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Je ne sais si l’enfant demandait confirmation à sa question ou affichait son savoir : « Wuhan, c’est loin ». Personnellement, je ne savais pas. Quoi lui répondre? Bien sur, quand on ne connaît pas (Qui connaît Wuhan ?), on se dit que c’est loin, que Wouhan, Wihan, Wuan, ça existe peut-être, que là-bas, vivent des gens, des milliers, des millions, des milliards de gens. Des milliards, on peut le dire : normal, c’est la Chine.
Moi aussi j’ai été petit, on m’avait offert un premier livre, un grand livre sur les pays du Monde Entier. C’était à un Noël, je ne me rappelle pas l’année, j’étais petit. Pour la Mongolie, il y avait des visages de Mongols, des visages sévères avec de sévères moustaches. Sur la Chine, y avait un marchand ambulant qui tirait une charrette pour se rendre au marché surpeuplé de Pékin ou de Canton. Je ne me souviens pas ce qui était marqué sur l’Autriche (un dessin de Hitler petit ?), sur l’Allemagne divisée en deux (une photo stylisée de Hitler grand ?), sur la France (De Gaulle et l’OAS ?). Sur les Ricains, oui, il y avait Manhattan, une rue (Wall Street) et, sur la page suivante, le Grand Canyon, ça c’était sûr. Et c’était beau car je couplais ça avec les westerns du Ciné-Club (Papa y était projectionniste).
Bref, la Chine, c’est grand, c’est toujours grand et c’est loin, c’est peuplé bien entendu de Chinois. Mais pas que. Il y a aussi – pas croyable, hein – des Américains là-bas. Si, si, je vous assure.
Ici, on dit encore que ces Chinois, ils sont tous pareils, on cause encore – pour les plus vieux connards d’entre nous – de Péril Jaune et de Drapeau Rouge. Tous pareils ? Non, ce n’est pas vrai. L’an dernier, j’ai reçu chez moi deux Chinois et une Chinoise. Leur seule vérité commune, c’est qu’ils étaient au taquet. Harassant boulot d’étudiant la journée. Révisions jusqu’à une heure/deux heures du matin et lever à six heures et demie. Ils s’endormaient sur la table de la petite chambre de l’Université, bras croisés, tête lourdement fatiguée. Quand j’ai demandé à Sue qu’est-ce qu’elle entendait par «Collège dangereux», je m’étais imaginée harcèlement pour ses beaux yeux mais non. Dans un parfait anglais (là-bas, les cours de langue commencent tôt, très tôt) «C’est dangereux parce qu’il y a du travail, trop de travail, trop de devoirs après l’Ecole. C’est pour ça que je vais en changer l’année prochaine».
L’un des deux Chinois était de Shangaï . Ses parents qu’il voyait une fois l’an était à 1600 kms, paysans, ils avaient applaudi un jour Mao. C’est pour ça que, lui, voulait adhérer aux Jeunesses Communistes mais, j’ai ri : il ne savait pas qui était Lénine. Quant à Marx, il était soi-disant informé. Il me dit « Mark ? Oh, yes ! ». Puis j’ai compris, oui, ils n’ont pas FaceBook mes trois Chinois mais Mark Zuckerberg, ils connaissent. C’est qu’à Shangaï la métropole (plus d’habitants que la France), on est très informé, j’avais pas idée, très informés qu’ils sont, même si il y a de la censure. Mais censurer Facebook, est-ce vraiment un truc anti-démocratique (je pose la Question, hein) ? Wuhan et Shangaï, on ne sait pas vraiment où c’est. Proche de la mer ? Oui et non. Y a la mer mais on ne s’y baigne pas.
Autrefois – cours de géographie de fin du dernier siècle – on étudiait la Corn Belt, on s’arrêtait sur les Andes, le Brésil, la Pampa et l’Amazonie (rapide, rapide), on avait aussi un mot sur l’URSS, le côté Russie européenne. On s’arrêtait à la barre du Caucase. Au-delà, c’était – on rigolait là-dessus avec notre Prof, un gros con – la barbarre.
