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Curieux : SarkoFrance vient découvrir qu’avec le Web, on ne peut pas tout et que misère de misère, «tout ceci n’est que du Web». Puis il constate (découverte récente ?) : «Et, voyez-vous, tous les électeurs et électrices ne sont pas «connectés».
Oui curieux que, jusqu’ici, il ait pu croire – avec son expérience de bloggeur politique ou de politique qui blogue – que le fait de tenir un blog, de dire, d’écrire des billets, de les transmettre via leur mise en ligne devait obligatoirement déboucher sur un sentiment révolutionnaire et que, ni une ni deux, le Petit Chef allait dégager illico de l’Elysée.
Finalement, SarkoFrance pose une bonne question : Quel pouvoir avons-nous ? (Nous = les tenants des blogs «politiques» ). Cette question n’est pas autre chose que de s’interroger pour savoir d’où l’on parle, écrit, transmet et comment on pourra agir le plus efficacement possible.
EN PREAMBULE.
D’où on parle ? PensezBiBi n’est pas un blog politique. BiBi s’interroge encore sur la définition (dominante) du mot «politique», mot qui, pour lui – il va vite – ne se réduit pas du tout à ce qui est nommé, dénommé, catégorisé en «politique». Ce qui est politique concerne la vie de la Cité et tous ses champs (champs «politique» comme artistique, sportif, culturel) qui y sont inclus. Dans l’appelation «blog politique», l’adjectif «politique» y est souvent un synonyme d’«étriqué », de «réducteur », un synonyme réduit hélas à «qui parle de politique».
Faire la critique du film «Les Petits Mouchoirs», parler de Michel Butor ou de Georges Haldas est aussi important que de décocher les Flèches anti-sarkozystes car BiBi a la faiblesse de croire que la Pesanteur de la Vie s’infiltre par tous les pores de la Société (libérale) pour la pérenniser et la conserver telle qu’elle est. BiBi est passé par les écrits de Farge-Chartier-Corbin-Foucault-Bourdieu-Boltanski et par leurs fourches caudines qui l’ont certes désenchanté dans son rapport au Monde mais qui – dans le même temps – lui ont fourni quelques tuyaux pour y voir un peu plus clair.
POLITIQUE, RESISTANCES.
Lui reviennent en mémoire ces deux belles ces sentences. Celle de Roger Chartier : «Les œuvres littéraires peuvent changer la façon de penser le monde et la société ou de considérer le passé». Celle de Marx : «Dès le début, une malédiction pèse sur l’esprit, celle d’être entaché d’une matière qui se présente ici sous forme de couches d’air agitées, de sons, en un mot, sous forme de langage». La «littérature», la peinture, le cinéma, la vidéo et autres lieux signifiants sont ces milieux, ces champs spécifiques où se déploient des résistances à l’Ordre et aux Formes établis. Déploiement des résistances. Du politique donc.
LE MONDE ENTIER.
Faut-il rappeler qu’écrire des billets de blogs n’est pas parler et dialoguer avec le Monde entier ? Et ceci, pour la simple et bonne raison qu’il y a inégalité dans l’accès (ou face) au Web. Et que, même en étant abonné au Web, il faudrait encore que la propre reconstitution de sa force de travail soit employée au minimum à lire les blogs.
Et autres raisons possibles : il faudrait aimer la politique, il faudrait aimer imaginer un intérêt et un plaisir à en faire (vs le climat de dégradation dans le Monde politique), il faudrait que le «politique» soit perçu comme une affaire intime et bienfaisante etc.
BiBi ne s’est jamais leurré : même avec près de 400 lecteurs par jour et 1050 billets en 3 ans, il ne s’est jamais enflammé sur l’influence qu’il a. Sur ses 400 lecteurs quotidiens, une majorité d’entre eux sont convaincus – d’avance – par ses billets.
S’ORGANISER ?
En conclusion, SarkoFrance lance : «Nous devons, nous Blogueurs, nous organiser». Mais tendanciellement, sans se l’avouer, les bloggeurs le sont… organisés ! La Blogosphère fonctionne déjà très bien en groupes affinitaires, en tribus, en LeftBlog, en Kremlin des Blogs ou République(s) des Blogs etc. Et même plus lorsqu’on se penche sur la Politique des Liens. Denis Szalkowski a raison lorsqu’il rapporte que «l’essentiel des blogs qui composent le Top 100 des classements Wikio sont amenés à commenter le commentaire qui, à son tour, est commenté par des commentateurs ! (…) On n’oublie pas de faire un backlink vers le blog de son «ami».
Une organisation très organisée qui finalement donne le sentiment de tourner en rond. Les bloggeurs parlent aux bloggeurs. Et les bloggeurs répondent… aux bloggeurs.
Et lorsque le Wikio, organisateur de tous ces liens, disparaît, la déprime n’est pas loin : «Wikio disparaît, c’est déprimant, dit un tenant de blog, on s’était habitué au classement et aux pages d’accueil bien notées». La Vie d’un blog, la vie d’un bloggeur dépendant d’un Hit-Parade : misère !
