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Un livre puis un autre : qu’on ne se trompe pas, on ne lit pas pour engloutir, pour accumuler mais pour croiser enfin un(e) auteur(e) dont on attend tout. A chaque première page ouverte, on attend que le livre nous dise le pourquoi, le comment, qu’il nous lève le voile, qu’il soulève les jupes, qu’il découvre tous les trésors, qu’il nous embarque au loin et au plus près, dans la jungle et le désert, dans les lieux-dits et les mégalopoles, à Shangaï ou à Brasilia. Aventure conjointe. Singulière et conjointe.
Amour et passion qu’on n’enseignerait pas ? (Louis Calaferte)
Un livre puis un autre : surtout pas pour comprendre quelque chose de soi. Plutôt pour comprendre comment notre for intérieur reste si remuant, demeure si intensément peuplé. De voyous. De malotrus. De femmes. D’enfants. De paroles. D’obscénités. De milliers d’autres choses (avouables à demi-mots), de silences, de sentiments, de sensations à la minute, de changements à la seconde. De tout, de tous et toutes. Attendre d’un livre qu’il nous donne tout. Qu’il nous dise enfin quelque chose de ce foutoir, de ce grand Désordre, de ce capharnaüm, de cette orgie qui règne dans notre intimité, dans nos fibres, dans notre souffle au cœur, dans nos fièvres et nos allergies. Que le livre nous dise pourquoi et comment ça se passe, comment ça tourne, comment ça va, ça vient, ça revient ? Pourquoi et comment cette rage basique ? Pourquoi ces poings qui ne décolèrent pas au fonds des poches, pourquoi nos mâchoires si dures, si fermées ? Et pourquoi, si souvent en ce mois de janvier, cet air si triste.
Une réponse. (Annie Ernaux).
Peut-être parce que, c’est vrai, on n’aime pas ces façons de penser le Monde qui sont venues s’installer d’autorité en nous, on rejette ces pensées façon Unique qui se logent dans le moindre de nos gestes, dans le moindre de nos recoins et qu’il nous faut des efforts désespérés et continus pour se faire un peu de place, pour être enfin à notre solitude.
Alors on se prête à rêver une autre vie, une vie où l’on arriverait dans un Nouveau Monde avec Capital économique et Capital culturel bien fournis. Là, on recommencerait tout, on saurait lire dès la première heure, on pourrait ouvrir les livres de la bibliothèque paternelle et maternelle, on fréquenterait très tôt les grandes œuvres pour enfants, on lirait Stevenson, Dickens, Emily Brönte, Jane Eyre puis on passerait – bien «naturellement» aux Grandes Découvertes des quinze ans, on connaîtrait Cervantès, Shakespeare, Flaubert, Proust et Beckett n’est-ce pas ? Et ainsi de suite jusqu’à se mettre à écrire et à être consacré comme écrivain, vingt ans à peine.
Mais pour écrire ce rêve, pour rendre vraisemblable cette autre vie, pour écrire tout ça, ça ne pourrait pas. C’est que revient l’étrangeté de ne pas être né sous la bonne étoile, revient la honte de ne pas être à la hauteur. On se dit alors, que peut-être, la cinquantaine arrivant, on pourra certainement faire ce petit livre qui donnera tout, qui dira tout, qui sera le chef d’oeuvre de toute une vie. On se dit qu’on pourra alors dépasser l’infamante culpabilité d’être mal né, d’être né à côté, dans ce Monde de peu de lecture, de peu d’écriture.
Oui, on pourrait écrire enfin comme un menuisier. (Louis Calaferte)
Et on comprendra que (presque) tous les Littérateurs new-look sont des fieffés gredins, eux qui ne cessent, n’ont cessé de nous bassiner avec leur souffrance d’écrire.
C’est aussi pour ça, j’ai aimé lire cette semaine Annie Ernaux et Louis Calaferte et que j’ai tenu à vous les faire partager.
Très beau textes sur deux auteurs magistraux. Merci.
@nosconsolations
Pour Annie Ernaux, il n’ y a pas de problèmes, elle a trouvé lectrices et lecteurs.
Pour Louis Calaferte, hélas disparu, son audience reste inexplicablement confidentielle. Son livre « C’est la Guerre » mériterait d’être le premier des livres à lire sur la Seconde guerre mondiale dans notre pays.
J’en parlais dans un récent billet ici : http://bit.ly/1qtY39c
Bien à vous, chère lectrice.
Fred Deux est un autre grand écrivain, au lectorat confidentiel… Leurs origines, peut-être ? L’exigence de leurs textes ?
Bien à vous,
Ah oui, je ne suis pas lectrice, mais lecteur…
@nosconsolations
Je dois vous avouer ma totale ignorance de cet écrivain (et dessinateur).
J’irais voir. J’irais lire, cher lecteur. 🙂