Mais, abrégeons les divagations, c’est de Wuhan et du Virus COVID19 dont je voulais vous parler. Là-bas, au loin, c’était parti dès le mois de décembre. Au début janvier, le Doc Philippe Klein qui travaille à la Clinique Internationale de Wuhan, lâchait : « Au 23 janvier, le chiffre est vérifié : 56 millions de Chinois sont confinés« . En France, au 30 janvier, la Ministre informe le grand Duduche de Philippe de la gravité de la situation sur ce Nouveau «Péril Jaune». Mais, Duduche et Manu, de leur Supériorité historique, culturelle, idéologique, ils ont pris ça de haut. Mais déjà en février, dans la gente populaire, on commençait sérieusement à s’inquiéter. Les colossales Certitudes s’effritaient, les murs de notre incommensurable Vanité se lézardaient. Début mars, les USA détournaient en douce des masques destinés aux Frenchies. Les Frenchies volaient les masques suédois destinés à l’Espagne. On riait de l’Italie, on était prêts à lyncher les ritals d’ici, comme lorsqu’on avait pillé leurs maisons en juin 40, à la belle époque où on avait appris que le Mussolin s’était allié au Moustachu de Berchtesgaden. Mais revenons à 2020. Le 15 mars, 17 millions de Français se déplacent pour un Vote. 17 millions. Et petit bilan : au deuxième jour d’Avril, masques, tests, machines respiratoires, médicaments manquent.
Et encore encore encore encore encore aujourd’hui, ça manque.
L’enfant trépignait derrière moi. Il est revenu à la charge, avec cette deuxième question : « Le Jour d’Après, c’est loin ? ». J’ai froncé les sourcils, hoché la tête comme un imbécile.
Ai juste répondu, bêtement, très bêtement : « Casse-tête chinois ».
Casse-tête, celle d’Artaud:
« Le théâtre comme la peste est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. Et la peste est un mal supérieur parce qu’elle est une crise complète après laquelle il ne reste rien que la mort ou qu’une extrême purification. De même le théâtre est un mal parce qu’il est l’équilibre suprême qui ne s’acquiert pas sans destruction. Il invite l’esprit à un délire qui exalte ses énergies ; et l’on peut voir pour finir que du point de vue humain, l’action du théâtre comme celle de la peste, est bienfaisante, car poussant les hommes à se voir tels qu’ils sont, elle fait tomber le masque, elle : découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartuferie ; elle secoue l’inertie asphyxiante de la matière qui gagne jusqu’aux données les plus claires des sens ; et révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur force cachée, elle les invite à prendre en face du destin une attitude héroïque et supérieure qu’elles n’auraient jamais eue sans cela. » (Le théatre et son double)
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_th%C3%A9%C3%A2tre_et_son_double/I
Hemingway, peu avant son suicide, avait aussi subi le casse-tête des électro-chocs: « Pourquoi bouleverser mon cerveau et anéantir ma mémoire, qui représentent mon capital, et me mettre en faillite? Le remède fut admirable, mais nous avons perdu le patient. »
@RobertSpire.
Merci pour Artaud et son texte imparable. Je rajoute que le Capital financier – avec ses suppôts politico-mediatiques – nous ont posé le Masque. Tout ça pour que l’on se croit immortel. La pub de ce Système tentant de nous faire avaler que chacun pourrait s’épargner la Mort ( bah on le sait vaguement ça) et surtout ce que j’appelle l’Epreuve du Mourir (qui est bien loin du Savoir).
Bonjour,
Je l’ai trouvé bien sage et gentil ton billet aujourd’hui pour moi qui suis très en colère.
Joëlle
@Joelle.
Sous la plage, les pavés.
Trouvé sur Twitter :
L’Académie française propose de remplacer l’expression « quand les poules auront des dents » par l’expression « quand les Français auront des masques ».
Les gens sont taquins… en attendant le grand retour de la guillotine ou des exécutions sommaires.
Le jour d’aprés se fera avec les « experts » d’avant.
Crise sanitaire et néolibéralisme, analyse:
« Barbara Stiegler décrypte pour « Marianne » les mutations du discours de l’impératif d’adaptation du néolibéralisme pendant cette crise sanitaire et politique. »
https://www.marianne.net/economie/barbara-stiegler-cette-crise-oblige-le-neoliberalisme-se-dedire-de-maniere-spectaculaire
Pour fuir leurs responsabilités dans la gestion des risques de pandémies, les politiques savent nous casser la tête avec des polémiques inutiles ou des arguments contradictoires, etc…
Le vrai casse-tête est de trouver une solution à la question: « Comment sortir du capitalisme « gentiment » avant le chaos environnemental? » car le capitalisme, lui « ne rendra pas les clés gentiment. »
https://blog.mondediplo.net/le-capitalisme-ne-rendra-pas-les-cles-gentiment