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Poursuite de ce dialogue à une voix et à une oreille. (Episode 4).
Elle me dit tant de choses que la nuit venue, je note en dictée ses lambeaux de phrases, ses mots jetés à l’improviste. Je note, je retranscris cette litanie qui s’ouvre sur cet incipit («Elle me disait») et qui finit à 140 caractères (ceux de l’écran Twitter – qui s’est substitué à la page papier BiBi).
Elle aussi devait avoir lu le minuscule livre de Pierre Legendre («La Fabrique de l’Homme Occidental») car ce petit extrait redécouvert ressemblait étonnamment à ses murmures : «Ainsi, indéfiniment, les générations apprennent que la parole a pour décor l’indicible et que, pour être habitable, le monde doit être mis en scène avec des mots».
*
Elle me disait : « Avec les savants on élargit ses connaissances. Avec les poètes, on élargit et ses connaissances et sa sensibilité ».
Elle me disait : « Lire des livres médiocres m’aide à mieux lire, à mieux vivre».
Elle disait : « L’Inconnu nargue celui qui croit que tout a un sens»
Elle disait encore : « Insensé celui qui croit que tout a un sens».
Elle me disait : « C’est avec un microscope que tu découvriras les étoiles»
Elle me disait : « L’écriture ? Une injustice fondamentale. Puisqu’on n’a jamais les mots qu’il faut».
Elle disait : « Dans ton écriture, romps avec ta joliesse, tes arabesques, tes alibis esthétiques».
Elle disait : « Tu écris trop souvent pour écrire et pour te conformer à l’idée de «l’homme qui écrit».
Elle me disait : « Plutôt voir monter de ton balcon un échafaudage qu’un échafaud».
Elle me disait : « Si tu descends en toi, loin, loin, tu te rendras compte à quel point est pertinent le concept d’Habitus de Pierre Bourdieu».
Elle me disait : « Si ta poubelle est remplie de tes brouillons, c’est que la Société et son vocabulaire de mort continuent de parler en toi».
*
Elle me disait : « Il n’y a que ces foutues pensées-Marketing pour croire que le langage peut-être reçu 5 sur 5».
Elle me disait : « Tâcher de ne plus faire du français une langue de Courtisan, de ne plus t’incliner devant les inclinaisons du Beau Parler».
Elle me disait : « Tournons la page dès que le livre nous indiffère».
Elle me disait : « Tu es engagé dans ta langue particulière. Puisses-tu ne plus l’oublier».
Elle me disait : « Ta complaisance répétée à tes faiblesses est le signe de ton envie de Puissance».
Elle me disait : « Pas besoin d’écrire «Il faut respecter la vie». Seule ta manière d’être le dira».
Elle me disait : « Si tu te préoccupes des effets de ta parole comme un maniaque, tu en altères la justesse».
Elle me disait : « Qu’est-ce qu’un langage qui ne viendrait pas du fond des êtres ? Un slogan publicitaire, une langue de Com».
Elle me disait : « Cesse de t’apitoyer sur toi-même sinon je saccage dé-fi-ni-ti-ve-ment ton jardin».
Elle me disait : « Tu te tais et tu crois observer le silence mais sauras-tu admettre un jour que c’est le silence qui t’observe».
Elle me disait : « Flots de paroles ? Ton naufrage est proche. Accroche-toi plutôt à un mot, ce sera ta bouée».
Elle me disait: « Je suis allergique à ce ton aristocratique, à ces insupportables «Veuillez agréer, Mr, Mme..» alors qu’un simple Merci suffit».
Elle me disait : « Comme Georges Haldas, j’aime les phrases qui ont la solidité du granit et la légèreté du pollen».
*
Elle me disait : « Tous ces chemins de la Beauté qu’on n’empruntera pas, faute de temps».
Elle me disait : « Je suis proche de la vérité à dire que j’aime les êtres, à rajouter que je n’aime pas la société».
Elle me disait : « Au Maroc, on ne dit pas « aller à l’école » mais «aller à l’écriture».
Elle disait : « Respecte ton lectorat mais ne lui déroule pas le tapis rouge».
*
« Vous ne pouvez pas sortir du sillon que votre niche environnementale a gravé dans la cire vierge de votre mémoire depuis sa naissance au monde de l’inconscient (…)Et puis certains, dont je suis, en ont un jour assez de ne connaître l’autre que dans la lutte pour la promotion sociale et la recherche de la dominance. Dans notre monde, ce ne sont pas des hommes que vous rencontrez le plus souvent, mais des agents de production, des professionnels. Ils ne voient pas non plus en vous l’Homme, mais le concurrent, et dès que votre espace gratifiant entre en interaction avec le leur, ils vont tenter de prendre le dessus, de vous soumettre (…)Si vous vous promenez seul dans la rue, vous ne rencontrerez jamais un autre homme seul, mais toujours une compagnie de transport en commun. Quand il vous arrive cependant de rencontrer un homme qui accepte de se dépouiller de son uniforme et de ses galons, quelle joie! L’Humanité devrait se promener à poil, comme un amiral se présente devant son médecin, car nous devrions tous être les médecins les uns des autres. Mais si peu se savent malades et désirent être soignés! »
« Eloge de la fuite » – HENRI LABORIT.
Merci Bibi, de nous faire cadeau des propos de ta « folle du logis » (ou Madame l’imagination, la mémoire, l’espérance, la réflexion mâtinée de rêverie, la volonté d’écrire, etc.)…
J’ai relu l’ensemble de « elle m’a dit » et j’en ai copié pas mal. Je me suis arrêté à Georges Haldas, un grand poète-philosophe trop méconnu…
Merci aussi Robert Spire de continuer à revenir à Henri Laborit, dont on a tant besoin, toujours !…
@Rém
Tu as raison pour Georges Haldas, rencontré deux fois au Salon du Livre de Genève avant sa disparition. Bien sur, on peut faire la fine bouche lorsqu’il évoque la figure du Christ (et ses propos sur la Résurrection) mais on ne peut contester ses courts textes, ses pensées. Un écrivain à qui je dois beaucoup, beaucoup. Et il est même probable que, parfois, certaines paroles de ma Bibien-aimée soient des réminiscences inconscientes de ses propos « philosophiques ».