RAGE, AMOURS ET ACCABLEMENTS.

Accablement

Rage, Amour et Accablements : tout tourne autour de ces trois pôles. On réservera la rage contre ces grands Capitaines d’Industrie (cette fois Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez), l’Amour  pour ce cinéaste qu’est Kaurismaki et l’accablement (teinté d’espoir) pour Jean-Luc Mélenchon.

 Mestrallet

 

Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez, avait touché une rémunération globale de plus de 3 millions d’euros en 2012 et de plus de 2,2 millions en 2013. Voilà que notre Gérard va s’octroyer une retraite-chapeau de 831 641 euros par an soit – on se tient à la rampe – de 2300 euros par jour. Oserai-je dire que cette somme perçue par jour est encore loin du salaire… mensuel de BiBi ?

Retraite bienvenue pour ce Grand Patron qui s’est fait très discret tout au long de sa carrière. Pourtant il a beaucoup voyagé, voguant de Conseils d’Administration en Conseil de Surveillance. Gérard a été membre de l’Institut de l’Entreprise, de l’Institut Aspen France, de Saint-Gobain, d’AXA, de Sciences PO Aix, de l’Ecole Polytechnique, du Conservatoire National des Arts et Métiers et de bien d’autres. Fatiguant à suivre pour le lecteur commun des mortels. BiBi retiendra juste qu’il fut Président de la Fondation Agir contre l’exclusion. Défense de rire.

Faisons confiance à Emmanuel Macron, notre Ministre bien cravaté et à Manuel Valls qui aime tant les Entreprises pour s’indigner. Ils «désapprouvent ce type de rémunération» chantent-ils en chœur, ils «comprennent que le niveau prévu pour la retraite choque », ils assurent que «l’Etat votera à l’avenir contre ce type de résolution».

Et bla-bla-bla, et bla-bla-bla.

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Mélenchon

Les tracas de Jean-Luc Mélenchon contre les Médias ont fait l’objet dun billet dans Acrimed

Le leader du Front de Gauche s’insurge contre le bateleur libéral Patrick Cohen et son émission «Les Matinales de France-Inter». Plutôt incisif dans ses propos hors-antenne sur le dispositif pseudo Démocratie Directe (avec questions des auditeurs triés sur le volet), il se montre curieusement bien obéissant avec ses camarades de lutte : «J’y vais parce que mes camarades me disent «il faut y aller parce que ça fait longtemps que tu y as pas été» mais moi j’ai aucun plaisir à y aller, j’ai aucune émulation intellectuelle, je sais que je vais dans un traquenard». Bon, Jean-Luc sait qu’il va à un traquenard mais il y va quand-même. Curieux, non ?

Au lieu de suivre l’avis non discuté des Camarades, Mélenchon ferait bien de se poser la question de cette nécessité. Question évitée et pourtant question d’importance. On dirait que sont ignorées les choses basiques sur le journalisme d’aujourd’hui (on fait comme si l’information n’était ni marchandise ni propagande, on fait silence sur la dégradation de ce journalisme-là, on se tait sur l’organisation du champ journalistique etc. BiBi s’étonne des plaintes a-posteriori de Mélenchon, qu’il  soit pris au dépourvu et ne s’en rende compte qu’aujourd’hui.

Et je ne parlerais pas ici des leurres bien accrochés à Gauche qui consistent à croire que rien ne remplace une intervention télévisée. On pleurniche, on proteste dès lors qu’on ne reçoit pas d’invitation médiatique etc.

Daney

Faut-il insister ?

  1. Oui, la présence d’invités politiques (de tous bords) dans les émissions télé-poubelle (et «populaires») dégrade le politique. Voir mon billet sur Bayrou au Grand Journal de Canal Plus
  2. On critique hors-antenne, le dispositif de ces émissions, l’inféodation aux puissances dirigeantes, on se plaint du traitement scandaleux dont on est l’objet mais dès qu’un leader (toujours le même – à croire qu’il n’existe que Mélenchon au Front de Gauche) est invité, rien ne subsiste de ces critiques une fois entrés sur le plateau ou dans le studio. On rentre dans le jeu, on supporte les bouffonneries des animateurs, la vulgarité rigolarde, le cynisme ambiant etc pour ne dénoncer les dispositifs qu’après-coup. Que ne le fait-on dans l’instant-même ? BiBi conseillerait de visualiser d’anciennes interventions de Jean-Luc Godard raillant les cameramen en direct sur leurs points de «vue», sur leurs prises de position télévisuelles, de lire Serge Daney, la Révolution y gagnerait beaucoup.
  3. Oui, on rend alors service à l’adversaire en participant à ces émissions, on y entretient la façade du pluralisme, on y donne caution au mythe du débat démocratique. Ces pièges de petites fenêtres ouvertes et offertes ne procurent aucun bénéfice à moins de croire benoitement qu’une parole diffusée si juste soit-elle va rencontrer – par illumination – l’acquiescement du citoyen.
  4. Oui, il faut insister pour dire en même temps que ces forteresses sont à la fois apparemment imprenables et extrêmement fragiles. Exemple exemplaire : lors du Oui au référendum sur le projet de Constitution européenne, le populo avait répondu massivement Non. Toutes les forces médiatiques (des radios publiques à Libération, du Figaro aux Echos, d’Europe1 au JDD) s’étaient mobilisées pour le Oui. Quelle conclusion à tirer ? Qu’il suffit d’avoir confiance politique en ses propres forces, de compter sur elles (si insuffisantes soient-elles) pour briser quelques fortifications.

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Kaurismaki

 Aki Kaurismaki : «Je laisse le réalisme à Manuel Valls».

Quel plaisir et quelle jubilation à revoir le film «Le Havre» d’Aki Kaurismaki sur le petit écran. Quel plaisir dédoublé de regarder le documentaire d’Antoine de Gaudemar qui a suivi. Aki Kaurismaki y parlait de ce moment du film où les policiers français du Havre venaient ouvrir un container dans lequel s’étaient réfugiés des émigrés africains. Le réalisateur réfléchissait à sa façon de filmer ses personnages : «Je voulais faire autrement que de les présenter en haillons. Je connais la fierté des Africains pour leur vêture du dimanche. Pour leur arrivée en Europe, j’ai donc changé d’avis en décidant de les filmer dans leurs plus beaux habits». Il rajoutera magnifiquement : «Je laisse le réalisme à Manuel Valls».

On ne peut que conseiller au leader du Front de Gauche de regarder ce documentaire époustouflant où Aki Kaurismaki, génial réalisateur, s’explique sur ses points de vue, s’explique sur ses prises de positions à la fois cinématographiques, poétiques et politiques.

Le documentaire («Il était une fois… «Le Havre») est ici en replay sur Arte.

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