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12 juillet 98 : joie dans les rangs, liesse dans le pays. Les Bleus gagnent leur Coupe du Monde. Quelques jours plus tard, je rencontre un haut dignitaire roumain, un peu dubitatif. « D’accord vous avez gagné mais nous, dans notre équipe nationale, nous n’avons que de vrais roumains. Tandis que vous… » Sa phrase en suspens me désignait les Thuram, Dessailly, Henry, Zidane and Co. Ici, là-bas : Racisme pas mort !
Dix ans après, qu’en est-il de ce football roumain si inventif, souvent placé, jamais gagnant, ce football que les Français vont croiser le lundi 9 juin à 18 heures puis plus tard dans le groupe 7 pour la World Cup 2010 ? Cette équipe roumaine n’est pas à dédaigner et on aurait tort de la sous-estimer puisqu’elle a fini devant les Pays-Bas au terme d’une campagne de l’Euro sans quasiment une fausse note (1 défaite seulement).
Les dangers pour le football de ce pays viennent principalement de l’intérieur.
Mi-janvier 2008, la Direction Nationale Anti-corruption (DNA) a annoncé l’ouverture de poursuites judiciaires contre une dizaine de personnes issues du monde du football. Evasion fiscale, transactions illégales, blanchiment d’argent, préjudices qui s’élèveraient à plus de 12 millions d’euros.
Quatre grands clubs roumains seraient concernés ( Dinamo de Bucarest, Rapide Bucarest, Gloria Bistrita et Otelul Galati) et dans leurs sillage de grands noms de joueurs et de dirigeants aux propos nauséabonds.
Ces affaires ne sont pas nouvelles.
Cela avait commencé dans les années 90 lorsque les joueurs de la Génération dorée ( Hagi, Popescu, Raducioiu, Lupescu etc) ont été vendus. Déjà des sommes colossales avaient été « égarées » sur des comptes aux Îles Vierges et aux Pays-Bas.
D’autres fraudes se sont succédées depuis : matches truqués, arbitres achetés et aujourd’hui ces 12 transferts suspects (ceux de Cosmin Contra, Paul Codrea, Florin Cernat, Bogdan Mara, Lucian Sânmartean, Dan Alexa, Adrian Mihalcea, Nicolae Miţea, Cristian Dulcă, Ionel Ganea et Iulian Arhire, celui de Florin Bratu du Rapid Bucarest au Galatasaray en 2003). Pour celui d’Adrian Mutu du Dinamo Bucaresti à l’Inter par exemple, le club italien aurait payé 7 millions d’euros tandis que les documents officiels en possession du Dinamo faisaient état de 2,1 millions d’euros.
Mais revenons sur les poursuites pénales lancées par la DNA et les mises en examen. Ces dernières concernent, outre Gheorghe Neţoiu, actionnaire du Dinamo Bucarest, Sica Puscoci, avocat, Mihai Stoica, ancien directeur de l’Oţelul Galaţi, Jean Padureanu, président du Gloria Bistrita et Stoenescu Mircea, ex-président du club Dinamo :
Cristian Borcea : Actuel président exécutif du Dinamo Bucarest, il a été quatre fois champion de Roumanie avec ce club. Il gère également plusieurs affaires, notamment dans l’immobilier. C’est son équipe qui a un record peu enviable, celui du plus grand nombre de chansons et d’affiches racistes pendants les matches. Dans les tribunes, on fait mieux qu’à Bastia et au Parc : on peut y voir des banderoles longues de 50 mètres avec des inscriptions comme « A mort les Tziganes ! » Il a été impliqué directement dans les transferts qui ont représenté 35,7 millions de dollars pour les clubs étrangers, alors que son club, le Dinamo, n’en a déclaré que 13,5. Ca fait donc 22,2 millions détournés par ce monsieur.
