-
Bibi sur Facebook
Dernières Découvertes
Les Ami(e)s photographes
Les meilleurs Amis de BiBi
Poètes, Psycho, Socio, Musiko
C’est qu’il s’agit d’une lutte infinie, d’un rapport de forces fluctuant, indépassable. Toujours. Quoi qu’en dise Jean-Luc Mélenchon, naïf sur ce coup-là, avec un : «On aura le dernier mot». Le dernier mot ? La fin de l’Histoire ? La victoire du Bien ? Permettez-moi de soupirer.
C’est pour ces premières raisons sur le consensus que je n’aurais pas du aller au Rassemblement de ce dimanche (1) dont le signe/sigle dominant se résuma à un «Je suis Charlie» et/ou «Nous sommes Charlie». Cette conviction unanimiste, un peu suspecte, m’a poussé à ne pas endosser ce badge qui fleurissait sur «toutes» les poitrines. Ni dans mes tweets, ni dans mes billets.
Ce «nous», ce «je» collectif m’ont fait problème. Et quand il y a problème, il faut questionner le problème : question de salubrité politique. Les premières questions qui me sont venues furent celles-ci : «Qui parle ?» «Qui dit ce «Je» ? «Qui formule ce «Nous» jusqu’à l’overdose ? Qui surtout s’en est emparé à la vitesse de la lumière ? Et qui l’a répandu dans «tout» le Corps social ?
Qui ? Nous, Vous – habitués du blog – en savons un peu sur ces Questions-là.
Mais n’allons pas trop vite.
En essayant de donner à ce «nous» sa réalité humaine, sa densité sociologique, en essayant d’aller fureter dans l’arrière-boutique, que voit-on ? On voit d’abord qu’il n’induit pas à la convivialité, qu’il se casse la gueule, qu’il éclate, peut-être pas en autant d’individus mais en classes, en castes, en fractions, en clans, en 3,7 millions de participants d’un côté (2) et en dubitatifs à la maison, en 1000 tocards à Beaucaire, en promeneurs ou travailleurs du Dimanche (si, si, ils existent) etc de l’autre.
C’est ainsi dans tous les champs, à tous les niveaux de pratique sociale. C’est ainsi à chaque fois qu’on crie à l’Unité Nationale.
Viser un «Nous» (sous couvert d’un «Je» collectif) est à ce titre aberrant. Ce «Nous» tentaculaire qui veut m’inclure, ce «Nous» qui a voulu me parler, qui a voulu m’épingler, badge à la boutonnière, badge pour me dire qui je suis, ce «Nous» est un leurre… mais un leurre qui marche, qui fait marcher 4 millions de personnes «spontanément» dans les rues, qui a pour but aussi (surtout) de nous accorder et de nous raccrocher à ces Machines politiques et médiatiques (et à en épouser les circonvolutions).
Bien entendu, je parlerais ici de la question incontournable des Médias (3).
Des Médias qui se firent une virginité, qui dénièrent la position dominante qu’ils occupent (on ne vit ainsi aucun de leurs Boss se pavaner sur les antennes en premières lignes. Je cite ici : ni Dassault, ni De Rothschild, ni Bolloré, ni Arnault, Pinault, ni Lagardère), qui ne cessèrent de clamer «Liberté», «Liberté d’expression» sans retenue et sans honte «Liberté et Indépendance de la Presse» ! (4).
Des Médias qui – par leurs louanges au ton charliesque – stigmatisaient tout ceux/celles qui ne roulaient pas dans le bon sens. Là-dessus, on pourrait débattre autour de ce qu’écrit Frédéric Lordon qui avance (avec raison ?) : «Tout porte à croire, dit-il, que le cortège parisien, si immense qu’il ait été, s’est montré d’une remarquable homogénéité sociologique : blanc, urbain, éduqué. C’est que le nombre brut n’est pas en soi un indicateur de représentativité». (5)
«Je suis Charlie».
Et si je m’arrêtais sur ce «Je suis», moi qui questionne à ma façon «l’Être» en mettant en exergue ce «To BiBi or not to be» sous ma banderole ? Nul n’a pu échapper à ce trouble identitaire, à ce vertige existentiel devant cette horreur qui vit l’assassinat de vingt hommes et femmes. Nul ne peut continuer de vivre sans être secoué de fond en comble et en mettant entre parenthèses ces terribles événements.
