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A Trieste, je ne pensais pas à lui. J’avais dû oublier sa venue ici. Je venais plutôt pour l’histoire de la ville (lieu de résistance, de déportation), pour sa situation géographique et politique incongrue (ville italienne sans vraiment l’être, porte slovène). Et aussi pour son grand écrivain Boris Pahor (slovène) hélas méconnu, dont j’avais lu le très fort «Pèlerin parmi les Ombres» (1).
Je m’étais égaré dans une ruelle grise, près du centre-ville (13 Via Madonna del Mare), grimpant en direction de la ville haute, lorsque je vis la plaque qui indiquait «Museo de Joyce». Deux étages plus haut, une poussée sur la porte vitrée, trois pas derrière et à gauche, l’entrée. Une jeune femme à l’accueil, aimable, qui me proposa une vidéo de 15 minutes sur Joyce et ses 11 années à Trieste (Années 1904-1916).
Le Musée ? Deux petites salles où – faute de photographies de l’écrivain à l’époque – on apprend l’amitié entre l’écrivain irlandais et Italo Svevo, autre grande figure littéraire de Trieste.
Pas très loin de la rue de ce Musée, on imagine Joyce traversant ce quartier où on pouvait trouver à l’époque les bordels («The houses of public insecurity» dixit Joyce) de la ville (200 à 400 prostituées pour les marins du Port).
James Joyce arriva à Trieste le 20 octobre 1904 en compagnie de son épouse Nora. Il décida de la laisser un moment dans le jardin public qui jouxte la gare ferroviaire et fit le tour de la ville pour trouver une chambre. Dans une des tavernes de la Grande Place, il se retrouva au milieu d’une bagarre entre marins anglais passablement éméchés et fut alors… arrêté par les Carabinieri de Trieste. Heureusement, le Consul anglais intercéda en sa faveur. Tard dans la nuit, Joyce put enfin rejoindre une Nora Barnacle très inquiète.
L’écrivain irlandais fut enseignant à l’école Berlitz et se lia vite d’amitié avec Italo Svevo, écrivain italien d’origine juive. Italo – dit-on – eut une forte influence sur Joyce. Ce dernier emprunta à l’écrivain italien quelques traits de caractère pour le personnage emblématique de son «Ulysse». Étonnant Joyce qui se lia aussi avec deux italiens, propriétaires du Cinéma «Edison» et avec qui il fit affaire lorsque, revenu à Dublin, il décida d’ouvrir à son tour le premier cinéma dans la capitale irlandaise ! C’est à Trieste que Joyce écrivit «Stephen le Héros», «Giacomo Joyce» et c’est aussi là qu’il acheva «Portrait d’un Artiste».
Joyce parti, c’est un autre homme qui fit la « renommée » de la Ville. Mussolini. Le Duce promulgua les honteuses lois raciales le 18 septembre 1938 du balcon de la Piazza dell’Unita d’Italia. En signe de protestation ce même 18 septembre 2015, une centaine de personnes se regroupèrent sur la Place pour ne pas oublier cette infamie.
*
(1). J’entame un autre livre de Boris Pahor, écrivain slovène («Quand Ulysse revient à Trieste») qui offre dans ce livre une perspective inédite sur la ville en période fasciste – période ordinairement occultée par les écrivains italiens. Ce sont les slovènes qui construisirent la Maison du Peuple, premier centre culturel polyvalent en Europe. Maison qui, en 1920, fut brûlée par les fascistes. Cet événement déclencha d’ailleurs le premier mouvement de résistance en Europe contre les chemises noires (1920/1930).
D’apprendre la disparition de Lény Escudéro me rend profondément trieste…
@RobertSpire
Oui triste.
Mon petit hommage à Leny Escudero sur Twitter
(accompagné d’une photo d’allumette qui se consume jusqu’à la cendre):
Pour une allumette/
Qui brûlait par là/
J’ai perdu la tête/
Et puis me voilà.
jamais lu, je pensais que c’était trop compliqué. Du coup ça me donne envie