Lectures à l’estomac : Artaud, Zweig, Kundera.

Dans mes lectures et relectures croisées, voila des coïncidences, des chocs et des entrechocs. Avec Patrick Coupechoux dissertant sur la folie me reviennent ces photos extraordinaires d’Antonin Artaud – dont la première qui nous dévoile un Artaud qui rit, un Artaud riant d’un rire qui ne rit pas, un Artaud riant bientôt d’un rire qui perce nos tympans et nos idées reçues. Rire poétique en somme, poétique en diable.

Patrick Coupechoux, auteur de «La Déprime des opprimés. Enquête sur la souffrance psychique en France» (Seuil 2009) a donné en janvier 2011 une contribution à l’hebdomadaire Lien Social. Il y parlait de la folie et de sa négation. On préfère aujourd’hui parler de «maladie mentale», de «handicap psychique», façon insidieuse de la nier. Patrick Coupechoux rejoint l’un des fondateurs de la psychiatrie désaliéniste d’après-guerre, François Tosquelles qui n’hésita pas à écrire que «sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît».

Extraits :

«Quelle est la situation du fou aujourd’hui ? Un terme pourrait résumer celle-ci : abandon».

«Depuis quelques mois [Nous étions sous l’ère Sarkozy] s’ajoute à cela  une véritable entreprise de criminalisation de la folie».

«Tout cela tient dans un paradoxe : notre monde célèbre l’individu-roi mais dans le même temps, il contribue à esseuler celui-ci – par exemple, dans les entreprises, les collectifs ont souvent disparu – à le fragiliser, à le rendre plus dépendant, sans futur, ayant perdu sa confiance dans un monde au sein duquel il n’est plus en sécurité, comme suspendu dans le vide».

Coïncidence (ou non) : en ramassant de vieux papiers, voilà qu’un vieux dossier du Magazine Littéraire me tombe entre les mains. «Antonin Artaud et Jacques Prevel». Un dossier qui est né de l’adaptation cinématographique du journal de Jacques Prevel qui fut le greffier des dernières années d’Artaud (1946-1948). Souhaitons qu’une chaine de Télé nous rediffuse «La véritable histoire d’Artaud le Mômo».

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Le tweet un peu puéril de Mathieu Kassowitz voulant pendre les critiques (et tenant lui-même la corde) m’occupe encore. D’autant plus que tombant sur le livre de Milan Kundera («Les testaments trahis»), je relève cet extrait qui dit ô combien des critiques font non seulement vivre les œuvres mais en sont aussi les accoucheurs. Lisons : «Je ne médirai jamais de la critique littéraire. Car rien n’est pire pour un écrivain que de se heurter à son absence. Je parle de la critique littéraire en tant que méditation, en tant qu’analyse ; de la critique littéraire qui sait lire plusieurs fois le livre dont elle veut parler (…) qui, sourde à l’implacable horloge de l’actualité, est prête à discuter les œuvres nées il y a un an, trente ans, trois cent ans ; de la critique littéraire qui essaie de saisir la nouveauté d’une œuvre pour l’inscrire ainsi dans la mémoire historique. Si une telle méditation n’accompagnait pas ‘histoire du roman, nous ne saurions rien aujourd’hui ni de Dostoïevski, ni de Joyce, ni de Proust. Sans elle, toute œuvre est livrée aux jugements arbitraires et à l’oubli rapide».

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Lisant Stefan Zweig («La Confusion des Sentiments»), je trouvais ce passage qui disait tout… bien mieux que je n’aurais su l’écrire. Les mots étaient précis et les lignes concises : ils disaient ce qui m’a toujours ému lorsqu’un texte vient à ma rencontre :

«Tout à coup, je découvrais dans ce texte un univers ; les mots se précipitaient sur moi comme s’ils me cherchaient depuis des siècles ; le vers courait, en m’entraînant, comme une vague de feu, jusqu’au plus profond de mes veines, de sorte que je sentais à la tempe cette étrange sorte de vertige éprouvé en rêvant qu’on vole au-dessus de la terre».

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