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Elle montre son pouce marqué à l’encre. C’est la raison de sa venue en ville : elle vient au Poste de Police pour refaire sa carte d’identité de femme de 38 ans. Assise sur le rebord du trottoir, toute timide, elle se laisse aborder. Avec Boto-Boto, elle va engager une prudente mais souveraine conversation. Entre femmes, la glace va se rompre à vitesse grand V.
Pour Haya, l’échange avec une femme européenne est un présent de Dieu, une grâce d’Allah, un court temps hors-monde dans son quotidien. Malgré les différences culturelles, les sujets abordés seront nombreux : les enfants (3 d’entre eux s’amusent sur le capot rouge d’une KIA coréenne sans que cela fâche le père), l’aîné est bon élève, tout fiérot, il compte en anglais jusqu’à dix, les grossesses ont été difficiles, le mari fait du commerce en campagne. Elle écrit son prénom HAYA, elle sourit, tente de repérer la France sur les contours européens que Boto-Boto lui dessine sur son petit carnet. Les enfants insisteront pour une longue séance-photo. Au dixième cliché, Haya acceptera de s’y associer.
Le mari est de retour. Le salut est respectueux. Chaleureux, il envoie l’aîné chercher deux boites de Pepsi-Cola pour nous les offrir. Ce matin-là, il fait 45 degrés sur le trottoir de Palmyre et BiBi pense aux peurs, à la méfiance infondée et à l’inhospitalité d’une certaine France d’aujourd’hui.
Au moment de la séparation, cette incise temporelle d’une heure, ces soixante minutes hors du commun, inédites dans le Quotidien de Haya, feront douleur. Ses yeux brillent : des larmes retenues ? Elle racontera à ses amies du village la rencontre, l’échange avec la femme européenne jamais jusqu’ici croisée, une de celles qu’Haya voit sur son écran dans les fictions télévisuelles occidentales ou égyptiennes.
Pour Boto-Boto aussi, cet instant restera exceptionnel.
A jamais.
Très belle rencontre chargée d »émotion. Si on laissait s’exprimer les femmes arabes (j’ai dit arabes, celles qui vivent dans la péninsule arabique), je sais que nous serions surpris de leurs sentiments et de leur opinion sur la religion et son oppression sur les femmes (et les hommes d’ailleurs).
Un jour, il y aura un sacré retour de bâton dans le sens inverse à celui qu’on a connu lors de l’installation de Khomeiny et qui a entamé le processus d’une société arabe renfermée sur elle même.
Même si Khomeiny est Perse et Chiite, sa révolution islamique (de 1978 ?) a terriblement influencé les moeurs et l’attitude des peuples du Moyen Orient.
Je crois au balancier de l’Histoire et ce que tu décris me conforte dans mon opinion.
Tu nous rend tes hôtes ou rencontres attachants, Bibi.
C’est une grande qualité.