« Elle me disait… » (21)

laura_osswald 21

Elle ne me répond plus. Elle a surement dévalé sa dune. Elle est passée de l’autre côté, a probablement tourné la page et poursuivi sa route. De mon côté, je n’ai rien trouvé d’autre. Rien d’autre que ses propos incisifs d’antan consignés, répertoriés dans mes carnets. Je crois que ce sera tout.

Mais devant son insupportable silence, (elle s’est évanouie, elle s’est définitivement effacée, pas de doute), m’est advenu une idée un peu folle, une idée pour me donner le change, pour continuer de rêver aux bords de mer que nous longions, aux sables piétinés de bon matin sur cette plage océanique.

Rêver encore. Continuer de rêver. Prolonger ce rêve avec cette seule idée d’écrire à mon tour, en inventant ce qu’elle aurait pu dire, ce qu’elle aurait pu me dire.

Hier pendant nos marches du littoral.

Aujourd’hui en sa compagnie jusqu’au sommet de sa dune.

Elle me parle toujours. Dans le vent sifflant, sur mon écran muet, elle continue de me dire. Même partie, elle n’arrêtera jamais. Concentré, toujours sous sa dictée. J’écris, j’écris, je reste son scribe. Aucun doute : ça ne s’arrêtera jamais.

*

Elle disait : «Tu continues de croire naïvement que tu écris pour tout le monde. Oubliant qu’écrire sépare, divise, isole, te met de côté».

Elle me disait : «Tenir bon. S’accommoder du désespoir. Être prêt pour l’allégresse».

Elle me disait : «Le bon mot, la bonne intention, les bons sentiments ne font pas forcément de la bonne pensée».

Elle me disait : «Vaines l’Imagination et la Raison qui t’enferment en toi-même. Vaines sont-elles sans les risquer à l’autre».

Elle disait : «Comme au tennis. Tu es au service d’écrire. Et de tes mots envoyés, nul n’en connaît la réception et le retour».

Elle me disait : «Faire un bon petit livre. Rien de plus. Le réduire à un chapitre, à une phrase, au souffle d’un silence d’entre deux notes».

*

Disait 21

*

Elle me disait : «Ne pas tomber dans le dégoût de soi. Utile d’inventer des mensonges positifs sur notre personne».

Elle me disait : «Son cœur était tellement desséché qu’il ne cherchait même plus à boire aux oasis».

Elle me disait : «Donne du poids à ton histoire personnelle.Tu te sentiras aussitôt plus léger, plus aérien».

Elle me disait : «L’épreuve de l’écriture se gagne quand tes mots accélèrent, rattrapent et dépassent la vie courante».

*

Janeth Leigh

*

Elle me disait : «Ne te méprise pas continuellement, ne t’accable pas trop. Mauvais tout ça pour la santé psychique».

Elle disait : «Est-ce que ça existe une vague ? Où commence t-elle ? Où finit-elle? Plutôt lignes de crête, creux, ondulations infiniment».

Elle me disait : «Reste à naviguer à l’estime Essaye de ne pas perdre le Nord».

Elle me disait : «Pour résumer les affaires : sensible, déterminée un jour; sans cœur, lâche et minable un autre».

Elle disait : «L’homme : fier de lui, il creuse les douves, finit le pont-levis avant de s’apercevoir qu’il a construit un château de cartes».

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5 Responses to « Elle me disait… » (21)

  1. Robert Spire dit :

    Ces quelques phrases me font penser au merveilleux livre « La vie réinventée » du poète Alain Jouffroy qui a dit: »Ecrire un poème, c’est se tirer une balle dans les mots ».

  2. BiBi dit :

    @Robert.Spire
    Merci.
    Mais c’est trop d’honneur.

  3. Elle me disait : « tu n’as même pas installé de quoi twitter tes propres billets… »

  4. BiBi dit :

    @despasperdus
    Je suis en plein nettoyage de mon blog. Des hackers publicitaires me polluent ma vie de blogueur. J’essaye d’éliminer tout ça. Pas facile pour les faire entrer dans le rang. D’où les sautes d’humeur – ici avec le bouton Twitter.

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