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Lorsque j’ai vu cette première photo du Net atterrir sur mon écran (Photo 1), j’ai cru voir un Ouistiti. Ou une petite guenon. Probablement renversée par un de ces gros camions qui traversent les forêts africaines à la recherche de bois rouge, me suis-je dit. Souvent, là-bas, les singes, encore tout jeunes, traversaient les pistes sans regarder et se faisaient shooter.
Mais pourquoi diable prendre les mesures anthropométriques d’un tel animal, pourquoi en prendre tellement soin et le photographier comme s’il s’agissait d’une espèce rare, venue d’ailleurs ? Et que cache ce drap blanc ? Un corps hideux ? Un corps morcelé ? Une putréfaction avancée ?
J’étais encore jeune enfant lorsque je vis ma mère revenir de l’incinération de sa propre mère. Devant mon insistance à en parler, elle m’avait raconté l’avant : le corps de ma grand-mère promis aux cendres, sa beauté qui avait déjà disparu, ses traits si accentués qu’on ne reconnaissait plus rien. « Un Ouistiti, on… on aurait dit un… ouistitiii ! » avait balbutié ma mère, prise d’un interminable rire nerveux.
Je la connaissais, ma grand-mère. Vivante, elle n’était pas du tout comme sur cette photo. Ce Ouistiti là, avec ses cheveux tirés à l’arrière, gominés, tranquillement allongée et tout ça, non ça ne pouvait pas ressembler à grand-mère.
Les années ont passé.
Ma mère, elle, est morte depuis longtemps, assassinée dans son lit.
Avec Papa, ils se sont pourtant aimés. Aimés. Aimés. Un crime passionnel. Oui, on peut tuer par amour mais on peut aussi se tuer par amour. Tout peut arriver dans notre vie. Un jour, en allant à l’école, j’ai vu les pompiers barrer la voie de chemin de fer. Le couple s’était allongé en travers des rails et la Mort les avait coupés en deux. Mais ce n’était pas des ouistitis. C’était des humains, comme vous, comme moi, comme ma mère à la morgue surgissant d’un long tiroir métallique, enveloppée dans un drap rosé.
J’étais plongé dans ces noires pensées lorsqu’une seconde photo (photo 2) a atterri sur mon écran d’ordinateur, une belle photographie qui annonçait qu’on venait de fêter le 51 ème anniversaire de la jeune femme. Le 5 août précisément. Une très belle photographie de femme derrière un voile, mince drap transparent derrière lequel on devinait de très belles formes dénudées. Elle s’appelait Norma. Morte le 5 août 1962.
Alors le souvenir m’est revenu, précis, exact. Ma mère avait croisé cette femme au Cinoche. Au vieux Cinoche de brousse, du temps où nous habitions ensemble, papa, maman et moi. Oui, tous les trois, bien avant que papa ne tue maman.
C’était en Afrique, au Gabon, dans la grande Maison des Singes que papa avait baptisé « Ouistiti House ».
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