Un dernier Coucou.

Nous ne nous connaissions pas de visu. Nous n’étions pas toujours d’accord (il était socialiste du PS et moi, je… je…) mais il y avait un feeling, une tonalité dans nos quelques échanges qui nous ont fait du bien. Il tenait le blog du Coucou de Claviers et s’appelait Jean-Louis Fraysse. Début de 2010, je lui avais écrit pour lui dire une certaine lassitude de mon écriture sur blog et je l’avais questionné sur les deux écritures qu’il menait de front avec un certain bonheur. D’un côté le blog, de l’autre son écriture littéraire. Face à ma lassitude, il avait répondu lucidement en pointant aussi son «découragement» momentané.

Mais nous savions tous deux que la Vie l’emporterait.

Sache cher Coucou que, tout là-haut, nous poursuivrons notre conversation inachevée.

*

« Bonsoir BiBi,
Tes velléités d’arrêter ton blog ne me surprennent qu’à moitié, parce que j’imagine que nous sommes quelques uns, sinon tous, à connaître ce genre de tentation, en particulier dans les moments de découragement. En ce moment, je dois avouer que le mien me pèse souvent.
Quant à mener de front écriture et blog, tu as raison de t’interroger : c’est une gageure difficile à tenir durablement.
J’ai ouvert le Coucou pour pousser un coup de gueule sur les municipales. J’y suis resté parce que, de longues années après une jeunesse plus militante, j’avais envie de m’exprimer.
Et puis, je me suis aussi pris au jeu de chercher à savoir si, à mon âge, je pouvais encore pénétrer un monde totalement inconnu et m’y faire une place, en comprendre les règles, etc. De ce point de vue, je suis à moitié rassuré. Mais je trouve ça réellement fatiguant, et même lassant.
Quant à l’écriture menée parallèlement au blog, tu as raison de t’interroger. Pour moi, ce n’est possible que parce que ma femme et moi traversons dans l’écriture une période de crise (nous écrivons en collaboration depuis plus de 30 ans). Nous avons vécu d’autres passages de ce genre dans le passé, cela ne nous inquiète guère, mais ce sont tout de même de sales moments.(…)
L’édition est elle-même au bord de la crise, si ce n’est dedans, comme tu le sais, et du coup, les politiques éditoriales deviennent incompréhensibles.
Dans notre domaine de prédilection, la littérature jeunesse, nous ne sommes plus en phase avec l’air du moment… L’adaptation est dure à trouver.
Nous avons des textes en chantier, un polar destiné aux adultes en cours d’écriture, sans pour autant être assurés de trouver le second souffle nécessaire.
Donc, j’écris en fin de matinée et l’après-midi (le matin, je dois m’occuper de la maison et de son terrain). Je fais mon billet le soir après un survol de l’actualité et des blogs ultra-rapide (quelques fois j’y jette un coup d’œil le matin, ou à l’occasion d’un trou de la journée).
Mais il va sans dire que si nous redevenons réellement productifs, j’aurai encore moins de temps à consacrer au blog. Si un billet de loin en loin se révèle insuffisant pour le faire vivre, j’arrêterai. Entre écrire et bloguer, le choix est vite fait. Les lecteurs ne sont pas des visiteurs internautes, sauf quelques exceptions…
Enfin, j’apprécie tout de même dans le blog le côté exercice d’écriture sous contraintes de temps, de thèmes, etc.(…)
Cordialement,
Jean-Louis, le Coucou ».

4 Responses to Un dernier Coucou.

  1. Riffraff dit :

    Je suis ton blog depuis le début mon Bibi et je me souvenais des interventions de ce monsieur. Je ne le connaissais pas mais son décès me fait quelque chose. En tous cas, ton billet est magnifique.

  2. captainhaka dit :

    Bel hommage à notre ami Le Coucou.

  3. mtislav dit :

    Merci de nous faire partager ces lignes, quelques mots, beaucoup de vie(s).

  4. Nicolas dit :

    Merci (pour lui, pour ses enfants).

    Moi qui discutais souvent avec lui par mail, ça me fait tout bizarre de lire ce mail, une semaine après sa mort.

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