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Dans le champ concurrentiel du (petit) Monde littéraire, il y a les petits, les grands, les aspirants à la notoriété, les divins j’men foutistes, les carriéristes, les plumitifs, les Yann Moix, les Beigbeder etc. Mais on sait que la littérature – qui ne demande rien – mérite mieux. Dans les années 1985-2000, BiBi avait trouvé ses petits bonheurs entre ses propres découvertes littéraires (Blanchot, Butor, Hrabal, Bernhard, Imre Kertesz, Kleist et bien d’autres) et ses lectures occasionnelles et/ou assidues de revues (Lettre Internationale, TXT, L’Autre Journal etc) dont la plupart sont mortes au Champ d’Honneur d’un Libéralisme impitoyable.
Hasard de rencontre : BiBi croisa d’abord la revue «Actuels», petite revue de grand intérêt qui fut remplacée par «La Main de Singe» (une vingtaine de numéros) – revue qui renaît de ses cendres via son site tonique (cliquez ici) – puis par «La Polygraphe».
Dans ses papiers, BiBi retrouva un double feuillet édité par les Editions Comp’Act (bases de lancement : Frangy puis Chambéry). Ce samidzat de papier défendait la création française et étrangère, en appelait au lecteur de tous les pays, exhortant les poètes (in)connus et écrivains à passer à l’offensive. Nous entrions alors dans le XXI ième siècle et les petites revues – même à l’agonie – affûtaient leurs armes et dressaient leurs barricades. Extraits écrits à la mitraillette.
« La Polygraphe reçoit beaucoup de textes. Cet afflux démontre le rôle irremplaçable des revues et des éditeurs de création face au vital besoin de lire et d’écrire qui s’éprouve désormais un peu partout, de façon certes minoritaire mais néanmoins nombreuse, aux marges innovantes de nos espaces sociaux, non pas du côté des sujets économiques consommateurs mais des êtres de langage, du côté même de la création littéraire et poétique, c’est-à-dire à l’écart du marché du livre et de ses best-sellers (…)
Il y a trois-quarts de siècle, déjà, le poète Antonin Artaud écrivait : «Nous ne voulons pas utiliser notre simple force d’avoir faim dans le seul but de manger tout de suite». Peut-on aujourd’hui poser la question de la poésie en regard de notre «simple force d’avoir faim» – pour éviter d’avoir à poser cette question politique qui peut paraître tout à fait dérisoire et incongrue : le livre de poésie a-t-il encore une place dans notre espace culturel ? (…)
Le livre a des concurrents féroces. Il est considéré en tant que simple objet de loisir et il pourrait bientôt n’être plus qu’une survivance nostalgique, un passe-temps suranné. A moins qu’il ne sache courir le risque de se tourner vers la vie et son «foyer remuant». Combien sommes-nous à refuser d’être coulés dans un langage instrumentalisé, sans âme et sans cœur ? Nous refusons les livres-«rewriting» qu’on nous propose sans cesse sur les rayons des librairies. Nous voulons des livres «uniques» qui manifestent avec force un désir humain d’existence : «Nous voulons croire à ce qui nous fait vivre et que quelque chose nous fait vivre». (A.Artaud)
Les poètes ne veulent pas se retirer sur des îlots protégés du vaste monde, se replier chacun sur «sa petite œuvre», sa petite région, fermée, cadenassée, de plus en plus folklorique. C’est tout le contraire que veulent les poètes d’aujourd’hui. Sillonner l’espace et le temps, dans les livres, dans le ciel, sur la terre et sur la mer. Leurs visées, leurs visions sont cosmopolites. Les différences linguistiques et «les grandes irrégularités de langage» ont toujours enflammé l’esprit et l’âme des poètes. Toutefois l’utopie, la rage de l’expression et de la création qui s’emparent des grands lecteurs soulignent douloureusement l’impuissance économique de la petite édition écrasée par les lois du marché et par ceux qui détiennent les pouvoirs économiques et n’éprouvent d’émotions fortes que face au Top des meilleures ventes (…)
Nous connaissons la difficulté de lecture que peuvent présenter nos revues et l’obscurité de certains textes. Authentique expérience de la pensée contemporaine ou pur snobisme ? C’est au lecteur d’en décider, chacun pour lui-même.
Nous ne fonctionnons ni au fric ni au carriérisme. Nous fonctionnons à la froide détermination et au coup de cœur. Nous ne cherchons pas toujours et nécessairement à tout comprendre. Nous maîtrisons ce que nous pouvons, pour nous laisser emporter tant soit peu au-delà de la simple compréhension, par le vertige du sens et des sens (…).Poètes, lecteurs, il nous faut nous ralentir alors que le temps passe si vite ! Nos livres réclament du temps, de l’amitié et de l’amour».
Je lisais La Quinzaine Littéraire à l’époque de Nadeau.