« Elle me disait…» (épisode 7).
De longues plages de silence, elle connait. Sa voix m’est redevenue audible dans les matins blancs du Léman, dans les soirs descendants, entre les pins et les châtaigniers. J’ai noté mentalement puis j’ai retranscrit au mot près. «Elle me disait…» : septième promenade où sa bouche ouverte, offerte l’est pour ses mots, pour ses renversements de sens, pour sa mélancolie et sa joie souterraine.
Elle disait : «Ah les yeux émerveillés des enfants au passage des trains. Comme moi en lecture, au passage de Flaubert».
Elle disait : «Le pire ? Lorsque le Vocabulaire de Mort, mon Ennemi, s’insinue jusque dans ma manière de m’exprimer & de rapporter les choses».
Elle me disait : «Faire démonstration de tes pouvoirs… Tu appelles ça écrire ?»
Elle disait : «On ne se souvient que des rendez-vous avec ce qui nous a dépassé».
Elle disait : «Impossible pour moi d’aimer le monde entier. Sauf par la médiation d’amis. Ceux provisoirement restés, ceux définitivement partis».
Elle disait : «Je ris de celui qui fait parfois le paon avec ses idées. Et plus encore de celui qui en fait son fond de commerce».
Elle disait : «Chercheur d’Or tu étais mais à chaque brassée de ton tamis, les mots retenus n’étaient jamais les bons».
Elle disait : «D’accord pour franchir le mur du Silence mais sans se précipiter, sans franchir le mur du Son».
Elle me disait : «A en rajouter sur ton désir forcené d’être aimé, tu y perdras tes ailes».
Elle disait : «Dans le dialogue, je préfère les barques qui se retournent aux sujets-bateaux».
Elle disait : «Les obsédés de la Raison ignorent le vol indéchiffrable des hirondelles et leur beauté».
Elle disait : «Ce sont les ombres des théories qui mettent les pratiques en lumière».
Elle me disait : «Les idées vagues se perdent dans la mer mais les idées fortes – hélas – restent sur le sable».
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