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Bruxelles : octobre 2005. Le scandale des matchs truqués éclatait et allait faire trembler le football belge sur ses bases fragiles grâce à l’instruction fouillée de la juge Sylvania Verstreken. On allait voir ce qu’on allait voir ! L’Opération Dragon était lancée. Aujourd’hui, les résultats sont connus.
En 2004/2005, Stéphane Pauwels était directeur technique du club de la Louvière. Auparavant, il aura été responsable du marketing à Mouscron, coordinateur sportif à Lille époque Halilhodzic, directeur technique de la sélection nationale algérienne. Actuellement recruteur au sein de l’AS Monaco, il est aussi consultant auprès de la RTBF pour l’émission Studio 1. Un peu de la même trempe que le populiste Philippe Lucas abonné à France Foot 2.
Aujourd’hui, avec le livre qu’il vient de faire paraître (Pauwels brise le silence , entretiens avec Michel Matton, aux éditions Luc Pire. ), il clame son innocence en revenant sur cette affaire et ses bas-côtés avec comme personnages centraux un Avocat bruxellois conseiller et ami de plusieurs stars du foot belge, Pierto A. manager proche de la famille sicilienne des B., Zehun Ye le parieur incontournable de la mafia de Shangaï, curieusement relâché après son arrestation, Filippo Gaone le président de La Louvière, mécène sicilien du Club, sorte de mix improbable entre Robert-Louis Dreyfus et Louis Nicollin.
Ce dernier sera inculpé de faux et usage de faux, détournement de fonds et abus de biens sociaux mais recevra deux tranches de 500.00 euros jamais récupérés. Tout au long du Livre, on suit la valse des joueurs et des entraîneurs sur la piste de danse de la Corruption. Menaces, intimidations, chantages, orgies sexuelles et tutti quanti. Pauwels, lui, se retrouva mêlé à ce scandale. Aujourd’hui, cependant, il ne fait plus figure de suspect.
La Louvière est une petite ville wallonne de 75 000 habitants en province du Hainaut qui compte Enzo Scifo, natif des lieux et Céline Dion comme célébrités. En 2000, le club de la ville (la Royale Association Athlétique Louvièroise) accède à l’élite et intègre la Jupiler League (du nom de la célèbre bière). La R.A.A.L. aurait pu redescendre directement si le Druide Daniel Leclercq, alors en stand-by de Lens, n’avait joué les pompiers de service pendant 12 journées en 2003 et 7 journées en 2004 avant d’être limogé.
En 2003/2004, le club modeste de La Louvière va gagner la finale de la Coupe de Belgique, au stade Roi Baudouin (ex-Heysel) à Bruxelles contre les flamands de Westerlo 3-1. Un succès synonyme de premier titre et de ticket pour la Coupe UEFA 2004. (Eliminés d’entrée – sans démériter – par le Benfica Lisbonne de Simão).
Place alors à l’écrivain-manager Stéphane Pauwels et à Albert Cartier, au chômage depuis la déliquescence de Gueugnon. L’affaire des matches truqués touche d’abord le Club. Dès le mois d’octobre 2004, alors que l’équipe était troisième au classement, certains joueurs n’étaient pas payés pour leurs primes de victoires (environ 1500 euros). Les salaires négociés avec les nouveaux joueurs pro étaient eux très raisonnables entre 1000 et 6000 euros brut par mois. Les proies sont faciles : on fait alors comprendre à certains joueurs à l’éthique fragile que pour diminuer la valeur marchande du club, il ne faut plus trop prendre de points.
Au mercato de janvier 2005, le Président vendra un maximum de joueurs (Klukowski, Ishiaku, Murcy, Assou-Ekoto…) pour deux millions d’euros qui ne furent évidemment pas réinjectés dans le Club. Disparus probablement selon les rumeurs au Luxembourg. Fin mars 2005, Pauwels sera viré. A partir de cette période, les résultats de l’équipe vont être beaucoup moins bons et on date de cette époque le début des matches truqués.
Le club de La Louvière et son nouveau coach Gibert Bodart (Ex-Coach d’Ostende et ancienne connaissance des Girondins) ne sont pas les seuls concernés. Ajoutons-y celui surtout du SKLierse, son manager Gaston Peteers, son entraîneur Paul Put. ( Zehun Ye y investit 370.000 euros), Saint-Trond, le GBA (Germinal Berschoot Anvers), Mons et d’autres clubs en D2 : Lommel, Renaix, Waasland, Geel et… même celui d’Allianssi (D1 Finlandaise) où Zehun Ye a commencé ses opérations douteuses.
