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MARINADE DU JOUR…
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Voilà vous savez à présent ce qu’est une marinade. Flaubert dans sa Correspondance à Georges Sand l’a ainsi superbement décrite. Marinade. Le mot est très beau mais sa réalité beaucoup moins. C’est qu’on a envie de rien faire. On se jette sur son lit. On regarde les bouquins sur les étagères. Et aussi le temps qui, dehors, vire à l’orage. On essaie de vendre son livre récemment auto-édité. Mais on sait que tous les textes, une fois rendus publics, ne nous appartiennent plus. Ils vivent leur vie. Et vogue la galère.
Et puis voilà le temps qui change à nouveau. Hop hop hop c’est une éclaircie. Mais le mental ne suit toujours pas. En fond sonore, la voix précieuse, le phrasé délicat de Joao Gilberto qui vous berce. Aguas de Março. On ne fait rien. On n’écoute même plus. C’est un autre en vous qui écoute, un autre qui bat une incertaine mesure en hochant un peu la tête. Un autre que vous. Pas vous.
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Une marinade qui dure plus que dix à quinze minutes. Au tour de Georges Perros («Papiers Collés» trouvé en vide-grenier, sous la pluie fine, trainant par terre. La destinée de tout livre ?) un livre qui n’est pas là vraiment pour t’aider, avec ses notes sur l’aphorisme (aphorisme dont j’ai abusé cette dernière année dans mon livre) : «Notes sur l’aphorisme. Enfant méconnaissable. Plus qu’un vers, qui demande à être secouru dans son ascension, à être adopté – flatteur – l’aphorisme tombe, et – dirions-nous – est désespéré. Sans rémission. Le vers ouvre, est en pente, appelle un chant. L’aphorisme ferme. Vers liquide, aphorisme solide».
Et puis tous ces achats pêchés au hasard.
Blaise Hofmann écrivant sur la starlette Capucine (Editions Zoé), Capucine, actrice française, 6 Chemin de Primerose, Lausanne. Capucine suicidée toujours à Lausanne, 62 ans, se défenestrant, 12 mars 1990. Quatre mois auparavant, c’était la chute du Mur. Nelson Mendela était enfin libre. En écho consolant, «Songs of the Wind» (Santana), son meilleur album Caravanserail). Mais ça ne console de rien. Me consoler ? Non. Allez plutôt consoler le Monde autour de moi. Consoler les étoiles pour leur pluie d’été. Consoler la pluie qui ne dure pas. Consoler l’enfant à-cause-qu’il-ne -sera-pas-Petit-Prince. Consoler tant d’autres. Y a t-il quelqu’un ici qui soit fait pour ça ?
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Flaubert : «Les pensées tournent en rond. On est un peu déprimé». J’aime les constats simples de Flaubert. Quelques mots lui suffisent. Après, c’est le silence, les mots qui tournent dans la tête, qui s’effacent, qui disparaissent à jamais. Mais le blanc qui suit n’est jamais tout blanc. Toujours un mot qui réapparaît, pensées-fantômes qui resurgissent. Dans le temps, j’aurais grillé une cigarette. Toute cette vie qui passait dans un souffle de fumée. Et je me remettais à courir. J’avais vingt ans.
Mais à vingt ans, on ne sait rien de tout ce qui suivra. De la vie, du temps qui passe, de la gravité, du chemin d’autodidacte qui t’attend, des nuits où tu pleures sur tes lectures, sur ta santé, sur tes amours, tes amourettes, sur tes choix, tes absences de choix. Tu ne sais rien sur l’étendue océanique de chaque grand livre, sur ses effets, rien sur ceux qui furent tes “amis”. Tu ne sais rien jusqu’au moment où tu comprends soudainement un peu plus le Monde qui t’entoure. Tu as lu Alain Accardo sur les «prétentions hégémoniques des classes moyennes», tu as désormais des certitudes, tout allongé que tu es contre le corps chaud de Nathalie, libérale-libertaire. Tu comprends en nouvel entrant que ce monde n’est pas (fait) pour toi. Pourtant, sur sa platine, tu as découvert «Misty» de Sarah Vaughan, Léonard Cohen («So Long Marianne»), tu as connu des 33 tours empruntés mais jamais rendus.
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La marinade peut tuer, de chagrin comme le poète Saint-Pol Roux en 1940, victime de la barbarie de nazis qui ont brûlé ses manuscrits (ce qui était pour lui pire que sa blessure). Sur les murs de son manoir à Camaret (avec vue marine) il avait écrit deux superbes phrases: « C’est ici que j’ai découvert la vérité du monde » et « La solitude est la multiplication de soi-même »….En 1944 cette maison a été bombardé par les alliés, la marinade jusqu’au bout comme si une puissance occulte voulut effacer des mémoires un grand poète qui avait osé réver à la création d’une oeuvre absolue.
Je ne savais pas pour Saint-Pol Roux. Dire que je suis passé (et rester un peu) à Camaret dans mon adolescence !
J’ai fait un « pélerinage » ému il y a 40 ans sur les ruines de la vaste maison isolée de Saint-Pol Roux, le site est grandiose… Mais j’ai toujours appris que c’étaient les Allemands qui avaient incendié sa maison, après avoir violé sa fille sous ses yeux… en plus de détruire ses papiers!
Je crois qu’il en est mort très vite, en tout cas avant de l’éventuel bombardement (?) des alliés…