). L’infirmière en chef va bien s’occuper de vous !

Le Docteur laissa alors sa place à une jeune femme aux cheveux bouclés.

– Oh ! Mais vous êtes encore fiévreux, dit-elle en posant sa paume sur mon front.

J’avais aussitôt reconnu ses lunettes larges et son chemisier rouge.

– Ainsi vous… vous m’êtes revenue, articulai-je difficilement.

Sa chevelure blonde frôla mon visage.

– Vous verrez, Monsieur, rajouta t-elle de sa voix douce qui m’enchanta, vous allez être très, très bien ici ».

*

Si d’aucun(e)s veulent lire mes précédents textes : 

2 Responses to Tous les soirs à la même place.

  1. Momo dit :

    Joli!
    Du coup, je me dis que si ma oncologue pouvait m’inspirer une photo d’art ça me ferait du bien. Je vais essayer, tiens.

  2. On aimerait connaître, en plus du texte à l’ambiance fantasque, l’adresse du lieu !

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