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Ils sont apparus furtivement dans nos lucarnes, tard le soir, fuyants, toujours aussi énigmatiques. Jean-Luc Godard a laissé son petit monde cannois en plan fixe et Abbas Kiarostami s’est réfugié derrière Juliette Binoche, la laissant s’expliquer avec les journalistes présents au Festival (elle finira par adopter le style Kiarostami : se taire tout en -se- donnant à voir).
BiBi se souvient avoir visionné un documentaire sur le réalisateur iranien et il avait admiré son intelligence dans ses tentatives d’explication (moins sur ses prises de vues que sur ses… points de vue). Aujourd’hui, BiBi a retrouvé d’autres traces dans les pages de la revue Politis du 20 mai :
«Toutes les souffrances, toutes les pathologies humaines prennent leurs racines dans une absence de regard. C’est parce qu’on n’est pas vu que l’on souffre. C’est aussi pour cette raison qu’on crée. L’art, comme la vie, a besoin d’être vu. S’il n’est pas vu, l’art est une chose morte. La seule façon d’insuffler de la vie à une œuvre, c’est de poser son regard sur elle ».
Un extrait qui fait écho à cette autre interview de Kiarostami réalisée par Shahin Parhami (Hors-Champ. juin 2004) :
« Il faut déjà avoir digéré ce que l’on a lu ou appris avant même de débuter un projet artistique. Si l’on a vraiment compris une théorie, un concept ou une philosophie, ils vont apparaître subtilement dans notre travail. Une réaction rapide et émotive contre un événement social ou politique réduit le film au niveau d’un journal avec une date de péremption. Quand ces mêmes événements complexes se transforment ou finissent, le film devient sans valeur aucune. Si le cinéaste crée un film avec des idées crues, non digérées en tête, le film devient un slogan animé. Je crois que le véritable art doit être éternel » Clap, clap, clap ! Voilà BiBi qui applaudit à deux mains.
De Jean-Luc Godard, BiBi retiendra ces quelques phrases qui ne font effet qu’une fois la revue refermée (Les Inrocks du 12-18 mai) :
«L’œuvre dans son ensemble, le Grand Œuvre, ça ne m’interesse pas. Je préfère parler de cheminement » ou encore… dans ses rapports conflictuels à Truffaut (dont il n’aimait pas beaucoup les films) : «Vous savez, le plus difficile, c’est de dire à un ami que ce qu’il fait n’est pas très bon. Moi, ça me manque ». En conclusion très touchante, le voilà qui avoue : «Quand on est vieux, l’Enfance revient ».
Pour ce qui concerne plus directement les aspects socio-économiques du Cinéma, les deux réalisateurs ne seront pas surpris d’apprendre que dans certains pays (comme la Norvège), la disparition des projections classiques sera complète à la fin de l’année. Il y a été calculé que, très vite, 2 voire 1% des films occuperont… 99 % des écrans (Avatar et sous-avatars). Dans le journal Le Temps, le journaliste Thierry Jobin précise que «le Numérique ne va absolument pas militer pour la diversité». Écran totalement noir sur nos prochaines nuits blanches ?
En tous les cas, BiBi espère que les deux films («Copie Conforme » et «Film Socialisme») viendront quand même s’échouer sur ses écrans.
Ces deux films, comme deux beaux navires de pleine mer, sont venus accoster sur les rivages. Les avoir choisis montre le cap de Bonne espérance.