Le pivot de cette affaire est bien ce chinois Zehun Ye de la mafia de Shangaï. Il a été la plaque tournante de ces matches truqués. « Le Chinois » agissait toujours selon le même mode opératoire : il proposait son aide financière aux clubs en échange d’arrangements sur le résultat de certains matches. En Asie principalement, plusieurs parieurs mis au courant de la combine pouvaient dès lors miser sans risque (et souvent très gros, comme l’ont plusieurs fois indiqué des sociétés de paris en ligne) sur les résultats de ces matches.
Les premières traces de matches truqués remontent à janvier et seront mis au jour en octobre 2005. Rappelez-vous : le 22 octobre de cette même année 2005, pour le compte de la 12e journée de Ligue 1, il y a un match qui connaît aussi des paris anormalement élevés (Metz-Lyon) comme les matches du 29 octobre (Saint-Trond-La Louvière) et du 5 novembre (Bruges-Saint-Trond) pour lesquels on constate un doublement des mises enregistrés sur le site belge de MrBookmaker et celui du bureau anglais Betfair.
Les paris s’élevaient à 50.000 euros pour la première rencontre, à 600.000 euros pour la seconde et à 230.000 euros pour la troisième alors que d’habitude les sommes mises en jeu ne dépassent pas 25.000 euros.
Autre pivot corrompu : Pietro A., manager et homme d’honneur, agent de joueurs sous licence… togolaise ( !) dont le poulain numéro 1 est le gardien de but de la Louvière Silvio Proto transféré à Anderlecht. Il a plusieurs joueurs de 2e ou 3e catégorie dans son portefeuille. Les plus connus : Brio, Sissoko, Omelianovitch, La Placa, Gorniak, Pister et Suray.
Pietro A. est en affaires avec son frère Salvatore, 35 ans, considéré comme un des caïds des négriers du bâtiment et ami de la famille de Carmelo B.. Ce charmant Carmelo étant, pour mémoire, le supposé commanditaire de l’assassinat d’un journaliste Stéphane S., de ceux de l’entrepreneur Jean-Claude B. et d’un commerçant gardien de but Adriano G. Entre 1987 et 1994, Salvatore et Pietro ont été les pourvoyeurs de main-d’œuvre au noir à destination des entreprises de construction. Ils avaient mis sur pied des sociétés écrans, utilisé des gérants de paille chargés de signer des documents vierges contre rémunération. Ils ont exploité des centaines de clandestins avec des contrats de travail bidons, des infractions comptables, des détournements, des escroqueries et autres abus de confiance.
En février 2006, une liste de 17 matchs truqués sera avancée avec 8 rencontres du Lierse, 6 de La Louvière et trois autres matchs : Mouscron-Gand, CS Bruges-Saint-Trond et Charleroi-Brussels.
Après toutes ces péripéties, on aurait pu croire que Justice serait rendue après développement d’enquête. Mais…la fédération belge de football (URBSFA) a mis fin en février 2008 à ses investigations sur ces matches truqués de première division. Pourquoi ? René Verstringhe, le « procureur » de la fédération belge s’est ainsi expliqué : « La justice (pénale) ne bouclera son enquête que dans cinq ou dix ans. A la fédération, cette affaire sera prescrite en 2008. Pour l’URBSFA, l’affaire est donc malheureusement terminée. Mon travail n’a servi à rien ».
La décision de l’URBSFA fait suite à un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles interdisant, avant une décision judiciaire sur le fond, toute poursuite sur le plan sportif à l’égard de joueurs soupçonnés de corruption.
Les joueurs et entraîneurs concernés (notamment Marius Mitu, Laurent Fassotte, Cliff Mardulier et Gilbert Bodart, tous inculpés pour corruption passive, mais également une douzaine d’autres joueurs visés par la justice, ainsi que l’entraîneur Paul Put, qui est passé aux aveux), peuvent donc continuer à jouer ou à entraîner sans craindre d’être suspendus. La plupart d’entre eux avaient pourtant avoué avoir accepté jusqu’à 10 000 euros par match pour lever le pied lors de rencontres de la saison 2004-2005.
Le SK Lierse sera rétrogradé en Troisième Division. Que son Président demande à la Juve comment il faut faire pour retrouver l’élite !
La Louvière sur le domaine sportif ne sera pas inquiétée. Son Grand Président, Filipo Gaone a pris sa retraite en décembre 2007 en ces termes : « À l’avenir, je voudrais me contenter d’être le premier supporter de la RAAL. Si on a besoin de moi, je suis là mais seulement si on a besoin de moi. Je souhaite au club et à mon successeur le plus grand bonheur. » Pierto A., lui, est à l’île Maurice et salue régulièrement les supporters de la Louvière sur son blog. Zehun Ye est, paraît-il, marchand de meubles à Shangaï. Sepp Battler, lui, veut toujours lutter contre la Corruption.
L’Opération Dragon est terminée. Le feu est éteint, complètement maîtrisé.
Une sacrée histoire belge, non ?
12 mars 2008
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