UNE REDECOUVERTE DU REEL.
Comme l’écrit Monique Dagnaud, les 15-30 ans sont «une génération qui a commencé son apprentissage de la vie avec les outils informatiques». Aujourd’hui, les bloggeurs influents touchent à la Quarantaine. Eux aussi élevés au Web – un Web qui penche à «Gauche» – ils pensent que leur désir est la Réalité mais les faits sont têtus. Nous voilà en pleine période pré-électorale : on s’est enivré des Primaires et on a commenté le moindre mouvement de la Merkozy, on s’est renvoyé des tweets ironiques, on n’a pas hésité à faire et à écrire «cynique», on a cru voir le Soleil se lever etc.
Et voilà qu’on découvre que le Réel n’est pas si malléable que ça, que Sarkozy garde ses chances d’être réélu et que – malgré X billets anti-Sarko – le Dragon est toujours là et pas encore terrassé. Leurre de croire le Pouvoir à l’agonie, dangereuse croyance à le croire prêt à trépasser alors que le Pouvoir et ses Chiens de Garde se sont réorganisés autour des nouveaux Médias et qu’ils en sont beaucoup moins effrayés. Des petites preuves ? L’arrivée par exemple d’Atlantico sur le Marché politique du Net ou encore les petits malins de bloggeurs de Droite qui jouent amicalement avec des gens de gauche, qui s’installent dans leur blogroll au nom de l’amitié etc, etc.
PENSER PAR SOI-MËME.
Le déficit est là : dans la pensée. Ici encore le juste constat de Monique Dagnaud : «[Les mouvements nés du Net] ont une grande capacité à s’organiser pour protester – comme l’attestent les mouvements des «indignés» -, ils impulsent des valeurs émancipatrices, mais leur capacité à peser durablement sur la scène politique reste à prouver». Hé oui, la protestation n’est pas la Pensée, n’est pas le Don de Sens.
Et contrairement à ce que pense SarkoFrance («Il faut donc sortir du Net, trouver les caisses de résonance adéquats hors du simple cyberespace: presse, radio, TV, livres»), il faut ni en sortir ni faire en sorte de s’y enfermer mais… il faut combiner le Net (son blog) avec une prise de position pensée et réfléchie qui ensuite – espérons-le – débouche sur l’action (hors du Net). Quant à dire comment se comporter, BiBi n’en dira rien parce que c’est à chacun de se démerder, que c’est à chacun de penser son rapport au Monde, de choisir ( un peu), de s’engager, d’agir pour que ce foutu Monde change (un peu, beaucoup, passionnément).
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Les deux photos de bloggeurs sont de Gabriela Herman.
le travail des blogueurs politique ou non est utile si on s’en sert dans la vie réelle… Sinon, c’est juste de la masturbation à base de wikio et d’échange de liens de complaisance.
@des pas perdus
Bien sur que le travail de pensée des blogueurs est utile si on s’en sert dans la vie réelle. L’inverse est aussi vrai d’ailleurs : la vie réelle fonde le travail et les pensées novatrices des blogueurs.
Mais l’utilité n’est pas un Diktat : le travail intellectuel a besoin d’un espace spécifique, relativement autonome où il puisse se développer à l’écart de toute (in)utilité.
je ne découvre pas, je ré-explique. Ces mêmes débats nous occupaient voici 4 ans (je débutais). Je pensais juste et pense toujours qu’il faut sortir du Net si nous devons avoir une véritable influence.
@juan
Bon, OK, «tu penses toujours qu’il faut sortir du Net si nous devons avoir une véritable influence« .
Coïncidence : tu postes cette opinion au moment même où paraît un sondage à propos des médias qui seront les plus consultés pour la Campagne 2012.
Les Français à une large majorité forgeront leur opinion à partir de la campagne à la télé (plus de 70%) puis vient ensuite – surprise ? – le Web puis encore, loin derrière, les radios et presse écrite.
Inutile de te rappeler vers qui penchent les télés (via Bouygues et les présidents de chaines publiques nommés par le Petit Chef), les Radios (via Lagardère, Val, Aphatie), la Presse (Lagardère-Arnault-Dassault-DeRothschild etc).
Reste le Web, pas totalement muselé (via les Blogs en particulier) et toi, tu voudrais le déserter, l’abandonner et laisser la place à ceux qui (à coups de millions d’euros élyséens comme Atlanticon de Ferjou-Dassier par ex) ont bien compris qu’il fallait occuper le terrain précisément là où les blogs – plutôt à Gauche – ont une (certaine) influence.
C’est donc une faute politique, une erreur et une prise de position dangereuse (pour moi, hein, juste pour moi) que celle de vouloir sortir du Net alors que – justement – il faut plus que jamais y rester, occuper ce champ-là, s’y battre en mort-de-faim.
Mais pas que, bien entendu : il faut combiner, mailler notre Combat dans le Net avec toutes autres initiatives locales, régionales, nationales – hors le Net – pour une Autre politique.