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Déjà Fernand Deligny (1) et son petit livre «Graine de Crapule». Une somme de réflexions in-vivo lancées dans les années 50-60, nées du travail d’accompagnement d’enfants abandonnés, d’adolescents fugueurs, en révolte. Deligny, «éducateur» novateur, bien avant tous.
«Dans les plus grandes pagailles, tu es calme, souriant. Dans les grands calmes, tu es le vent».
«Trop se pencher sur eux, c’est la meilleure position pour recevoir un coup de pied au derrière».
«Ne leur apprends pas à scier si tu ne sais pas tenir une scie ; ne leur apprends pas à chanter si chanter t’ennuie ; ne te charge pas de leur apprendre à vivre si tu n’aimes pas la vie».
Et puis Louis-René des Forêts avec son implacable «Ostinato». Un livre bouleversant même après tant de relectures. Un livre qui palpite, abrupt et non négociable. Toujours sur l’Enfant.
«Toutes ces grandes personnes parlent sans répit et si fort qu’il se retire loin de leurs voix dans sa fable intérieure».
«Souffrance, détresse, fureur dont il se délivre par le rire, et c’est ainsi qu’on le tient pour un joyeux garçon».
«Les maîtres qu’il a acquis la faculté de percer à jour et qui, le sachant, perdent patience. Le plus rusé soutient son regard pour en émousser la pointe».
«Las d’attendre sur la berge, il se jette à l’eau. Où est-il maintenant ? Sur l’autre rive à refaire provision d’énergie. Et ainsi de suite jusqu’à ce que ses dernières forces l’abandonnent au milieu du courant».
«Faire la sourde oreille aux arguments d’une raison si infatuée d’elle-même qu’on lui oppose comme par fronde les balbutiements de l’ignorance, les convulsions du délire».
Et puis il y a les films.
Celui d’Abbas Kiarostami (1) : «Où est passé la maison de mon ami?». Une fiction où se joue la solidarité entre enfants, où se trace la ligne de démarcation entre l’écolier et l’adulte, le maître, le Professeur, où est magnifiée la ruse de l’enfant.
Celui de Jean Eustache : «Mes petites Amoureuses». Film magnifique sur l’éveil de l’enfant (un garçon) dans ses rapports avec les filles, premières amoureuses. L’état d’inquiétante étrangeté dans lequel ces rapports se jouent.
Et aussi l’enfant de Freud, pervers polymorphe, qui remue les consciences, le ciel comme la terre.
Et l’Enfantin rappelé par Pierre Péju («Enfance obscure») : «Gunther Grass disait que derrière le plus volumineux roman se cache un conte très simple. De même, derrière un paysage impressionniste, un visage torturé de Bacon ou une aquarelle abstraite se tient un peu d’Enfantin».
Et puis ces enfants guidés vers l’écriture :
Je cherche mon
univers au milieu de
ces gens qui ne vivent
que pour être bien
Sur cette musique j’écris
des paroles qui ne verront
jamais le jour, la belle
lumière du soleil, mais
ils seront récompensés
par le regard de tes yeux
sur ce papier
Et encore cet autre texte de Pascal B. qui n’a probablement jamais écouté et compris le «Like A Rolling Stone» de Dylan mais qui écrit aussi bien (1) (Extraits tirés du livre «Le Courage des Oiseaux» chez Compact Editeur).
Tu es belle et tu t’amuses
avec tout le monde,
oui mais un jour tout va se retourner contre
toi, et tous tes amis
ne pourront pas t’aider
car ça sera de ta faute
et ce jour-là
je serai là pour te
consoler mais je ne pourrai pas
t’aider, malgré que
je t’aime
(1) Des billets-BiBi déjà écrits :
C’est bobo l’enfance. C’est beau Bibi ton texte. C’est comme une maison de mon ami.)
L’enfance, âge merveilleux où l’on teste la puissance du mensonge auprés d’adultes souvent trés crédules: « Un enfant ne peut pas inventer cela, voyons! »