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Pour quelle raison, très souvent, nous vient cette envie banale mais insistante de prélever dans nos lectures une ou deux phrases, un ou deux aphorismes?
Pourquoi souligner ou recopier de longs paragraphes au stylo noir ou au feutre rouge dès notre première lecture ?
Pourquoi vouloir les garder, les consigner, les reprendre pour les relire ?
Peut-être parce que nous avons l’impression de toucher au plus vif de nous-mêmes à travers ces mots. Peut-être aussi parce que nous sentons que l’idée-force relevée était une idée déjà présente en nous mais autour de laquelle nous avions tourné sans jamais avoir pu l’énoncer. Ces passages sous la plume d’un autre nous reviennent comme autant d’évidences qui s’imposent, comme des boomerangs que nous n’aurions jamais lancés. D’où nous vient cette nécessité de s’installer dans les mots d’un autre ? De nous abreuver à sa source, à son style, à sa syntaxe? Pourquoi retourner – souvent longtemps, très longtemps après notre première lecture – à ces mots qui nous ont changés ?
Nous voulons probablement éviter l’enkystement de nos Pensées, contourner l’Ankylose qui nous guette – de nuit comme de jour – quitter le silence d’une chambre, la Solitude des rues, l’écran scintillant d’un ordinateur mortifère. Ces mots péchés dans l’étang de l’Autre relancent les mouvements de notre Âme et ils nous poussent – avec un peu de chance – à trouver enfin nos mots, nos propres phrases, à écrire enfin les pages vraies de notre Roman vital.
N’est-ce pas ainsi que naissent les billets d’ici ? Ces billets étranges, frappés au clavier obéissant, pareils à des papillons se posant sur la fleur. Billets qui ne doutent pas qu’ils cotoient fleurs du Mal, fleurs carnivores ou fleurs fanées.
Les mots des Autres nous touchent, ils nous brûlent : ce sont des brulûres aussi du Temps qui passe, qui a passé. Aujourd’hui, souvenirs de lectures d’Arthur Adamov, un auteur méconnu dont les livres se sont ré-ouverts. Lui aussi a rebondi – pour écrire – sur le livre et les propos des autres. Cette chaîne- là, correspondance intertextuelle, est infinie.
En janvier 1979, je m’étais plongé dans « L’Homme et l’Enfant » (chez Folio), recueil de pensées écrites par l’homme de théâtre que fut donc Arthur Adamov. Il avait éprouvé le besoin de parler tout à coup d’un souvenir de lecture, celui de sa redécouverte de L’Education sentimentale de Flaubert (Pour BiBi, il n’y a pas de plus beau titre de roman). Rencontre d’une oeuvre qui le toucha au vif, effets-de-lecture qui entra dans ses chairs et qu’il « résuma» ainsi pages 218/219 :
« La vie qui passe, les êtres qui se dispersent, les chemins disparates qu’ils prennent, les amours qui s’effilochent, l’effarante tristesse de tout.
Que ce livre est beau !
Et dire que sans l’apologie qu’en a faite Kafka, je ne l’aurai peut-être pas relu, que j’en serais resté à l’impression de pages édulcorées, paralysées.
Le regard que l’on jette sur les heures, variables selon l’âge, l’âge réel, l’âge mental».
Et BiBi de saisir, tiré de l’étagère, cet autre livre d’Adamov : « Je… Ils« . Un titre qui dit l’essentiel de ce va-et-vient entre la Singularité et le Pluriel, entre la Solitude et la Communauté, entre l’Intimité et la Pulsion de lien social. Un Journal intime qui livre le Combat de l’écrivant face aux Mots usuels, face à ce Vocabulaire de Mort ressassé quotidiennement :
« Les mots, usés, effrangés, limés sont devenus des carcasses de mots, des mots fantômes dont chacun ressasse monotonement le son entre ses mâchoires (…) Peut-être, tout le morne discours vidé de sens que rabâche l’humanité sans flamme d’aujourd’hui, sonnera t-il au coeur du veilleur solitaire dans toute son horreur et son absurdité sans bornes et alors cet homme comprenant soudain qu’il ne comprend pas, commencera à comprendre».
Merci. La beauté des mots est fascinante
Cette citation de Kafka (mais on me dit qu’en fait si c’est de lui, la traduction serait infidèle, un germanophone aurait-il quelque lumière?) qui s’affirme et s’avère, jour après jour, d’une pertinence plus extraordinaire avec la dégradation complète de la parole (dans le sens de donner sa parole): « Ecrire, c’est sauter hors du camp des assassins ». Le saut est vrai et authentique même s’il est anonyme
Ah que oui alors, du commentaire de madeleine !
ce billet bibi est à bibichonner dans mes notes éparses, que j’accumule et relis à l’improviste… Notamment lorsque je fatigue à errer dans les bavardages superfétatoires de tant de blogs : un zapping pire que tout, qui enfonce dans la grisaille d’un brouillard de mots où « tout est dans tout » et c’est tout !
Alors, fermer la boîte à pseudo-malices, se concentrer, ne serait-ce qu’à contempler un bout de nature, une carte postale, un objet. Révasser… et le souffle de l’âme reprend : tiens, je vais relire une vieille note. Je ne la retrouve pas toujours, mais je tombe sur une autre, encore plus révélatrice : Ben oui, la lucidité d’un Adamov … et qui renvoie à celle de X – Y -Z !
Ce sont des phares pour la navigation dans le brouillard ! Merci Bibi…
Je souligne cela dans cet « ici billet » car j’aime beaucoup.
« Ces billets étranges, frappés au clavier obéissant, pareils à des papillons se posant sur la fleur. Billets qui ne doutent pas qu’ils cotoient fleurs du Mal, fleurs carnivores ou fleurs fanées. »
Et ça me donne envie de lire Adamov, de poursuivre Kafka, loin d’avoir tout lu… et L’Education sentimentale… tant qu’à faire !
La phrase de Kafka et sa traduction n’ont pas été contestées – à mon avis.
Elle dit bien qu’en écrivant, on cherche à se délivrer de cette malédiction qui fait que nous avons – probablement – éliminé quelqu’un ou quelque chose dans nos vies pour pouvoir survivre. L’écriture ne nous rend pas à la Normalité mais nous reverse dans le monde des Vivants. Monde où se côtoient peut-être – paradoxe – Assassins innocents et/ou innocents aux pulsions de meurtre 🙂