Gheorghe Popescu : Ancien international roumain, il est le footballeur roumain le plus titré après Dorinel Munteanu et Gheorghe Hagi. En 2003, il a stoppé sa carrière sportive et s’est lancé dans les affaires, notamment immobilières. Il a créé sa propre école de football à Craiova. Il a également été l’agent de footballeurs entre 1999 et 2005.
Gigi Becali : patron multimilliardaire du Steaua et leader du Parti de la Nouvelle Génération (PNG). Fort de ses 18% d’électeurs, il tente d’infiltrer les associations qui recoupent la Diaspora roumaine. (En Espagne un demi-million. En Italie, environ 300.000 roumains). Charmant monsieur :
– Le 3 février 2002, il menace de mort Cristian Tudor Popescu, rédacteur en chef du quotidien Adevarul, dans un café de Bucarest. Un mois auparavant, le journal avait publié plusieurs articles d’investigation sur le rachat par le Président de terrains de l’armée à des prix étonnamment bas.
– Le 13 avril 2005, le derby entre son équipe et celle du Rapid a été le prétexte à un déchaînement raciste envers les Roms, traités de « sous-hommes ». Durant le match les tribunes ont scandé : « Nous haïrons toujours les tsiganes, nous avons toujours pissé sur eux ». Gigi est le premier à applaudir.
– M. Becali avait été filmé en avril 2006 alors qu’il proposait 10.000 euros à chacun des joueurs de Bistrita en cas de victoire (la moitié pour un match nul) sur le Rapid Bucarest, qui disputait avec le Steaua la première place du championnat. Interrogé sur ces images, M. Becali affirmera qu’il s’agissait d’une « farce ». « Vous savez, moi je promets beaucoup mais je ne tiens pas parole ».
– Autre trait du bonhomme : il fait interdire l’hymne de son équipe de football le « We are the champions » chanté par le soliste du groupe Queen, Freddie Mercury, au prétexte que « ce type était un homosexuel, donc un fou ». Et il rajoutera plus tard dans son programme politique, vouloir « créer des quartiers pour les homosexuels et les lesbiennes, pour qu’ils y restent et nous laissent tranquilles ».
Ioan et Victor Becali : les cousins du multimilliardaire possèdent, eux, une société d’impresario sportif. Ils ont été les agents des plus grands footballeurs roumains tels Gheorghe Hagi, Gheorghe Popescu, Cristian Chivu et Adrian Mutu, et ils avaient été impliqués dans les 12 transferts douteux cités plus haut. Ioan Becali a également été le président du Rapid et du Dinamo Bucarest.
Gheorghe Copoş : cet homme d’affaires est ancien vice-Premier ministre et sénateur, il est le propriétaire du holding Ana et du club de football Rapid Bucarest.
Il ne s’agit pas de verser dans les clichés sur la Roumanie ( ils sont hélas très – trop -nombreux). Soulignons que de nombreux efforts sont entrepris pour dénoncer ces outrances et saluons-les comme il se doit.
Le président roumain Traian Basescu a promulgué une loi en janvier 2008 visant à durcir les mesures anti-violence dans le sport, loi approuvée en décembre 2007 par les députés et initiée par le président de la ligue professionnelle de football roumaine. Cette législation prévoit notamment des interdictions de stade et des peines de prison allant jusqu’à deux ans pour les supporteurs coupables d’actes violents, porteurs de banderoles et d’inscriptions à caractère « fasciste, xénophobe ou raciste » et des amendes allant jusqu’à 13.900 euros d’amende avec un devoir de 300 heures de travail en communauté.
merci pour cet article très instructif sur le foot roumain dont on parle peu ou pas dans les médias.
Ton article est trés enrichissant. Le football roumain connaît des difficultés financières mais ils n’ont jamais été aussi proche d’une demi-finale de championnat d’Europe.
Ton article va plus en profondeur et complète celui deu blog de sud ouest :
http://eurofoot2008.blogsudouest.com