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Après la lecture de canards-laquais (Valeurs Actuelles, Paris-Match, le JDD, Le Parisien etc), on comprend la résolution qui voulut prendre Pasolini contre des journaleux qui l’insultaient quotidiennement. BiBi le suivrait bien sur ce chemin. En effet, ayant du ferrailler avec un éditorialiste bien-pensant qui l’insultait, le cinéaste avait écrit cet avertissement : « … que cela soit bien clair : s’il ose répéter quelque chose de semblable, je prends le train, monte à Turin et passe aux voies de fait».
Et si mon lecteur, ma lectrice (qui déteste la violence comme presque-tout-un-chacun) se désole d’une telle réponse, qu’il/elle essaye de compter sur ses doigts le nombre de procès endurés par le cinéaste dans sa vie et intentés par les fascistes et conservateurs italiens.
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C’est ainsi : on veut nettoyer, ratoner, faire clean. Il faudrait – vaine intention – que la France soit pure, saine, débarrassée de tout corps étranger etc. Me reviennent ces mots de Jacques Hassoun : «Le clean dont le corollaire est l’exclusion du sale, du laid, fait régresser le sujet social au stade d’un enfant qui veut accéder à la propreté en se soumettant à la demande de l’autre. Expulser hors de soi le mauvais, nier l’existence du sale comme constitutif du vivant, rejeter l’étranger qui est en soi ne peut que provoquer des passages à l’acte sanglants, des explosions où l’immonde le dispute à l’odieux». Et on voit, de ci, de là, des petits miliciens :
Moins avouables sont les sursauts d’humeurs mauvaises qui prennent souvent et le corps et l’esprit de certains intellectuels qui rêvent de tout balayer, de tout remettre à zéro, des qui-disent-qu’avec-Marine-finalement-ça-ne-fera-pas-de-mal. Ils existent, haleine fétide, tout proches, jusqu’à s’insinuer ici et ici. On ne parle pas beaucoup de leurs errances, de leurs impasses, de leurs haines rentrées. La grande historienne, Arlette Farge, via un extrait de son livre d’entretiens («Quel bruit ferons-nous»?) nous parle de nos parts d’ombre, de la séduction venimeuse du fascisme.
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Ajoutons encore ici ces petites incises qui me reviennent en mémoire. Pierre Bourdieu («Libre-échange») : «Au XIX ème siècle, les artistes, Baudelaire, Flaubert, pouvaient s’opposer aux «bourgeois», comme à des béotiens, des philistins stupides. Aujourd’hui, les patrons sont des gens raffinés, au moins sur le terrain de la manipulation, et aussi dans le domaine de l’art, qui, lors même qu’il est le produit de ruptures hérétiques et de véritables révolutions symboliques, peut entrer sans problèmes dans l’art de vivre bourgeois».
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Puisque nous en sommes aux réminiscences, ajoutons celle qui touche Gilles Deleuze à qui on demandait ce qui caractérisait et différenciait un homme de droite d’un homme de gauche. Il eut cette belle réplique : «Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse».
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Le philosophe Saül Karsz est dans le même questionnement. Ainsi écrit-il un subtil éditorial qui mériterait une large, très large audience :
«La gauche aussi est une construction culturelle – explicitement, manifestement, absolument. Elle n’est en rien naturelle, spontanée, impulsive. La droite non plus – mais son statut culturellement, idéologiquement dominant la fait passer pour naturelle. Il en va autrement pour la gauche. On peut s’en réclamer très fort ou se faire accuser d’y appartenir, sans que ce soit forcément le cas. Même officiellement au pouvoir, la gauche peut ne pas l’être effectivement… Le verdict semble sans appel : posture passablement décatie, survivance nostalgique et/ou embarrassée et/ou empêtrée dans des proclamations plus ou moins rituelles, la gauche git à côté de l’histoire réelle en train de se faire».
Mais… «On ne peut plus être de gauche mais plutôt tenter de le devenir, d’en réitérer avec ténacité la portée et les visées à la fois objectives et subjectives, les formes et les contenus tant publics que privés. Comprendre que la politique en général est un combat en redéfinition ininterrompue. Impossible de refonder un projet dit de gauche sans se risquer à inventer un monde nouveau – sous peine de récidiver dans une forme plus ou moins soft de droite».
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Des intellectuels de qualité, il faut aller les chercher. Et Frédéric Lordon en est un.
«Rétablir la polarité droite-gauche, contre le poison de la dénégation, suppose alors de mettre au clair à nouveau ce que gauche signifie pour circonstancier un peu plus précisément l’idée qu’elle est à l’époque du capitalisme mondialisé. Or cette circonstance tient en un énoncé assez simple : égalité et démocratie vraie ne peuvent être réalisées quand la société est abandonnée à l’emprise sans limite du capital — compris aussi bien comme logique sociale que comme groupe d’intérêt.
La gauche, c’est une situation par rapport au capital. Etre de gauche, c’est se situer d’une certaine manière vis-à-vis du capital. (…) Ne pas laisser le capital régner, voilà ce qu’est être de gauche».
Et enfin sur l’avenir de la Gauche : «cette idée ne peut pas mourir. Elle n’a que deux siècles, elle est de prime jeunesse, le cours des choses ne cesse de lui donner raison, le scandale du temps présent l’appelle impérieusement. L’avenir lui appartient».
Vérité vraie et implacable. Le double constat qui suit, sa mise en rapport sont cependant durs à entendre.
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Et si vous désirez prolonger le pique-nique, servez-vous ici :
« La gauche a un bel avenir…derrière elle » aurait pu dire Clémenceau. Mais l’Histoire réserve parfois des revirements spectaculaires.