Mais si difficile, si pénible cela soit, il est indispensable d’adopter la posture réflexive.
Si difficile, si pénible soit-il, il reste indispensable de suspendre ses intérêts existentiels immédiats, d’aller fouiller dans tous les coins de son «intimité» et de la bouleverser.
Si difficile, si pénible cela soit, il reste indispensable de se porter jusque dans les plis et les replis obscurs de ce «Moi» que «nous avons la faiblesse de croire surgissant dans le Monde tout fait, tout armé – de signes de distinction, de pancartes etc – et divinement libre d’agir à sa guise alors qu’il est de A à Z, de part en part, une construction socialement conditionnées à ignorer ses propres conditionnements» (Alain Accardo).
Ainsi en va t-il des cataclysmes : ils interrogent l’individu, le sociétal dans les plis et replis de notre intimité, ils remettent sur le tapis de la Vie le Moi, le Moi dans le Monde et ils vous poussent à éclairer un peu, un peu plus le rapport du Moi au Monde. Ces cataclysmes interrogent surtout la vie dans la Cité, le Politique pour tout dire, la façon politique de voir le Monde.
Et devant les événements qui nous débordent, ils appellent le remaniement, la vigilance et la détermination.
(1) Il n’empêche : je me suis fondu dans cette foule dominicale (ailleurs qu’à Paris) pour Cabu, pour Wolinski – avec qui j’avais passé un délicieux après-midi au temps de mes 20 ans, à la Fête de l’Huma. Pour Cabu et Wolinski mais pas forcément pour le Charlie-Hebdo de Philippe Val, indécent pleurnichard des premières heures du drame.
(2) La blogueuse Agnès LaPeste faisait judicieusement remarquer que le nombre monstrueux de participants à la Marche du dimanche était équivalent au nombre de chômeurs dans notre pays.
(3). On notera cependant au passage quelques obscénités : Alain Weitz, PDG de BFMTV, se glorifiant de 10% de part d’audience via un tweet en pleine fusillade, de l’irresponsabilité de France2 passant le témoignage de la sœur de l’otage de Dammartin à l’antenne avant l’assaut, de l’écœurement d’une otage fustigeant BFMTV pour les renseignements donnés à l’antenne. Routines ignobles de la Machine médiatique.
(4) Je n’ai entendu personne dire que Charlie-Hebdo fonctionnait sans publicité – qui reste le nerf de la guerre pour tout autre média papier ou audiovisuel.
(5) A Paris (et ailleurs) ce dimanche, est-ce la Nation qui fut «toute entière» (incluons ici ces merveilleuses forces de Police) drapeaux tricolores dehors, glorifiée en Marseillaise ? N’oublions pas que dans leur analyse, les Médias amputèrent cette «Nation» de beaucoup de ses membres et les tinrent à distance.
Les médias se gargarisent d’union nationale.Le gouvernement compte sur ce climat du moment pour faire oublier sa politique de régression sociale. Ils se trompent, la lutte des classes va vite reprendre ses droits. Je ne doute pas qu’au premier mouvement de grève la presse dénoncera les preneurs d’otage, les diviseurs de la nation, les quasi-terroristes.
@lucm
Ta formule « la lutte des classes va vite reprendre ses droits » n’est pas forcément juste. Car une des tâches les plus importantes, c’est de voir comment ces derniers événements s’inscrivent dans cette lutte des classes , quels en sont les effets etc. Cette tuerie, ces assassinats ne sont pas une parenthèse dans la lutte des classes (la lutte idéologique)…. Une réponse pour aller vite 🙂
Je fais miens tes propos. Et comme je l’ai dit ailleurs, je n’ai pas laissé mon cerveau à la maison en participant à la manif.
Un événement chasse l’autre comme de bien entendu dans les médias dominants… Mais, l’unanimisme continuera de servir les intérêts de la caste de leurs financeurs…
@Bibi d’accord avec vous, ce qui vient de se passer n’est pas un élément isolé de la situation générale et cela aura des implications. Je voulais simplement dire qu’une large majorité des participants aux défilés de samedi et dimanche n’est pas dupe…